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Ligne 78 : Mons - Tournai, une ligne singulière

G. Finet.

mercredi 16 octobre 2013, par rixke

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La ligne 78 Mons - Tournai ne sortirait pas de l’anonymat des autres lignes si, au fil de son histoire, quelques événements ou situations insolites n’avaient retenu l’attention du public.

A l’époque, les « mass-media », tels que nous les concevons aujourd’hui, n’existaient pas. Pour décrire l’évolution d’une ligne de chemin de fer, il faut donc remonter aux sources, faire parler les anciens, fouiner dans les bibliothèques... pour découvrir ce qui n’était connu que par les populations locales ou quelques heureux initiés.

Signalons quelques-uns de ces événements :

  • en 1842, la première section de la ligne 78 Mons - Saint-Ghislain croise, à niveau, le premier chemin de fer industriel en traction hippomobile, celui du Grand Hornu, créé en 1830 par Degorge Legrand dans une ambiance particulièrement troublée et qui frisa la révolution :
  • en 1879, la seconde gare de Tournai est inaugurée par Léopold II :
  • en 1902, un « trainage aérien » remplace le chemin de fer de Degorge et franchit la ligne Mons - Saint-Ghislain au-dessus d’un filet de protection : il demeurera jusqu’en 1945 ;
  • après la première guerre mondiale, on édifie, entre Callenelle et Maubray, un pont bientôt surnommé par les riverains le « Pont des Imbéciles » et dont nous conterons l’histoire ;
  • en 1927, la ligne 78 A Blaton - Bernissart est prolongée en traction électrique jusque dans les installations des charbonnages d’Hensies-Pommerceul : il circulera, sur cette ligne privée de 6 km à voie unique, des trains de voyageurs et des trains de marchandises.

Tels sont quelques-uns des « titres de noblesse » de la ligne 78 sur lesquels nous reviendrons... après avoir présenté dans le détail ce tronçon de la dorsale wallonne.

 Caractéristiques de la ligne 78 Mons - Tournai

  • longueur : Mons - Saint-Ghislain - Tournai : 48 km (la section Mons - Saint-Ghislain 9 km est commune aux lignes 78 et 97) ;
  • vitesse de référence : 90 km/h ;
  • zones de ralentissement :
    • gare de Saint-Ghislain : 40 km/h ;
    • Callenelle : 80 km/h ;
    • Antoing : 80 km/h.

 Gares les plus importantes

Mouvement quotidien de voyageurs

Mons ± 1600 [1]
Jemappes 810 [2]
Quaregnon-Wasmüel 1570 [3]
Saint-Ghislain-Hornu 570 [4]
Blaton 1200
Péruwelz 1040
Antoing 650
Tournai ± 1600 [5]

Marchandises

arrivée et départ - Saint-Ghislain (y compris Tertre)

Carbo 350 wagons/jour
Jemappes 25 wagons/jour
Blaton 18 wagons/jour

 Principaux ouvrages d’art

Quelques ouvrages d’art, au-dessus de deux canaux qui croisent la ligne 78, ont occupé l’actualité par l’un ou l’autre aspect de leur longue histoire. Un PS (pont) situé entre Boussu, Haine et Hautrage, construit au XIXe siècle en même temps que la ligne, s’était, au fil du temps, lentement affaissé en raison des travaux miniers très importants dans cette région. Cette situation obligeait les péniches vides circulant sur le canal de Mons à Condé à démonter leur cabine-habitacle pour s’inscrire sans dégât dans le gabarit du pont-rail.

Détruit en 1940, il a été reconstruit définitivement en 1945-46 et sa reconstruction a éliminé les soucis des bateliers.

 Le « Pont des Imbéciles »

Il est toujours difficile de modifier, voire de simplement contrarier les habitudes des gens... surtout en matière de circulation routière.

