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Top Plan
mercredi 4 juin 2014, par
Le 1er juin 1986, la SNCB donne le coup d’envoi à sa nouvelle organisation de transport des charges complètes isolées : le Plan TOP.
Bien que le personnel des directions E, M et C, qui est directement concerné par cette réorganisation, ait reçu les informations nécessaires, la nouvelle approche présente un intérêt certain pour le reste du personnel. Cette importante réorganisation des marchandises est expliquée dans ces pages.
Transport optimalisé
Parlons d’abord de la dénomination. TOP évoque, en français comme en néerlandais, l’idée d’un sommet, d’un mieux, d’un « plus ». C’est bien ce que les promoteurs du plan ont cherché à transmettre. Mais TOP est aussi un sigle, composé des deux éléments fondamentaux du projet : T pour transport, OP pour optimalisé. Ainsi, les intentions de la SNCB sont clairement exposées : optimaliser les structures et les méthodes de travail pour aboutir à une offre attrayante de transport. Car les trains que nous faisons rouler, il faut les remplir pour rentabiliser l’activité, et leur donner une « efficacité » comparable à celle dont les concurrents - principalement les transporteurs routiers - font leur principal argument de vente.
Le chemin de fer pouvait tant bien que mal défendre sa position voilà 10 à 20 ans. Mais le contexte industriel et économique a vécu entre-temps des mutations importantes, qui rendent les schémas actuels de transport ferroviaire très peu satisfaisants pour la clientèle.
Transporteur de masse, le chemin de fer pouvait compter sur d’importants volumes remis par l’industrie lourde, la sidérurgie, la métallurgie, l’énergie... La crise économique a donné un arrêt net aux espérances dans ce domaine. La récession a frappé ces industries lourdes et aucune perspective de progrès ne peut plus être envisagée.
Dans la même ligne, depuis une dizaine d’années, on a vu l’industrie s’orienter plutôt vers des fabricats de dimensions plus réduites. Les avantages essentiels du chemin de fer, sa grande capacité et sa puissance de transport, deviennent alors un handicap : la concurrence, dotée de moyens mieux dimensionnés, répond plus souplement aux besoins du marché. Il est fini le temps où l’on entretenait des stocks formidables, tels qu’un arrêt d’approvisionnement prolongé n’affectait pas le travail des entreprises. Aujourd’hui, l’argent coûte cher, les entreprises sont moins disposées à immobiliser leurs capitaux, et les stocks sont calculés de manière à couvrir quelques journées de production au plus. D’où la nécessité d’assurer des acheminements très réguliers et, au besoin, de réagir très vite à la demande.
Une offre de qualité
On aura compris, en lisant ce qui précède, que les principales qualités d’une offre moderne - bien adaptée à l’époque - sont la diversification, la rapidité de réponse et la faculté d’offrir un service compétitif. Les schémas de transport appliqués jusqu’ici par la SNCB - comme d’ailleurs par la plupart des réseaux - ne répondent plus à ces exigences. Continuons dans cette ligne, et nous perdrons dans les années 90 la place que nous avons tant bien que mal conservée jusqu’ici sur le marché. Il fallait donc réagir, repenser l’organisation et déboucher sur une offre caractérisée en trois points :
- un service de qualité
- un service fiable
- un niveau de prix compétitif.
Dès 1980, les spécialistes se sont penchés sur un projet de remodelage du réseau. En première phase, ils ont cherché à mieux rentabiliser les structures fixes et les méthodes, autrement dit, réaliser le trafic à un prix de revient plus intéressant.
Es ont d’abord remodelé le tissu des cours à marchandises et des raccordements privés selon la rentabilité exacte de ces installations. L’étude approfondie du trafic réel et prévisible d’ici la fin du siècle a mené les groupes de travail à fermer des cours et raccordements actuellement non rentables et sans avenir, et à classer les autres installations en trois groupes :
- les gares centres, qui contrôlent le trafic d’une zone déterminée ;
- les gares de desserte, qui dépendent des gares centres et assurent une distribution plus localisée ;
- les gares et raccordements contractuels, utilisés seulement sur base de contrats conclus avec des clients déterminés.
Au terme de cette étape, on s’attendait à perdre de 2 à 2,5 % du trafic en raison des inévitables fermetures d’installations. Au contraire, non seulement la plupart des clients concernés ont accepté de reporter leur activité vers une autre gare, mais en outre, la campagne d’information et de prospection a permis de conquérir de nouveaux transports. Finalement, une économie de plusieurs centaines de millions a été réalisée, et un trafic supplémentaire a été acquis durablement.
Il était donc devenu possible d’exploiter le réseau à un moindre coût. Restait alors à établir entre les installations maintenues des acheminements et des procédures de travail tels que l’offre faite à la clientèle réunisse les qualités voulues dans le contexte du marché actuel.
C’est cette deuxième étape qu’on appelle Plan Top.
