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La nouvelle locomotive électrique de la SNCB : Type 27
mercredi 25 décembre 2013, par
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La locomotive que l’on désigne sous le nom de « type 27 », est la première d’une commande de deux séries de trente unités chacune. Soixante locomotives, donc, dont la livraison, à raison d’une tous les 7 à 8 jours ouvrables, s’échelonnera jusqu’au mois de novembre 1983 ; elles vont enrichir le parc de la SNCB et permettre ainsi de faire face aux besoins nouveaux engendrés par l’extension des lignes électrifiées.

Ces nouveaux engins, d’une puissance nettement supérieure à la majorité des locomotives actuellement en service sur le réseau belge, seront dans un premier temps affectés essentiellement à la traction des express lourds sur l’axe Ostende - Bruxelles - Liège - Aix-La-Chapelle. Actuellement, ces trains sont tractés par des locomotives des types 22 ou 23, d’une puissance de 1 880 kW (2 560 CV), utilisées à la limite extrême de leurs possibilités, et dont la vitesse ne peut excéder 130 km/h, alors que la vitesse autorisée sur la plus grande partie de cette ligne est de 140 km/h et sera portée, dans les prochaines années, à 160 km/h.
Avec sa puissance de 4 150 kW (5 650 CV) et une vitesse possible de 160 km/h, la nouvelle « type 27 » trouvera donc là une judicieuse affectation puisqu’elle pourra tracter sans problème des trains de voyageurs de 600 tonnes (soit l’équivalent de treize voitures internationales) à la limite des vitesses permises.
Locomotives « mixtes »
Pour optimaliser leur utilisation et pour mieux répondre aux exigences du trafic intérieur belge, ces locomotives sont dites « mixtes », c’est-à-dire qu’elles peuvent aussi bien être affectées à la traction des express que des trains de marchandises. Dans ce dernier cas, elles pourront tirer des trains comportant jusqu’à 2 000 tonnes (sauf sur la ligne de Luxembourg où la sévérité du profil réduira la limite à 800 tonnes).
Grâce à la mise en ligne de ces nouvelles locomotives, celles des types 22 et 23 pourront être utilisées sur les lignes nouvellement électrifiées où les conditions de trafic sont moins exigeantes.
Présentation
Après avoir précisé les missions et les performances de cette nouveau-née, voyons-la d’un peu plus près. Ses mensurations tout d’abord : longueur hors tampons : 18 m 650 ; hauteur à la toiture : 3 m 600 (4 m 220, avec les pantographes abaissés) ; diamètre des roues : 1 m 250.
Elle pèse 84 tonnes, réparties sur deux bogies à deux essieux (ce qui la classe dans le type Bo-Bo). Sa tension de service est de 3 000 volts (mais elle pourra sur de courts tronçons du réseau néerlandais s’accommoder de 1 500 volts, avec évidemment des performances réduites) et sa puissance de 4 150 kW lui permet un effort maximum au démarrage, développé à la jante, de 234 kN, soit 24 tonnes.
Ajoutons encore qu’elle pourra s’inscrire dans des courbes d’un rayon minimum de cent mètres, et que sa livrée est de couleur bleue, soulignée de bandes jaunes.
Elle est équipée pour circuler en unités multiples à partir d’un seul poste de conduite et, c’est nouveau, avec des rames réversibles composées de voitures M 4 spécialement adaptées, ce qui permettra, dans les gares terminales, un retour plus rapide des trains grâce à la suppression des manœuvres exigées par la remise en tête du convoi d’une locomotive.
Caisse et bogies
La caisse et les bogies ont été réalisés par la Société « Constructions ferroviaires et métalliques » (anciennement « La Brugeoise et Nivelles »). L’aérodynamisme de la caisse a été conçu pour réduire l’onde de choc lors du croisement de deux trains à grande vitesse, pour garantir une captation du courant correcte à toutes les vitesses et assurer une bonne ventilation de la salle des machines.
La structure de l’ensemble a été étudiée pour résister aux sollicitations résultant de l’application future de l’attelage automatique.
Les bogies, d’une conception particulièrement simple, sont à deux essieux commandés individuellement par quatre moteurs de traction d’environ 1 050 kW entièrement suspendus dans le châssis des bogies et munis chacun d’une transmission élastique. Ils sont équipés de graisseurs agissant sur le boudin de chaque roue afin de réduire leur usure et faciliter l’inscription dans les courbes.
Sa majesté le thyristor !
La partie électrique a été, quant à elle, réalisée par les Ateliers de Construction Electrique de Charleroi (ACEC), selon des spécifications définies par les ingénieurs de la SNCB. Les techniques les plus évoluées ont été rassemblées dans cette locomotive et il convient d’insister sur le recours au hacheur à thyristors.
Sans entrer dans des considérations techniques trop approfondies à propos des thyristors, nous dirons qu’il s’agit de convertisseurs de courant continu au silicium, qui sont apparus sur le marché il y a une quinzaine d’années. Leur utilisation sur des engins de traction alimentés en courant continu était au départ plus complexe que dans le cas de redresseurs contrôlés à thyristors, mais aujourd’hui, cette technique est parfaitement maîtrisée.
Actuellement, on peut dire que le hacheur à thyristors a définitivement détrôné le rhéostat de démarrage.