Au lendemain de la première guerre mondiale, cette règle s’est une fois de plus confirmée qui a valu à un pont, le seul pont de la section Maubray - Callenelle, situé à la B.K. 76700, l’appellation irrévérencieuse de « Pont des Imbéciles ».

Il existait à l’époque, distants de quelques centaines de mètres, deux passages à niveau, numérotés 26 et 27, aujourd’hui disparus.

L’un de ceux-ci franchissait la ligne de chemin de fer en un biais de 45 degrés et nous supposons que, comme beaucoup de ces traversées de campagne utilisées surtout par les fermiers, il ne devait pas être gardé. L’administration - peut-être le chemin de fer ou un ministère - décida de les remplacer par un pont... Oui, mais... Par voie de conséquence, la voirie devait être aussi adaptée et les chemins campagnards déviés vers le pont...

L’inauguration de la gare de Tournai

Croyez-vous que les « gens du coin » applaudirent à l’aspect « sécurité » de ce pont... ? Au contraire, ce fut un beau tollé populaire et des détours de quelques centaines de mètres allongeant de part et d’autre de l’ouvrage nouveau les anciens itinéraires lui valurent le titre peu glorieux qu’il a conservé de nos jours de « Pont des Imbéciles »..., titre entré désormais dans le folklore.

 La signalisation

  • la section Mons - Saint-Ghislain a été modernisée en 1964 lors de l’électrification de ce tronçon : block automatique lumineux, signalisation de contre-voie et cabines « tout relais » à Mons et à Jemappes après celles de Saint-Ghislain, gare remodelée en 1955/56.
  • La section Blaton - Péruwelz a été modernisée en 1972 par la mise en service d’un poste « tout relais » au block 35 de Blaton.
  • La section Saint-Ghislain - Blaton a été équipée en block automatique en juillet ’78 avec la signalisation de contre-voie.
  • La section Péruwelz - Tournai sera modernisée lors des travaux d’électrification : le block 34 de Blaton, les blocks 37 et 38 de Péruwelz, le block 39 de Callenelle, les blocks 41 et 42 d’Antoing, tous du type « Siemens » équipés du système des blocks par appareils enclenchés en relation avec les signaux de la signalisation à trois positions, seront remplacés par les cabines modernes du type « tout relais » avec signalisation lumineuse et de circulation à contre-sens. Le block 37 de Tournai est déjà du type « tout relais ».

 Histoire de la ligne

La ligne 78 se partage en trois sections :

  • la section Mons - Saint-Ghislain à double voie, mise en service le 7/8/1842, a toujours appartenu aux chemins de fer de l’Etat : elle fut partie intégrante de la ligne Bruxelles - Mons - Saint-Ghislain - Quiévrain - frontière française (et au-delà Paris), ouverte le 14 novembre 1842 (la relation directe Bruxelles-Paris, via Quévy, ne sera inaugurée qu’en décembre 1857).
  • le tronçon Saint-Ghislain - Basècles Carrières et au-delà vers Leuze, Renais, Audenaerde, De Pinte, Gand, a été construit pour des raisons économiques afin d’acheminer le charbon borain vers Gand Maritime et les Flandres.
    Ce tronçon a été ouvert au trafic « marchandises » le 15 février 1861 et au service « voyageurs » quelques jours plus tard.
  • le tronçon Basècles - Péruwelz fut mis en service le 1/3/1867 ;
  • le tronçon Péruwelz - Tournai a été exploité à partir du 15 février 1870.

Ces deux derniers tronçons établissaient une relation directe entre le chef-lieu du Hainaut et la cité épiscopale ; elle se substituait ainsi à une déviation via Leuze et à des échanges de correspondances laborieux dans cette dernière gare.

 Les compagnies

En 1857, une compagnie « Chemin de fer Hainaut - Flandres » - société anonyme créée par A.R. le 5/1/1857 - obtenait la concession des lignes qui devaient relier les localités de Saint-Ghislain - Blaton - Basècles - Leuze - Renaix - Audenaerde - De Pinte et au-delà Gand.

