Accueil > Le Rail > Infrastructure > Pont/Viaduc > Déplacement du pont Morelle à Tournai

Déplacement du pont Morelle à Tournai

Marc Cagy.

mercredi 18 décembre 2013, par rixke

Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]

Construit au début du vingtième siècle, le pont Morelle dressait fièrement sa carcasse de 1 600 tonnes d’acier au-dessus des voies de la gare de Tournai. Cette superstructure métallique d’une portée de 80 mètres constituait aux heures de pointe un point névralgique de la circulation routière entre Tournai et sa périphérie.

le pont Morelle avant ...

Baptisé « Pont des Vendéens » en l’honneur d’un régiment français qui l’avait défendu héroïquement le 24 août 1914, il faisait partie intégrante du paysage de la gare de Tournai et lorsqu’on arrivait de Bruxelles ou de Mons, il apparaissait un peu, au terme du voyage, comme le symbole de la cité, ainsi que peut l’être la tour Eiffel à Paris.

Hélas les besoins de l’électrification de la ligne 78 Saint-Ghislain - Tournai ont eu raison de ce géant qui eût encore pu braver bien des siècles sans doute.

Le gabarit des lignes électrifiées exigeait son rehaussement, mais cette opération était impossible du point de vue des routes d’accès. Sa superstructure en arc ne permettait pas de le démolir en site propre, en laissant en service les voies principales. Restait donc à le déplacer sur une aire située en dehors du trafic ferroviaire où sa démolition pourrait s’effectuer facilement avec grues et chalumeaux.

Cette opération, un vrai travail de titans, fut donc décidée. Elle constituait une grande première mondiale où il s’agissait d’associer puissance, précision et coordination.

Dans un premier temps la circulation routière fut interdite afin de permettre le dégagement des culées. D’autre part la structure métallique dut être renforcée par des colonnes et des poutres transversales en béton armé afin d’éviter toute torsion ou flambage lors du déplacement.

Le jour J fut fixé au samedi 10 octobre.

Dès 4 heures, les chariots plates-formes, où chaque couple de roues était montée sur vérins hydrauliques, furent amenés sous les nouveaux appuis créés à 14 mètres des anciens. D’un côté, deux remorques plates-formes à 20 essieux totalisaient 320 pneumatiques, de l’autre un ensemble de 3 remorques de 15 essieux comportait 360 pneus.

chariots plates-formes

Vers 9 h 45 les 90 vérins hydrauliques entraient simultanément en action et soulevaient le tablier de près de 10 centimètres. Pendant une demi-heure, les ingénieurs effectuaient de nombreuses mesures de contrôle pour s’assurer que la superstructure supportait correctement les nouveaux efforts qui lui étaient imposés. Ensuite les treuils des tracteurs entamaient la phase de translation de 22 mètres qui devait s’achever vers 11 heures sans rencontrer de problème majeur.

pendant la rotation

Commençait alors la phase cruciale du déplacement : une rotation de près de 80° de cet ensemble acier-béton de plus de 2 000 tonnes. Grâce à une table géante servant de pivot et à l’orientation réglable de chaque couple de roues des chariots plates-formes extérieurs, les 4 tracteurs Deutz de 450 ch s’acquittèrent sans encombre de cette tâche et vers 13 h le pont avait rejoint son aire de démolition, soit avec près de 4 heures d’avance sur l’horaire préalablement établi. Une technologie parfaitement maîtrisée avait permis la réussite totale de cette incroyable opération, exploit sans précédent, qui restera longtemps dans les mémoires des témoins qui avaient bravé la pluie de cette froide journée d’automne pour assister à « ce que jamais on ne verra deux fois » !


Source : Le Rail, décembre 1981