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Ligne 59 Anvers – Gand

mercredi 2 octobre 2013, par rixke

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 Genèse

La ligne 59 peut s’enorgueillir d’une histoire singulière. La première concession pour une ligne de chemin de fer destinée au trafic public fut accordée en 1842 à l’ingénieur De Ridder de St-Nicolas qui, en collaboration avec l’ingénieur Simons, avait construit la première ligne ferroviaire sur le continent entre Bruxelles et Malines.

L’obtention de la concession ne se fit pas cependant sans difficultés : ce n’est qu’en 1842 que l’ingénieur De Ridder parvint à ses fins. Entièrement par ses propres moyens, il construisit alors les 18 km de la section St-Nicolas - Vlaams Hoofd et il en commença l’exploitation le 3.11.1844 avec une locomotive de sa conception, quelques wagons et des voitures. De sa propre initiative, il acheva la ligne jusqu’à Gand et continua d’accroître l’effectif du matériel roulant.

A noter que la voie ferrée Gand - Anvers s’arrêtait à la Tête-de-Flandre (Vlaams Hoofd) ; la traversée de l’Escaut devant Anvers s’opérait, pour les voyageurs, en bateau à vapeur et, pour les marchandises, par bateaux à voile ou par chaloupes. En hiver, par les grands froids, il valait mieux se munir de patins à glace...

La ligne fut mise en service sur toute sa longueur le 9.8.1847 et ceci sans dépassement du capital initialement prévu de 4700000 F.

A l’époque la ligne Anvers - Gand était déjà, surtout du point de vue technique, relativement originale. Bien qu’elle ne fût aménagée qu’à simple voie, on avait déjà réservé entre St-Nicolas et Lokeren le terrain nécessaire à la pose éventuelle d’une deuxième voie. La ligne, d’une longueur totale de 50 km, était composée de sept tronçons rectilignes reliés entre eux par des courbes à grand rayon. La seule pente située entre Lokeren et St-Nicolas n’atteignait que 3,5 ‰ sur une longueur de 1600 m. Il n’y avait qu’un seul ouvrage d’art : le pont de la Durme, qui comprenait une partie centrale mobile conçue par l’ingénieur De Ridder lui-même. La voie avait un écartement de 1,151 m et les premiers rails, du type Vignole, pesaient 22 kg/m (poids porté plus tard à 24 kg).

Ils seront remplacés ensuite progressivement par des rails en acier de 30,3 kg/m. Les rails sont posés sur des traverses distantes de 0,80 m et ont chacun 4,80 m de longueur.

Le matériel roulant était également tout à fait inhabituel.

Toutes les locomotives étaient du type 1.1.1., dites « Système de Ridder » : elles avaient leur réservoir à eau en forme de fer à cheval, placé au-dessus de la chaudière cylindrique et de la boîte à fumée : ces premières machines-tenders furent alimentées de houille crue jusqu’en 1853, puis de briquettes. En 1862, le parc se composait de 32 voitures, 67 wagons de différents types et de 9 locomotives semblables.

Bien que la voie fût fort étroite, les roues des voitures avaient 1,10 m de diamètre : le centre de gravité en avait été ramené aussi bas que possible (la hauteur entre les rails et le plancher des voitures était primitivement de 0,80 m) ; les caisses des voitures avaient la même largeur que celles qui circulaient sur des lignes à écartement normal (1,435 m) ; les chaînes d’attelage étaient remplacées par une simple barre de fer : les butoirs de toutes les voitures étaient ainsi supprimés et chacune d’elles portait un ressort servant à la fois pour les chocs et la traction.

En 1896, la ligne fut reprise, avec tout son matériel, par les chemins de fer de l’Etat belge et, lors de la cession, l’opération de mise à écartement normal (1,435 m) de la voie étroite (1,151 m) fut menée à bien en une seule nuit.

La ligne demeura à simple voie et conserva son terminus à Sint-Anneke (ultérieurement la gare d’Anvers-Rive gauche) sur la rive gauche de l’Escaut. Jusqu’en 1970, l’Escaut s’avéra être ici le grand obstacle et la ligne n’eut donc tout un temps qu’une importance surtout locale.

 L’électrification de la ligne 59

La grande chance se présenta pour la ligne 59 en 1964, lorsqu’il fut décidé de construire un second tunnel sous l’Escaut. Dans le tunnel J.F. Kennedy sous l’Escaut à Anvers, on aménagea à côté du pertuis réservé à l’autoroute E 3 une autre gaine destinée à recevoir une double voie ferrée ; il devenait désormais possible de réaliser une liaison électrifiée directe entre le centre d’Anvers et la ville de Gand. Ainsi, le Pays de Waes pouvait enfin être dégagé de son isolement ferroviaire par rapport à l’agglomération anversoise.

