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150 ans de chemin de fer en Autriche

D’après H. De Herder.

mercredi 6 août 2014, par rixke

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La première ligne de chemin de fer de Linz à Budweis fut construite en diverses phases et exploitée en traction hippomobile ; elle était utilisée tant pour le transport des voyageurs que pour celui des marchandises. Cette ligne, d’un écartement de 1 106 mm et d’une longueur de 132 km fut achevée le 1er août 1832.

Deux rames (série 4020) du réseau ferré viennois sur le canal du Danube entre Praterstern et Hauptzollamt. 1985.

En 1836, on comptait 762 wagons destinés au trafic marchandises, 59 au trafic voyageurs et 800 chevaux.

Le trajet de Linz à Budweis durait quatorze heures et comportait, il est vrai, un arrêt à Kerschbaum. Les voyageurs n’étaient acheminés que d’avril à octobre, tandis que les marchandises l’étaient toute l’année.

En 1836, la ligne fut prolongée de 60 km en direction du sud à partir de Linz, vers Gmunden via Lambach.

En 1854, un essai fut tenté avec une locomotive à vapeur mais il échoua. La ligne fut néanmoins aménagée, mais sans modifier son écartement d’origine.

En 1856, la traction hippomobile était abandonnée, et en 1857, ladite ligne rachetée par la « Kaisenn Elisabeth Bahn » (KEB) ; cette dernière fit construire une nouvelle ligne à voie normale (1 435 mm) pour la traction vapeur.

 La première « vraie » ligne de chemin de fer

En 1829, le professeur Franz Riepl proposait un plan pour la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Cracovie à Trieste, via Vienne. Conseillé par Stephenson, des plans précis étaient publiés en 1834.

La locomotive diesel (2045.13) manœuvre un train de marchandises local à Pürbach-Schrems. 1985.

Le banquier Rothschild sollicita alors auprès de l’empereur Ferdinand 1er une concession en vue de la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Vienne à Bochnia (au nord de Cracovie). Cette concession fut accordée le 4 mars 1836 pour une durée de 50 ans.

Rothschild plaça la concession sous l’égide de la compagnie KFNB (chemins de fer du Nord de l’empereur Ferdinand). Les premiers essais eurent lieu les 13 et 14 novembre 1837 sur le tronçon Floridsdorf - Deutsch Wagram. (13 km).

Le 20 novembre, le tram véhiculait même des invités !

C’est pourquoi ce jour a été déclaré jour d’inauguration. Le premier tram ne quitta Vienne que le 6 janvier 1838, date à laquelle le pont de bois sur le Danube (428 m de long) fut achevé.

Le 16 avril 1838, le tronçon était prolongé jusqu’à Gänserndorf et le 6 juin, jusqu’à Lundenburg (actuellement Breclav). Le transport des marchandises débuta le 2 mars 1840. Fin 1839, la compagnie comptait 19 locomotives anglaises, deux de Cockerill et une machine de la firme Norris (Philadelphie).

 Les compagnies privées

De nouveaux projets succédèrent rapidement à la fondation de la KFNB qui se vit attribuer, le 2 juillet 1837, la concession Milan - Côme. Trois autres concessions furent encore attribuées : le 2 janvier 1838, pour la ligne de Vienne à Raab, en Hongrie (l’actuelle Györ) ; le 13 avril 1839 pour la ligne de Milan à Monza et le 7 avril 1840, pour celle de Venise à Milan.

Lors de la construction, des problèmes surgirent : le gouvernement hongrois préférait son propre projet d’une ligne longeant la rive gauche du Danube. La concession autrichienne fut alors déclarée caduque et la compagnie établit son siège plus au sud, dans la ville portuaire de Trieste. Sa raison sociale devint « Wien-Gloggnitzer Eisenbahn-Gesellschaft » et elle absorba la totalité du Wien-Raaber Bahn. Le trajet Vienne - Wiener Neustadt fut inauguré le 16 mai 1841 et prolongé immédiatement après en direction du Semmering. Le 19 décembre 1841, le gouvernement de Vienne décida de supporter lui-même les frais de construction des lignes de chemin de fer dans le but de créer un réseau d’état.

 Le chemin de fer de l’Etat

Les lignes principales devaient relier Vienne à Dresde via Prague, Vienne à Trieste par la Styrie, Venise à Milan et au-delà en direction du nord, et enfin établir une liaison avec le royaume de Bavière.

Les lignes déjà existantes, incluses dans ce projet, seraient rachetées.

La compagnie « kk priv. Südliche Staatsbahn » entama la construction de la ligne Mürzzuschlag - Graz - Marbourg (Maribor) - Laibach (Ljubljana), qui fut achevée en 1849. Trieste ne fut atteint qu’en 1857.

La « Wien-Gloggnitzer Bahn » avait été entre temps absorbée en 1853 mais avait déjà construit une ligne de Vienne à la frontière hongroise, à nouveau appelée « Wien-Raaber Bahn ».

La ligne passant par le Semmering fut achevée en 1854 ; elle constituait la première traversée ferroviaire par une chaîne montagneuse, grâce à laquelle la jonction nord-sud entre Gloggnitz et Mürzzuschlag fut réalisée.

Le 17 juillet, la ligne était livrée au trafic voyageurs, deux mois après son ouverture au trafic marchandises.

La locomotive 298.51 vers Molln sur le pont de la Steyr près de Hormühle. 1972.

La « kk priv. Nördliche Staatsbahn » (chemin de fer du nord de l’état) atteignit Prague en 1845. La ligne fut ensuite prolongée jusqu’à la frontière de Saxe aux environs de Bodenbach (Podmolky) et livrée à l’exploitation en 1851.

