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Chemin de fer et numismatique

Georges Portier, inspecteur des recettes retraité, président du Cercle de numismatique Numiac de Verviers.

mercredi 30 avril 2014, par rixke

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A l’occasion des 150 ans d’existence des chemins de fer belges, une médaille commémorative a été frappée. Depuis sa naissance, le chemin de fer a donné lieu à l’émission de nombreuses médailles dont rémunération serait longue et fastidieuse. Nous n’en retiendrons que quelques-unes dont vous trouverez ci-dessous les reproductions. Sachez aussi que les collectionneurs sont très friands de ces médailles.

1. Médaille frappée à l’occasion de l’inauguration de la première ligne ferrée « publique » belge le dimanche 5 mai 1835. Cette ligne reliait Bruxelles à Malines. Le roi Léopold 1er présidait cette cérémonie, égayée par un temps magnifique.

La médaille est l’œuvre du graveur Borrel. Elle existe en bronze et en étain, son diamètre est de 42 mm. Elle représente une locomotive remorquant, vers la droite, une voiture aux portières de laquelle s’accoudent des voyageurs. En exergue : ouverture du chemin de fer de Bruxelles à Malines. 5 mai 1835.

Sur l’autre face : buste du Roi en costume militaire, tourné vers la droite ; sur le tour : Léopold 1er roi des Belges. Sous l’épaulette : Borrel F.

Précisons que quatre médailles furent frappées à l’occasion du 5 mai 1835 : deux gravées par Braemt, les deux autres par Borrel, dont celle décrite ci-dessus.

2. Médaille frappée à l’occasion de l’ouverture de la ligne allant de Verviers à Aix-la-Chapelle le 15 octobre 1843.

La médaille est l’œuvre du graveur Hart. Elle existe en bronze doré, argenté ou nickelé, son diamètre est de 73 mm. Elle présente, au milieu, trois figures allégoriques, ayant chacune un bouclier à leurs armes, qui représentent la Belgique, la France et la Prusse et qui se donnent la main. A droite, le viaduc de Dolhain-Limbourg et devant celui-ci, la cathédrale de Cologne ; à gauche, le soleil couchant éclaire le panorama de l’Escaut ; au bord de celui-ci, la cathédrale d’Anvers. Au-dessous, deux dieux marins avec des urnes sur lesquelles on lit les mots : Escaut et Rhin. De chaque côté de ceux-ci, un caducée entouré de deux palmes. Sur le tour : « La guerre les a divisés, la paix les réunira ». Au bas, sur la ligne de l’exergue : Hart inv. et fecit. En exergue : Inauguration du chemin de fer de Verviers à Aix-la-Chapelle XV octobre MDCCCXLIII Dechamps ministre des Travaux publics.

Sur l’autre face : buste du Roi en costume militaire, tourné vers la droite ; sur le tour : Léopold 1er, roi des Belges. Au-dessous : Hart Fecit.

3. Médaille frappée à l’occasion de l’inauguration de la liaison Gand -Termonde le 28 septembre 1837. La médaille est l’œuvre du graveur Braemt. Elle existe en bronze et en argent, son diamètre est de 50 mm. Elle présente une vue à vol d’oiseau de la ville de Gand vers laquelle, à droite, se dirige une locomotive. Un génie ailé, tenant un drapeau de la main droite et un faisceau d’éclairs de la main gauche, plane sur la ville. Sur le tour : Sumptibus Civium. En exergue : Gand XXVIII sept. MDCCCXXXVII. Au-dessous : Braemt F.

Sur l’autre face : Tête du Roi tournée vers la gauche ; sur le tour : Leopoldus Primus Belgarum Rex. Au-bas : Braemt F.

4. Le 14 mai 1843 décédait l’ingénieur belge Pierre Simons qui fut, avec De Ridder, l’homme de la construction du premier chemin de fer belge. Pour commémorer sa mémoire, on frappa une médaille conçue par Delbarre et Veyrat. La médaille est en bronze, son diamètre est de 50 mm. Elle représente le buste de Simons en uniforme, tourné vers la gauche. Sur le tour : Pierre Simons. Au-bas : Eug. Delbarre Del. Veyrat F.

Sur l’autre face, une inscription en 15 lignes : Né à Bruxelles le 20 janvier 1797. Mort le 14 mai 1843 à bord du navire de l’Etat La Louise-Marie à destination de l’Amérique centrale. Ingénieur illustre, il traça les premiers plans du chemin de fer décrété par la loi du 1er mai 1834.

En 1935 se situe un événement exceptionnel pour la Belgique : l’Exposition internationale et universelle de Bruxelles. Mais cette année 1935 est aussi celle du centenaire de l’inauguration de la première ligne de chemin de fer Bruxelles - Malines.

A ces occasions, l’Etat belge décida la frappe d’une pièce de monnaie de 40 francs.