La mise en service de la section électrifiée Anvers - St-Nicolas eut lieu le 27 septembre 1970. Outre la construction du tunnel proprement dit, l’aménagement de ce tronçon nécessita d’importants travaux sur le domaine du chemin de fer : la modernisation de la gare de Berchem, et ceci sans qu’on dût interrompre l’exploitation (malgré le passage d’environ 500 trains par jour), l’établissement de la « Vestinglijn » (ligne des remparts) entre Berchem et l’extrémité du tunnel côté Anvers, la pose d’une deuxième voie entre Anvers-Rive gauche et St-Nicolas, le rehaussement de la gare de St-Nicolas y compris le déplacement des installations à marchandises vers le côté est de la ville.

Saint-Nicolas

Enfin, le 3 juin 1973, l’électrification du tronçon St-Nicolas - Gand était achevée. En ce qui concerne cette partie, on profita de l’électrification pour réaliser d’importants travaux de modernisation : la pose de la deuxième voie sur le tronçon St-Nicolas - Oostakker, la construction du viaduc de St-Nicolas (côté Gand), le relèvement des voies à Lokeren, y compris le déplacement des installations à marchandises à hauteur de la zone industrielle à la périphérie est de la ville, la modification du tracé des voies en gare de Gand Maritime, le relèvement des voies de la ceinture est à Gentbrugge et la modernisation intégrale de la signalisation sur le tronçon de St-Nicolas à Gand en sont les illustrations les plus éloquentes.

 Importance de la ligne 59

La signification de cette liaison ferroviaire moderne apparaît peut-être le mieux lorsque l’on considère les chiffres de population des agglomérations, villes et communes directement desservies. Plus de 1200000 personnes, soit donc environ un huitième de l’ensemble de la population du pays, sont intéressées par cette ligne ferroviaire.

Berchem-lez-Anvers

Ses fonctions, pour le service des voyageurs, sont multiples.

En premier lieu, il y a naturellement les trains rapides entre Anvers et Gand qui desservent en même temps les deux principaux centres du Pays de Waes, St-Nicolas et Lokeren.

Saint-Nicolas

De même, le trafic de transit par la ligne 59 revêt une grande importance, principalement pour les relations Anvers - Flandre Occidentale, plus précisément à destination de Bruges, Ostende et la côte orientale, ainsi que pour celles via Courtrai et au-delà à destination de Lille.

Enfin, en ce qui concerne le trafic des marchandises, hormis la desserte locale, la ligne 59, à ce jour, ne présente d’intérêt que pour la zone industrielle de la rive gauche de l’Escaut autour de Zwijndrecht et de Kallo. Le trafic marchandises s’échangeant entre Anvers et Gand rencontre, dans les rampes d’accès de 16 ‰ du tunnel Kennedy, un sérieux obstacle qui cependant n’est pas insurmontable.

Gand-Dampoort

En outre, il y a lieu de tenir compte dans le cadre de l’industrialisation de la rive gauche, d’un projet d’établissement, au nord d’Anvers, d’une troisième voie de communication entre les rives de l’Escaut. Il s’agit d’un nouveau tunnel qui sera principalement dévolu au transport des marchandises et qui comportera deux pertuis, un pour la route et l’autre pour le fer.

Par ce tunnel, la ligne 59 sera mise en communication directe avec la gare de formation d’Anvers Nord, ce qui accroîtra sans nul doute son importance pour le trafic des marchandises.

 Caractéristiques

Voies

  • longueur : Anvers Central - Gand St-Pierre : 65km
  • vitesse de référence : 140km/h.
  • zones de ralentissement :
    • Anvers Central - Berchem 120 km/h.
    • Gare de Berchem 60 km/h.
    • Berchem - Anvers Rive Gauche 90 km/h.
    • Traversée de St-Nicolas 100km/h.
    • Traversée de Lokeren 120km/h.
    • Oostakker - Gand Dampoort 110km/h.
    • Gand Dampoort - Triangle Ledeberg 90km/h.
    • Gand St-Pierre 80km/h.