Trains directs, wagons diffus
Disons avant tout que la restructuration concerne le trafic de marchandises par wagons complets. En clair, les transports de colis n’y interviennent pas et nous parlons de marchandises remises au transport en quantité suffisante pour occuper au moins un wagon entier.
Dans ce domaine des « wagons complets », le trafic peut être divisé en deux groupes :
- celui des « trains directs » : lorsque la quantité totale de marchandises à transporter en une fois atteint ou dépasse 800 tonnes brutes, il est possible d’utiliser une locomotive pour cet acheminement, et le trajet est réalisé de bout en bout - du point de chargement au point de déchargement - sans que les wagons prennent une quelconque correspondance ;
- celui des « wagons diffus » : lorsque la quantité totale remise au transport est insuffisante pour justifier l’utilisation d’une locomotive pour l’acheminement, les wagons chargés sont incorporés dans les trains réguliers entre des gares de triage où ils prennent les correspondances nécessaires pour atteindre leur destination.
Dans le cas des trains directs, l’acheminement est rapide. Dans le cas des wagons diffus, le délai d’acheminement est très variable : le temps de triage et le nombre de triages successifs peuvent allonger singulièrement la durée totale du transport.
Comme le délai de livraison est un des principaux atouts de la compétitivité (le client veut savoir avec précision quand sa marchandise sera livrée, et souhaite qu’on l’achemine rapidement), il fallait accélérer les manœuvres de triage, les acheminements intertriages, et l’ensemble complet de la procédure.
Le nombre de gares de triage a été réduit au strict nécessaire, compte tenu de leurs caractéristiques, de leur hinterland, des possibilités de développement du trafic et des besoins évalués en fonction de la situation présente et de perspectives raisonnables. Six gares ont été maintenues : Anvers Nord, Hasselt, Merelbeke, Kinkempois, Monceau et Saint-Ghislain. Quatre autres s’ajoutent à la liste : Schaerbeek, Stockem, Montzen et Ronet pour des missions particulières.
Ensuite, une nouvelle grille d’acheminements a été élaborée de sorte qu’on puisse assurer en trafic intérieur un acheminement jour A / jour B dans presque tous les cas. Une relation directe si possible biquotidienne est établie entre tout couple de triages.
Le plan prévoit aussi qu’un wagon, quel que soit son point de départ, ne subisse que deux triages avant d’atteindre sa destination.
D’autres mesures ont été prévues, parallèlement à ces grandes réformes :
- une accélération de la cadence de triage ;
- un allongement des plages de travail (concentration, triage, expédition) dans ces gares ;
- un recours plus systématique à l’informatique.
Dépasser les frontières
Et ce n’est pas tout. Un « effacement » des frontières devrait être réalisé au bout des trois années qui viennent. Effacement ne signifie pas suppression des formalités et des contrôles douaniers, mais mise au point de mesures telles que le passage des frontières n’entraîne pas de ralentissement, et que les délais proposés aux clients en trafic international soient également compétitifs.
La chose est très importante, car les études montrent que si la restructuration permet d’arrêter l’érosion du trafic en service intérieur, elle doit procurer en trafic international une progression de 15 % en cinq ans.
Sur le plan international, le raccordement au réseau de transmission d’information Hermès sera une aide précieuse : Hermès permettra de suivre les wagons d’une façon beaucoup plus sûre et de compléter les avantages offerts à l’intérieur du pays par le système GEM, l’un des plus modernes d’Europe (GEM est un système informatisé qui permet de localiser un wagon en cours de transport et de donner au client les informations nécessaires à son sujet).
Il sera possible également de développer avec succès des « produits » nouveaux bien adaptés au marché international, sur des axes à fort potentiel de transport, de la même manière que des tarifs directs ont été conçus pour donner aux vendeurs de meilleures armes face à la concurrence.
Cette nouvelle organisation aura des effets nets :
- une accélération des acheminements (triage plus rapide, séjour en gare de triage écourté, meilleurs échanges inter-triages) ;
- une amélioration de la sécurité des marchandises expédiées (moins d’avaries) ;
- une meilleure productivité du matériel (de traction et de transport) ;
- une diminution des coûts d’exploitation du réseau (moins d’installations à faire fonctionner, pas d’investissements nouveaux...).
Le client, de ce fait, se verra offrir un service de meilleure qualité, plus fiable, et à des prix plus satisfaisants. En trois mots, un service plus attrayant. Et l’offre ferroviaire se défendra mieux dans le contexte de concurrence.
En fin de compte, si la SNCB reste bien un « tractionnaire », elle s’avérera plus que jamais « transporteur », au sens large du terme. Et ce dynamisme nouveau lui permettra à coup sûr de consolider et même de développer sa position sur le marché national et international du transport.
D’un point de vue économique, ce plan doit déboucher sur des perspectives d’avenir bénéfiques au chemin de fer.
Source : Le Rail, juin 1986