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Les Entreprises Philippart

Scrutator.

mercredi 12 février 2014, par rixke

par G. Kurgan - Van Hentenryk [1]

Le nom de Simon Philippart est étroitement lié au développement des chemins de fer en Belgique et en France. Ce Tournaisien, né en 1826 dans une famille de la bourgeoisie aisée, entre dans « les affaires » comme on entre en religion et il fut l’une des figures les plus marquantes de l’essor du « capitalisme » belge sous le régime de Léopold II.

C’est en 1865 que Philippart participe, en compagnie de la Banque de Belgique, à la création de la Société des Chemins de fer des Bassins houillers du Hainaut. Ce groupe privé contrôla bientôt un réseau important s’étendant - mais avec quelques solutions de continuité - de Bruges et Gand à Mons et Charleroi. Toutefois en 1870 les répercussions diplomatiques de l’ingérence de la Compagnie française de l’Est dans notre pays entraînèrent le gouvernement belge à modifier sa politique de concessions privées et à pratiquer systématiquement le rachat des compagnies privées. Philippart négocia habilement la reprise du réseau des Bassins houillers et chercha à s’implanter au Grand-Duché (réseau Prince Henri).

C’est en France cependant que Philippart donne, après la paix de 1871, la pleine mesure de ses ambitions et de son savoir-faire.

S’appuyant sur les pouvoirs locaux désireux de secouer le monopole des grandes compagnies, il fonde ou rachète plusieurs « petits réseaux » (Lille - Valenciennes, Chemins de fer du Nord-Est, Compagnie du Rouen - Orléans, réseau de la Vendée, etc.).

Ce faisant, il constitue un réseau continu de Dunkerque aux Sables d’Olonne contournant Paris par l’Ouest.

Il s’attire ainsi l’hostilité des grands réseaux qui supportent mal ce concurrent et la suspicion de l’administration française qui voit d’un mauvais œil l’intrusion de ce Belge dans les activités ferroviaires de l’hexagone.

Philippart déborde d’activité, il rachète, exploite et construit matériel et infrastructure pour les diverses lignes françaises qu’il contrôle et il lance également les « Tramways bruxellois ». Pour cela il lui faut des ressources financières afin d’attirer l’argent du grand public. A cette fin, il rachète ou s’assure le contrôle de divers établissements bancaires français suivant une technique personnelle qu’on appellera d’ailleurs le « système Philippart ».

Mais voulant trop affermir sa position sur le marché financier de la 3e République, il se heurte à divers groupes bancaires en place. Cette animosité lui est fatale, les appuis escomptés se dérobent et c’est le krach en 1875. Les divers morceaux de son réseau fracassé furent repris par l’Etat français ou par les grands réseaux.

Philippart réussit néanmoins à apurer le passif de sa faillite et fut pratiquement blanchi par la Justice. Il essaya après 1879 de recommencer sa carrière et tenta de lancer différentes affaires (banques, exploitation de brevets, électrification de l’éclairage des villes). Mais le ressort semblait brisé et pour employer un langage brechtien, la « résistible ascension » de Simon Philippart était arrêtée. Il vécut les dix dernières années de sa vie dans la gêne et mourut en 1900 dans l’indifférence générale.

Le livre de Madame Kurgan - Van Hentenryk, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bruxelles, intéressera tous les lecteurs attirés par l’histoire du développement capitaliste en Europe au 19e siècle et particulièrement ceux passionnés par les origines des réseaux ferroviaires belge, luxembourgeois et français.


Source : Le Rail, août 1983


[1Editions de l’Université de Bruxelles.