Gares les plus importantes

Voyageurs

Gares avec un mouvement de plus de 1 000 voyageurs par jour en ce qui concerne les trains de la ligne 59 (recensement 1977) :

Anvers Central 3 428
Berchem 1 385
Anvers Sud 1 194
St-Nicolas 3 782
Lokeren 2 266
Gand Dampoort 1 491
Gand St-Pierre 3 354

Marchandises

Plus de 10 wagons de marchandises en moyenne par jour (arrivages et expéditions ensemble - chiffres de l977) :

  • St-Nicolas environ 60 wagons

Principaux ouvrages d’art

  • Berchem
    Deux tunnels tubulaires pour les lignes 59 (voyageurs : longueur 55 m - pente 20 ‰) et 59-1 (marchandises : longueur 80 m - pente 11,2 ‰) en vue d’éviter le croisement à niveau avec des lignes à circulation intense 25 et 27.
  • Tunnel Kennedy
    Tunnel sous l’Escaut, dont la partie sous le fleuve a été construite par la méthode à caissons ; longueur totale du pertuis ferroviaire : 1 655 m, pente maximale : 16,9 ‰.
  • Beveren
    Pont tubulaire sous la Nationale 14 Anvers-Gand (longueur 166 m).
  • Saint-Nicolas
    Viaduc de 700 m de longueur à l’ouest de la gare à voyageurs (côté Gand).
  • Gentbrugge
    Ici les voies de la ceinture Est ont été relevées sur toute la longueur de celle-ci en vue de supprimer 5 passages à niveau. Ce relèvement des voies comprend entre autres un viaduc de 730 m de long.

Signalisation

En pleine voie

  • voie normale : block automatique sur toute la longueur ;
  • contre-voie : signaux fixes de contre-voie depuis Berchem jusqu’à Lokeren et block automatique de Lokeren jusqu’au triangle de Ledeberg.

Gare

  • Anvers Central (block 14) : cabine électrique construite en 1953 ;
  • Berchem (block 12) : poste tous relais construit en 1970 - A l’heure actuelle ce type de cabine est encore généralement construit en Belgique ;
  • Anvers Sud : poste satellite commandé depuis Berchem ;
  • Zwijndrecht (block 2) et Beveren (block 3) : postes tous relais ;
  • Saint-Nicolas : deux cabines tous relais, à savoir le block 4 qui dessert les voies principales et une partie du faisceau à marchandises (construit en 1971/1972) et la cabine I commandant la partie côté Anvers du faisceau précité et qui fonctionne comme poste de triage pour la tête du même faisceau ;
  • Lokeren (block 5) : poste tous relais construit en 1975 ;
  • Beervelde : poste tous relais encore toujours desservi sur place mais qui, ultérieurement, sera télécommandé depuis le block 9 de Gand Maritime ;
  • Gand Maritime (block 9) : poste tous relais qui commande les voies principales entre Gentbrugge et Oostakker ainsi que l’entrée, côté Gand Dampoort, des faisceaux à marchandises de la gare de formation, mis en service le 9.11.1975 ;
  • Triangle de Ledeberg : les deux bifurcations du triangle que parcourent les trains Anvers - Gand sont commandées par la partie tous relais du block 29 de Merelbeke ;
  • Gand Saint-Pierre (block 35) : cabine électrique.

Installations d’alimentation de la caténaire

  • Sous-stations de traction : Berchem, Lokeren, Gand St-Pierre.
  • Postes de sectionnement : Anvers Sud, St-Nicolas, Gand Maritime (block 9).

 Ligne 59 - Dates d’ouvertures des stations (S) et points d’arrêt (PA) de la ligne originelle Anvers - Rive gauche - Gand Waes

Anvers - Rive Gauche (S) 26.2.1845
Zwijndrecht (H) 23.4.1849 halte déplacée le 30.12.1903
Zwijndrecht-Fort (PA) 22.5.1922
Melsele (PA) 1.6.1891
Beveren-Waes (S) 26.2.1845
Haasdonck (PA) 1.7.1899
Nieuwkerken-Waes (S) 23.4.1849
St-Nicolas (S) 26.2.1845
Valk (PA) 4.8.1930 supprimé en 1957
Belcele-Nord (PA) 1.5.1899
Sinay-Waes (S) 23.4.1849
Heiken (PA) 1.10.1898 supprimé en 1957
Lokeren (S) 9.8.1847
Staakte (PA) 4.8.1930 supprimé en 1957
Seveneeken (PA) 1.7.1891
Beirvelde (S) 9.8.1847
Lochristi (S) 1.10.1864
Destelbergen (PA) 1.7.1891
Mont-St-Amand (H) 4.8.1930
Oostacker (S) 1.5.1911
Gand-Waes (S) 9.8.1847

Source : Le Rail, septembre 1978

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