La ligne primitive fut construite à simple voie mais la pose d’une deuxième voie devait être prévue sur l’assiette de la ligne.

Le « Chemin de fer Hainaut - Flandres », dont la situation financière devint peu à peu critique, fut pris à bail le 1/1/1867 par la « Société générale d’exploitation des Chemins de fer » selon une convention du 28/11/1865.

L’intervention de cette société a permis de tirer la « Cie Hainaut - Flandres » d’une situation critique, grâce à ses efforts et à son concours financier.

Mais l’intervention de la Société Générale d’Exploitation ne résolut pas tous les problèmes et le 1/1/1871, ce réseau fut partiellement repris par l’Etat et les lignes 78 et 86 actuelles Saint-Ghislain - Tournai et Basècles - Audenaerde passèrent sous une nouvelle direction. Pour la petite histoire, signalons qu’il existe encore de nos jours des séquelles de l’option primitive prise dans la construction de ces lignes.

Les PN (passages à niveau) sont numérotés de Saint-Ghislain à Leuze dans un ordre croissant de 1 à 23, le PN 24 se situant à Basècles-Carrières et le PN 25 en vue de Basècles sur la ligne 86 vers Leuze.

En sens inverse, la numérotation est croissante depuis Tournai et s’il manque le PN n° 1, celui-ci devait se situer sur l’ancienne ligne qui reliait la première gare de Tournai à la ligne 78.

Cette numérotation s’arrête au PN 43 entre Péruwelz et Basècles-Carrières où il fait front au PN 23.

Ainsi s’explique ce cheminement bizarre d’une numérotation qui semble, à première vue, peu orthodoxe.

Une autre conséquence de cette évolution historique :

la BK (borne kilométrique) 67000 qui se situe à l’ancienne jonction des lignes 78 vers Tournai et 86 vers Leuze, se trouve à 1216 mètres de la BK 66000.

Ne croyez surtout pas que les fonctionnaires de l’époque étaient incapables de manipuler les chaînes d’arpenteur... mais comme pour les PN, on a pris les mesures au départ de Tournai et de Saint-Ghislain et on a bien dû, à ce moment-là, trouver un « compromis ».

Avant la rectification de la ligne Basècles - Carrières, la distance réelle entre les BK 66000 et 67000 était de 1350 mètres.

Les prochains travaux régulariseront peut-être une situation qui, empressons-nous de le dire, n’est pas unique sur le réseau.

Il ne reste plus que 216 mètres à gommer...

 La voie

La ligne Hainaut-Flandres (Leuze - Basècles - St-Ghislain) fut construite à l’aide de rails Vignole en fer de 35 kg/m ; les traverses étaient en chêne et en sapin : le système de croisement en fer et fonte, dit loicq, fut adopté dans les stations et en pleine voie.

Ces rails furent remplacés avant la première guerre mondiale par des rails de 40 kg/m et en 1919/20 par des rails canadiens de 50 kg et de 10 m 60 de long (type Alcoma).

Salle des pas perdus de la gare de Tournai.

Un type similaire de rails de 50 kg/m a prévalu jusqu’à nos jours pour former les barres successives de 18, 27 ou 36 mètres.

Les tronçons seront équipés au fur et à mesure de la modernisation, de longs rails soudés de 50 kg/m formant des barres pouvant atteindre plusieurs km de long.

 La traction

La remise de Saint-Ghislain-type-Etat est née avec la ligne... et elle existe toujours... mais le dépôt « diesel » n’occupe pas l’emplacement de l’ancienne remise « vapeur ».

En 1865, le dépôt de Blaton, qui survécut jusqu’en 1947, accueillait 11 locomotives à voyageurs et 5 locomotives à marchandises. Jusqu’au moment de sa reprise par l’Etat et plus tard, la remise aux locomotives de Blaton hébergea des locomotives de plus en plus sophistiquées. (Voir « Nos inoubliables vapeur », de Phil Dambly).

