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Les bâtiments des voyageurs

G. Hendrickx.

mercredi 1er avril 2015, par rixke

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Dans un premier article [1] sur l’évolution des « bâtiments des voyageurs », nous avons montré comment la transformation progressive de l’exploitation ferroviaire a influencé la conception de ces édifices, selon la tendance de l’architecture contemporaine que les spécialistes appellent « fonctionnelle ».

Cette fois, nous allons examiner l’apport « externe » tel qu’il se révèle, d’une façon ou d’une autre, dans toute œuvre architecturale, ne fût-ce que par la position adoptée vis-à-vis de ce qui touche à l’ »Art » et des innovations que les fabricants lancent sur le marché.

Toute définition du « sens artistique » est subjective et, quand il s’agit d’art moderne, on est, la plupart du temps, soit complètement pour, soit complètement contre. Comment faire pour contenter le plus de monde possible ? On peut craindre que l’avant-garde d’aujourd’hui soit dépassée dans dix ans. On peut espérer, en revanche, que les conceptions qui s’inspirent du « caractère régional » restent appréciées plus longtemps. En fait, la S.N.C.B. a tenu compte des souhaits exprimés par les autorités locales. Chacun a été servi d’après ses propres goûts, et c’est ainsi que d’anciennes villes d’art — où, il est vrai, le bâtiment devait être édifié en dehors du centre — ont une gare d’aspect moderne parce qu’elles en ont exprimé le désir.

Depuis quelque temps déjà, les matériaux classiques de construction cèdent souvent le pas aux nouveaux venus, telle la pierre artificielle, matériau récent à ne pas confondre avec l’imitation de pierre naturelle, que les architectes en général n’apprécient guère. De plus, en façade, on voit apparaître la vogue de la menuiserie en aluminium et des panneaux isolants, composés de doubles vitres transparentes et de « sandwiches » opaques, qui dissimulent les radiateurs et les charpentes en béton. Pour les gourmands, un sandwich évoque un « petit pain fourré » ; dans le bâtiment, il s’agit d’un élément composé d’un matériau isolant contenu dans des couches extérieures, dont la matière et la couleur varient à l’infini : verre émaillé, aluminium, asbeste-ciment, polyester, films plastiques et même de la tôle. Le plus souvent, l’épaisseur est de 3 à 4 cm, de sorte que chaque élément peut être fixé de la même manière qu’une vitre.

Le béton se rajeunit ; la préfabrication est à l’ordre du jour et, sur le chantier, on ose même aujourd’hui laisser à nu, tel qu’il sort du coffrage, du béton de composition spécialement étudiée (ciment blanc, sable et silex choisis), auquel on applique parfois dans la suite un léger traitement de parachèvement.

Les toitures translucides et les dômes en matières plastiques, qui ont leurs partisans, remplacent de plus en plus les toitures en verre, si fragiles et si difficiles à rendre étanches.

L’intérieur des bâtiments évolue aussi : on revêt les plafonds de plaques perforées — ces éléments diminuent la résonance et, partant, améliorent l’acoustique — et on recouvre les murs de toile plastique, de matériaux émaillés ou même de lambris métalliques.

Que dire des couleurs sur les parois, les plafonds et les menuiseries ? La peinture a vécu sa petite révolution. Peu à peu, celle-ci s’apaise, et au carnaval des couleurs vives succède de nouveau la « symphonie » des tons. Comme on repeint une fois tous les cinq ans, il est plus facile, en ce domaine, de suivre l’évolution du goût.

Ami lecteur, nous n’avons pas tout dit, mais, pour le moment, cela peut suffire. Une prochaine fois, nous ajouterons quelques considérations sur l’influence de la technique.

De notre album 1952-1962, voici une série de reproductions, cette fois de bâtiments de « moyenne » grandeur, dont quelques-uns tout récents.