Utilisé pour la première fois à la SNCB en janvier 1969 sur un prototype en service commercial, il s’est imposé par ses qualités. Et depuis 1972, la SNCB n’acquiert plus que des véhicules à hacheur. Cent dix-huit automotrices doubles et quarante-quatre automotrices quadruples en sont équipées, sans parler des nouvelles automotrices qui seront prochainement mises en service.
Une nouvelle étape allait être franchie en 1975, lorsque le hacheur à thyristors fut adopté pour la première fois sur un engin de très grande puissance, la locomotive « type 20 », de 5 280 kW (plus de 7 000 CV).
La nouvelle locomotive « type 27 » en est, techniquement, l’héritière directe. Profitant largement de cette expérience, elle échappera donc aux mises au point, inévitables lors de l’application de techniques d’avant-garde.
Elle profitera donc au maximum des avantages du hacheur à thyristors, qui sont considérables. Parmi d’autres, il permet de construire facilement des locomotives mixtes pouvant atteindre des vitesses élevées ou tracter de très lourds convois, objectifs irréalisables avec le rhéostat. Il confère une plus grande souplesse de conduite en éliminant les à-coups engendrés par le rhéostat, ce qui offre plus de confort aux voyageurs, et augmente sensiblement l’adhérence roue-rail lors des démarrages. Les barres de traction basse, calées, et le « thyristor Vernier » utilisé pour la première fois sur cette locomotive, leur confèrent par ailleurs une très grande douceur au démarrage [1].
Enfin, en dosant strictement l’énergie nécessaire aux moteurs de traction et en éliminant la dissipation du courant dans les résistances du rhéostat de démarrage, il réalise une appréciable économie d’énergie. Pour en terminer avec la partie électrique et électronique, disons que tout l’appareillage de la « type 27 » a été étudié dans le sens d’une grande simplification, afin de permettre au conducteur d’intervenir facilement en cas de panne, notamment par une élimination aisée d’avaries provoquées par un appareil défectueux.
La fiabilité du matériel roulant doit, en effet, être un impératif majeur pour une entreprise de transport, dont on attend régularité et présence à tous les instants. Il importait donc de limiter autant que possible des immobilisations afin de maximaliser la disponibilité des engins de traction.
Le freinage
Le freinage, élément essentiel de la sécurité, est assuré sur la « type 27 » par plusieurs dispositifs :
- un frein direct agissant sur les roues de la locomotive et, éventuellement, de celle qui lui est accouplée ;
- un frein automatique agissant à la fois sur la locomotive et la rame qu’elle tracte ;
- un frein électrique rhéostatique ou « frein moteur » ;
- un robinet de secours monté sur la conduite automatique.
Des circuits électroniques combinent le frein pneumatique et le frein rhéostatique de manière à réaliser un effort de freinage constant.
A noter aussi la présence d’un frein antipatinage.
Présence humaine
On le voit, cette nouvelle locomotive de la SNCB se présente comme l’aboutissement d’études minutieuses et d’expériences fructueuses. Mais elle ne serait qu’une merveille inerte si un homme ne prenait place à son bord pour l’animer. Cet homme - le conducteur - en raison de l’accroissement des vitesses et de l’allongement des parcours qui en découle, de l’exigence d’une surveillance constante, d’une signalisation défilant de plus en plus vite, de l’impérieux souci de respecter à la lettre toutes les consignes de sécurité, est soumis à d’évidentes contraintes.

Il importait dès lors d’étudier pour lui un cadre de travail aussi satisfaisant que possible. Le poste de conduite a donc fait l’objet des plus grandes attentions. S’inspirant de celui de sa « grande sœur », la type 20, il a été dessiné sur des bases ergonomiques. Siège réglable et confortable, vue tous azimuts bien dégagée, insonorisation poussée assurent des conditions de travail particulièrement favorables. Et le chauffage, élément essentiel du confort, a été particulièrement soigné et est assuré par air puisé, selon les mêmes exigences que celles qui sont appliquées aux voitures à voyageurs les plus modernes.
Pare-brise sandwich en verre trempé avec chauffage incorporé, frigo, chauffe-plats parachèvent l’équipement du poste de conduite. Une robuste ceinture paratélescopique intégrée à la structure de la locomotive assure la sécurité du conducteur en cas de choc frontal, protection complétée par un nouveau dispositif en nid d’abeilles destiné à absorber l’énergie cinétique en cas de tamponnement grave.
4 500 000 heures de travail !
Ces locomotives, outre qu’elles contribueront à améliorer les services de la SNCB, auront offert un débouché précieux à l’industrie belge.
Enfin, la commande de ces locomotives aura assuré 4 500 000 heures de travail, apport bénéfique, sinon vital, pour plusieurs secteurs de l’industrie nationale. A noter aussi, rappelons-le également, la construction en cours des nouvelles voitures M4, des automotrices dites « Nouvelle Génération » et de plusieurs centaines de wagons de marchandises.
D’autre part, la SNGB vient de commander trente locomotives « type 21 » assez semblables aux « types 27 » mais d’une puissance moindre.
Source : Le Rail, mai 1982
[1] Le « thyristor Vernier » permet une découpe beaucoup plus fine dans les premières phases de démarrage