Hautrage

Elle apparaît pour la dernière fois dans les roulements en 1942 et elle semble avoir fini sa carrière comme « abri » en 1947 à la décharge de St-Ghislain.

Ajoutons que Quaregnon Central abrita un dépôt de locomotives marchandises pour la desserte des lignes du Borinage.

A l’autre bout, le dépôt « Etat » de Tournai existe toujours : il est devenu un simple abri « diesel ».

A Mons, le dépôt des locomotives n’a pas survécu à l’électrification de la ligne 96 Bruxelles - Quévy et ses activités ont été transférées à Saint-Ghislain.

 Les bâtiments de gare

Très tôt, le chemin de fer étant le seul moyen de locomotion, les responsables ferroviaires ont dû penser aux « abris » pour accueillir les candidats aux voyages et leurs accompagnateurs. Souvent, il s’agissait d’abris en bois ou en « dur » mais de construction rudimentaire.

 Dates d’ouverture des stations (S), haltes (H) et points d’arrêt (PA)

Tournai S 24.10.1842 [6]
Vaulx S 15.2.1870
Antoing S 15.2.1870
Maubray H 15.10.1881
Callenelle S 15.2.1870
Péruwelz S 1.3.1867
Basècles-Carrières S 1.8.1870
Blaton S 20.2.1861
Harchies H 1.5.1879
Ville-Pommerœul S 20.2.1861
Hautrage-Etat S 20.11.1879
Boussu-Haine H 1.12.1879
St-Ghislain S 7.8.1842
Quaregnon-Wasmuel S 1.5.1865
Jemappes S 7.8.1842
Mons S 19.12.1841

C’est surtout au cours des dernières années du XIXe siècle que les bâtiments de gare ont été modernisés et adaptés aux nécessités du temps. Nous évoquerons la construction de la gare de Tournai : la gare du quai de l’Arsenal, qui ne manquait pas de style, fut démontée pierre par pierre et reconstruite à Leuze, dans son intégralité première. La main-d’œuvre à l’époque était bon marché...

La gare de Jemappes date de 1898 ainsi qu’en témoigne une pierre incrustée dans le frontispice au-dessus du bureau du chef de gare. A Saint-Ghislain, seule la gare a résisté aux bombardements de mai et juin 1944.

Gare de Hautrage Etat

A Mons, la seconde gare, construite de 1865 à 1870, a été anéantie à la même époque (1944) et reconstruite à partir de 1948.

Seul, parmi les gares intermédiaires, un nouveau bâtiment B.V. (bâtiment voyageurs) existe à Blaton depuis la fin de 1960.

 Quelques points particuliers d’histoire

Le chemin de fer du Grand Hornu... et la révolte des charretiers

En 1830, M. Degorge-Legrand, citoyen français devenu sénateur belge, exploitait avec grand succès les Charbonnages du Grand Hornu. Comme moyen de transport, il ne disposait que de la voie fluviale : le canal de Mons à Condé, creusé sur ordre de Napoléon.

Degorge avait entendu parler de chemin de fer... Il fit poser une voie, à peu près métrique, avec des rails en bois puis en fer, longue de près de 2 km, pour acheminer son charbon jusque dans les péniches.

Un cheval pouvait tirer 6 à 8 wagonnets de charbon.

Les charretiers qui, jusque là, jouissaient de ce monopole, ne l’entendirent pas ainsi et, un jour d’octobre 1830, ils pillèrent le « Grand Hornu » : Degorge, le grand patron, ne dut son salut qu’à son pigeonnier, où il se cacha...

Au Borinage on dit encore de quelqu’un qui se met à mener subitement un grand train de vie : « II a participé au pillage Degorge ».