En 1850, naquit aussi la « kk priv. östliche Staatsbahn” du rachat de “Krakau Oberschlesische Eisenbahn » et de l’extension du réseau en direction de l’est. En 1856, celui-ci se terminait à Dembica (Debica) en Pologne actuelle.

Le tronçon de liaison entre Venise et Milan fut ouvert en 1857 ; il précéda la construction de quelques lignes secondaires.

Peu après, le coup d’envoi était donné pour la construction d’une ligne en direction du col du Brenner et de Villach en Carinthie.

L’Autriche perdit ces lignes en 1859, à l’issue de la guerre contre le royaume de Sardaigne.

Le « Ungarische Centralbahn » devint, par rachat, propriété d’état en 1850. Ses deux lignes isolées furent réunies et prolongées, de sorte que la « kk priv. Südöstliche Staatsbahn » put relier, en 1854, Marchegg à Szeged via Budapest.

Enfin, on entama les travaux de la ligne Wörgl - Innsbruck, au Tyrol, prolongée par la suite par le tronçon Wörgl - Kufstein. Ces lignes furent achevées respectivement en 1858 et 1859.

Au sud du col du Brenner, on construisit le tronçon Vérone - Bozen (Bolzano), mais la jonction entre Innsbrück et Bolzano via le Brenner ne fut pas reprise dans les plans. La dernière ligne posée aux frais de l’état fut le « Wiener Verbindungsbahn » (chemin de fer de ceinture de Vienne) qui avait pour but de relier le « Nordbahn » et le « Gloggnitzer Bahn ». Après bien des vicissitudes, cette ligne vit le jour en 1860.

La locomotive 1080.13 et train de charbon près de Pregarten. 1985.

A la suite de la révolution de 1848, une sérieuse crise financière sévit et la tendance à la privatisation d’entreprises publiques aboutit en 1854 à la promulgation d’une nouvelle loi régissant les concessions de chemin de fer. Tous les chemins de fer d’état construits après 1841 furent vendus, et de nouvelles compagnies furent créées.

 La seconde période des compagnies privées

Dès 1854, des nouveaux rachats et de nouvelles répartitions modifièrent la carte des concessions.

Retenons simplement la création en 1862 du « Südbahn », responsable de la construction de la ligne du Brenner et de la ligne Budapest - Marbeng - Klagenfurt - Villach - Linz - Franzensfeste.

Le 14 septembre 1854, la « Kaiserin Elisabeth-Bahn » fut fondée selon la nouvelle législation et établit la ligne de l’ouest reliant Vienne à Salzbourg via Linz et joignant le réseau des chemins de fer bavarois.

 La seconde période de l’exploitation des chemins de fer par l’Etat

Les compagnies privées ne possédaient cependant pas des fonds nécessaires à la réalisation de leur projet et l’état était obligé d’intervenir. Le 14 décembre 1877, une nouvelle loi régit la reprise des lignes privées par l’état.

La Société des chemins de fer de l’Etat était créée : kkStB. L’une de ses premières grandes réalisations fut la construction de l’ « Arlbergbahn », inauguré le 6 septembre 1884, qui reliait le Tyrol au Voralberg. Il fallut ensuite attendre le début du siècle suivant pour assister à la réalisation d’autres liaisons importantes, notamment le « Tauernbahn » de Schwazach-St Veit à Spittal-Millstättersee, achevé en 1909, tandis que le tronçon nord jusqu’à Badgastein avait déjà été inauguré en 1905.

Vinrent ensuite la « Karawankenbahn » de Villach à la Yougoslavie, ainsi que la « Wocheinerbahn » de Jesenice à Trieste via Görz, (Gorizia) terminée en 1906 et la « Pyhrnbahn » de Linz à Selzthal (1906).

D’autres points forts de cette époque furent notamment la première ligne à crémaillère sur le Kahlenberg, près de Vienne, en 1874 et la ligne construite pour le transport de minerais de Erzberg aux hauts-fourneaux de Donawitz en 1891.

Les lignes à voie étroite sont la conséquence logique du Congrès de Berlin, à la suite duquel l’Autriche reçut pour mission de rétablir l’ordre et le calme dans les Balkans, principalement dans les provinces de Bosnie et d’Herzégovine, toutes deux sous domination turque. Les lignes à voie étroite furent construites pour ravitailler l’armée et joignaient Sarajevo à Slavonski Brod (145 km de long - 760 mm d’écartement).

Le bien-fondé de cette décision se vérifia au cours de la Première Guerre mondiale, lorsque pour le ravitaillement des troupes dans les Balkans, et surtout dans les Dolomites, on construisit de nombreuses lignes à l’écartement de 760 mm.

Avec un wagon de minerai vide de Prabichl sur le viaduc de Vordernbergbach. 1969.

A l’issue de la guerre, pratiquement aucune n’a subsisté, pas plus que les quelque 3 000 km de voies étroites construites en Yougoslavie.

Dans les années qui suivirent, de nombreuses sociétés furent absorbées par la kkStB.

Le 31 décembre 1913, ce réseau était long de 18 859 km ; 5 000 km de lignes au moins étaient encore aux mains de compagnies privées.

Lors de la signature de la Paix de Saint-Germain, en 1919, il ne resta pour ainsi dire à l’Autriche que le territoire que nous lui connaissons actuellement. Son réseau ferroviaire ne s’étendait plus que sur 5 800 km et le nombre de ses locomotives était passé de 6 192 à 2 667.


Du périodique 91 Op de rails - 6/87

Source : Le Rail, décembre 1987

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