L’émission de cette pièce fut promulguée par un arrêté royal du 20 décembre 1934 publié au Moniteur belge du 6 janvier 1935. Cet arrêté était pris en vertu de l’arrêté-loi du 26 octobre 1926 et de la loi du 12 juin 1930 autorisant l’émission par l’Etat de monnaies divisionnaires destinées à remplacer les petites coupures mises en circulation pour le compte du Trésor par la Banque nationale de Belgique. Le préambule de l’arrêté du 20 décembre 1934 rappelle qu’en vertu de l’article 2 de la loi du 12 juin 1930, les monnaies ainsi créées ont cours légal.

Article premier : II sera frappé, suivant les besoins constatés et dans les limites tracées par la loi du 12 juin 1930, pendant la durée de l’Exposition internationale et universelle de Bruxelles 1935, des monnaies divisionnaires commémoratives de 40 francs en un alliage d’argent et de cuivre.

Art. 2 : Ces pièces porteront : Au droit : la légende « Royaume de Belgique - Exposition de Bruxelles » ou « Koninkrijk België - Brusselsche Tentoonstelling » encerclant le St-Michel qui surmonte l’hôtel de ville de Bruxelles, accosté de la mention « 40 F ».

Au revers : dans le champ, le grand hall de l’Exposition de Bruxelles, accompagné dans le haut, des dates « 1835-1935 », le tout surmonté de la légende : « Centenaire des Chemins de fer belges » ou « Eeuwgetijde der Belgische Spoorwegen ».

Sur la tranche lisse, l’inscription en creux : « 1935 - Sous le règne du roi Léopold III » ou « 1935 - Onder de Regeering van Koning Leopold III ».

Art. 3 : Le poids de ces pièces sera de vingt-deux grammes. La tolérance, tant en dehors qu’en dedans, sera de trois millièmes du poids de ces pièces.

Art. 4 : Ces pièces seront formées d’un alliage de 680 millièmes d’argent et de 320 millièmes de cuivre. La tolérance, tant en dehors qu’en dedans, sera de trois millièmes.

Art. 5 : Le diamètre sera de 35 millimètres.

Art. 6 : La frappe de ces monnaies sera effectuée par quantités égales en texte français et en texte flamand.

Aux termes de l’article premier, la durée de la frappe devait donc coïncider avec celle de l’Exposition. Mais un arrêté du 1er juin 1935 publié au Moniteur du 2 juin et entré en vigueur le 12 juin stipule :

Article premier : Les monnaies divisionnaires commémoratives, dont la frappe a été autorisée par l’arrêté royal précité du 20 décembre 1934, à l’occasion de l’Exposition internationale et universelle de Bruxelles 1935 et du Centenaire des Chemins de fer belges, auront une valeur nominale de 50 francs au lieu de 40 francs.

Art. 2 : Ces pièces seront du même module et auront les mêmes caractéristiques que celles indiquées pour les pièces de 40 francs dans notre arrêté du 20 décembre 1934 précité.

Art. 3 : Les pièces de 50 francs frappées en vertu du présent arrêté auront cours légal au même titre que les autres monnaies divisionnaires.

En fait, il ne fut frappé de la pièce de 40 francs que quelques exemplaires, conformes aux prescriptions de l’arrêté royal du 20 décembre 1934 soit donc, notamment, avec tranche inscrite. Ils sont tous à légende française et forcément d’une extrême rareté.

Il existe des frappes postérieures, moins rares mais peu communes, en métaux divers, à tranche soit lisse, soit cannelée.

Les auteurs de catalogues ne s’accordent pas sur la qualification à donner à la pièce à tranche inscrite. Dupriez la répertorie assez curieusement après les frappes postérieures et il lui donne comme à celles-ci le qualificatif d’essai. Il est assez paradoxal de parler d’essais pour des frappes postérieures. Morin classe aussi la pièce parmi les essais. De Mey opte pour les monnaies, tout en précisant qu’elle ne fut pas versée officiellement dans la circulation. Philippen et le catalogue publié par le Cercle d’études numismatiques, optent aussi pour « monnaie ».

Pour résoudre le problème, nous dit Maurice Colaert, il faut s’en tenir à la notion de « cours légal ». Si la pièce a eu cours légal, il importe peu qu’elle n’ait été frappée qu’à quelques exemplaires. A la date du 1er juin 1935 et a fortiori à celle du 12 juin, l’Exposition battait son plein. Jusqu’alors, les exemplaires de la pièce de 40 francs déjà réalisés, conformes aux spécifications de l’arrêté royal du 20 décembre 1934 étaient des pièces légales, ayant cours légal et pouvoir libératoire. Ce fut certes de brève durée : l’arrêté du 1er juin les démonétisait d’une manière inaccoutumée, par la modification de l’arrêté qui avait créé le type.

Mais cet arrêté s’il pouvait enlever pour l’avenir toute valeur légale et libératoire aux exemplaires existants ne pouvait pas rétroactivement faire que ce qui avait existé ne l’aurait pas été : la pièce avait été légale. Un fait est plus fort qu’un Lord Maire.

Aucune autorité humaine ne peut modifier le passé.


Source : Le Rail, novembre 1985