Mais le chemin de fer de Dégorge se remit de ses émotions. Quelques années plus tard, en 1847/48, les locomotives à vapeur prenaient le relais des chevaux et une fabrique de locomotives fut exploitée régulièrement à Boussu jusqu’en 1925 - et ultérieurement de 1935 à 1940 -. Elle alimentait les charbonnages, et aussi les chemins de fer et les vicinaux.

Mais à la fin du siècle, le trafic du tronçon Mons - St-Ghislain s’intensifiait : la production charbonnière alimentait les gares de Jemappes-Gare charbonnière, Flénu-Central, Warquignies-Charbonnages, St-Ghislain et Mons et des trains, de plus en plus nombreux, empruntaient ce dernier tronçon.

Le chemin de fer de Degorge, amené dans l’intervalle à l’écartement normal de 1 m 435 et de plus en plus entravé, n’était plus rentable... En 1902, on le remplaça par un trainage aérien : les wagonnets suspendus à un fil amenaient le charbon depuis le Grand Hornu jusqu’au canal, où ils se déversaient dans les péniches ou à même le quai.

Et au retour, surtout pendant les vacances, il n’était pas rare de voir des « galopins » prendre place dans les wagonnets vides pour atterrir avant la cour du charbonnage en sautant sur le dernier tertre schisteux - un bout de terril - supportant le dernier pylône du complexe.

Le trainage aérien développait 1800 mètres de longueur ; pour pallier les conséquences des chutes de charbon, son environnement était protégé par un filet... Il constitua, jusqu’en 1945, date de sa démolition, l’attraction principale de l’avant-gare de St-Ghislain.

La gare de Tournai

En 1879, le roi Léopold II descendit à Tournai pour inaugurer la nouvelle gare, toute en pierre taillée, et qui avait fière allure. Elle se substituait à la gare primitive construite au quai de l’Arsenal.

Mais voilà, si le bâtiment et la marquise étaient bien là... les voies étaient encore peu nombreuses : il ne devait en exister qu’une seule, à l’emplacement de la voie 1 actuelle. Le jour de l’inauguration, on organisa une grande exposition florale sur l’assiette des voies futures non encore posées : elle séduisit le Souverain, les personnalités officielles et le bon peuple de Tournai. La population locale eut ainsi l’occasion de découvrir sa future gare sous une optique insolite : les trains et les fleurs.

Une lithographie, datant de 1880 et reproduite en 1956 à l’occasion de l’inauguration de la gare de Tournai reconstruite dans son style architectural primitif, représentait cette inauguration et sa foire aux fleurs. Nous la reproduisons à notre tour.

Ajoutons qu’en 1911, un incendie avait endommagé la toiture de son aile gauche - côté Mons -. En mai 1944, elle fut à nouveau partiellement détruite par les bombardements alliés. Aujourd’hui, elle constitue l’une des gares belges à avoir conservé son cachet d’époque, puisqu’elle aura 100 ans en 1979... Mais sa marquise démodée a été remplacée par des abris-parapluies.

 Le premier chemin de fer électrique industriel

La ligne 78 cohabita longtemps avec la première ligne industrielle en traction électrique ; il s’agissait d’une ligne de 6 km reliant la gare de Bernissart aux installations des Charbonnages d’Hensies-Pommerœul.

La gare de Bernissart (ligne 78 A ouverte en 1876) était distante de celle de Blaton de 5 km. Elle comportait des voies « voyageurs » et un faisceau marchandises.

Gare de Mons

En 1926/27, les charbonnages d’Hensies-Pommerœul ouverts en 1920 exploitaient des gisements de charbons maigres, très riches, qui leur permirent d’ailleurs de se maintenir en exploitation jusqu’au 31 mars 1976. Cette société déroula donc une caténaire de type tramway au-dessus de ses installations et prolongea celle-ci jusque dans les faisceaux de Bernissart. Le courant de traction fabriqué par le charbonnage avait une tension de 550 volts/continu.

Trois locomotives électriques de petit modèle, de 40 et de 30 tonnes, à quatre roues motrices, construites aux ACEC, et des locomotives « vapeur » remorquaient non seulement les rames de wagons vides et chargés, mais également les trains réservés au personnel. Car à tous les moments, autour de 6, 14 et 22 heures, les trains « navettes » constitués de wagons aménagés transportaient journellement près d’un millier de mineurs parvenant à la gare SNCB de Bernissart par les trains réguliers. A 8 heures et à 17 heures, d’autres mouvements existaient : les « trains des employés ». Ce trafic « voyageurs » se prolongea jusqu’en 1961, moment où la jonction autoroutière Blaton - Hensies se substitua au service précédent.

Gare de Tournai

Entre les deux guerres, les rames « B » de voitures ex. DB (type X) continuaient de Blaton jusqu’à Hensies, après un échange de locomotives en gare de Bernissart.

Le service « électrique » marchandises s’arrêta en même temps que le charbonnage qui fut le dernier du Borinage. Et la gare de Bernissart pleure aujourd’hui sa splendeur passée et ses glorieux souvenirs... Et notamment le chargement, sur les petits wagons plats des années 1880 à 1890, des ossements fossiles découverts à une profondeur de 324 mètres dans un charbonnage voisin et qui ont permis la reconstitution du squelette de l’ « Iguanodon Bernisartensis » (l’Iguanodon de Bernissart) à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, à Bruxelles. Le squelette, vieux de vingt-cinq millions d’années, mesure 10 mètres de la tête à la queue et 4,5 mètres de hauteur.

 L’avenir de la ligne 78

La ligne St-Ghislain - Tournai sera électrifiée en 1981.

Elle constitue un important tronçon de la transversale wallonne Mouscron-Liège.

Peu de travaux ont jusqu’à présent modifié l’infrastructure de la ligne ; en 1933, une rectification de tracé portait le rayon de la courbe de Callenelle à 500 mètres et autorisait la vitesse maximale de 80 km/h au lieu de 40 km/h.

L’électrification d’une ligne provoque un remodèlement quasi complet de son infrastructure, en raison de l’amélioration des vitesses autorisées. La vitesse autorisée de la ligne 78 atteindra 140 km/h.

Des passages à niveau vont disparaître pour être remplacés par des ouvrages d’art. D’autres seront dotés d’une signalisation lumineuse automatique.

Chemin Degorge - Passage à niveau ligne de Mons.

De Saint-Ghislain à Tournai inclusivement, toutes les gares et leurs installations vont subir une cure de rajeunissement qui leur permettra d’accueillir avec bonheur des caténaires tant attendues. Nous ne pouvons, ici, décrire les grandes étapes et les phases particulières de cette modernisation.

Quoi qu’il en soit, la substitution de la traction électrique à la traction diesel amènera une réduction des temps de parcours, proposera un matériel confortable et des possibilités techniques accrues par la création notamment de cabines « nodales » qui régleront le trafic sur des dizaines de kilomètres.

La ligne 78 Mons - Saint-Ghislain - Tournai deviendra ainsi, à son tour, digne d’un grand réseau moderne, pour la plus grande satisfaction de ses usagers.


Source : Le Rail, mars 1979

Portfolio


[1Les chiffres de Tournai, de Saint-Ghislain et de Mons concernent le seul mouvement de la ligne 78.

[2Les chiffres de Jemappes et Quaregnon-Wasmüel sont communs aux lignes 78 et 97.

[3Les chiffres de Jemappes et Quaregnon-Wasmüel sont communs aux lignes 78 et 97.

[4Les chiffres de Tournai, de Saint-Ghislain et de Mons concernent le seul mouvement de la ligne 78.

[5Les chiffres de Tournai, de Saint-Ghislain et de Mons concernent le seul mouvement de la ligne 78.

[6Quai de l’Arsenal : l’actuel quai Staline