Jemelle - 1952
Qui se souvient encore des premières nouvelles de la radio le 10 mai 1940 ? On annonçait notamment : « La gare de Jemelle est en feu ». Le bâtiment tut entièrement reconstruit en style typiquement ardennais, dont témoignent les moellons en grès, les encadrements des baies et le toit en ardoise.
Pepinster - 1952
Situé dans le triangle formé par les lignes Liège-Verviers et Spa-Verviers, le bâtiment est érigé d’après un plan en forme de L, sur les fondements de l’édifice détruit pendant la guerre.
Les lignes sobres et le choix des matériaux (moellons, grès et ardoise) donnent une belle impression de solidité. L’entrée couverte est très accueillante. Du côté des voies, une partie de l’ancien auvent a été conservée pour protéger les voyageurs.
Etterbeek - 1958
L’ancien bâtiment, gravement endommagé, n’a pu être restauré dans son style original. Un édifice moderne cache habilement les anciennes constructions, qui ont été maintenues et qui couvrent les terrasses et les escaliers conduisant aux voies situées en contrebas : la gare est, en effet, située sur un pont à double pertuis et se trouve donc au-dessus des voies.
Diest - 1952
Diest, pour des raisons militaires (mais oui !), ne pouvait mettre qu’un bâtiment en bois à la disposition des voyageurs ; il fut incendié pendant la guerre de 1940, le magasin des marchandises échappant seul aux flammes. Le nouvel édifice est de construction classique, où l’entrée principale est mise en évidence.
Knokke - 1956
Seules les annexes de la gare furent épargnées de la destruction pendant la guerre. On les a réparées et reliées, par un portail couvert, au nouveau bâtiment des voyageurs. Celui-ci, avec ses grands toits couverts de tuiles, ses façades en briques et sa menuiserie en chêne, est bien sympathique et attire de loin les voyageurs. Il a connu un grand succès auprès des modélistes qui construisent des chemins de ter en miniature.
Denderleeuw - 1962
L’explosion d’un train de munitions, au cours de la guerre 1914-1918, détruisit le premier bâtiment des voyageurs. L’édifice qui le remplaça n’avait qu’un caractère temporaire. Le nouveau bâtiment a été érigé sur l’emplacement de la gare d’avant-guerre, à proximité du couloir sous-voies, que les voyageurs quittant la salle d’attente peuvent atteindre par un chemin couvert.
L’ensemble, de conception très moderne, comporte de grandes parties vitrées et des façades en pierre artificielle. L’étage supérieur est occupé par la cabine, équipée d’une loggia.
Le tout sera bientôt complété par une nouvelle installation sanitaire et un dépôt à vélos. Ainsi disparaîtra progressivement l’ancien bâtiment provisoire. A noter encore que les cabines de signalisation seront incorporées prochainement dans le nouvel ensemble.
Un grand parc de stationnement pour voitures a été aménagé sur Ie terrain devenu libre le long du faisceau des voies.
Marloie - 1952
Détruit aussi à la suite de faits de guerre, le bâtiment des voyageurs a été reconstruit, compte tenu du caractère régional : le toit en ardoise, les pierres bleues et les crépis lui donnent un cachet particulier.
Ypres - 1962
Un bâtiment provisoire fut érigé après 1918. Le remplacement de celui-ci avait été décidé avant mai 1940, mais la guerre arrêta les travaux.
Le nouveau bâtiment, dont les plans ont été adaptés aux nécessités actuelles de l’exploitation, est de conception moderne. Il se caractérise par ses lignes sobres et le contraste entre les surfaces unies et les panneaux de couleurs vires. Comme il est situé en dehors du centre, où l’on est toujours tenu de respecter le style local, son architecture, témoignage de notre époque, a été acceptée par les services de la ville et ceux de l’urbanisme.
Dans l’aménagement du bâtiment, on a tenu compte des correspondances à assurer entre les trains et les autobus. L’agent régulateur a une vue d’ensemble sur les deux moyens de transport.
Dixmude - 1962
La gare de Dixmude, située sur la ligne Gand-Adinkerke-La Panne, est aussi une gare de coïncidence pour les clients des autobus desservant Nieuport et d’autres villes du « Westhoek ».
C’est avec impatience que le nouveau bâtiment des voyageurs a été attendu par le personnel et le public, qui ont dû longtemps se contenter du bâtiment provisoire érigé après la guerre 1914-1918. Le style et l’aspect du nouvel édifice ont été influencés par les constructions régionales. C’est un bâtiment robuste, dont le toit couvert de tuiles repose sur des murs bas implantés solidement, sur les ruines des deux gares précédentes, dans cette terre de la plaine flandrienne ravagée par la guerre. Il comporte une vaste salle d’attente, de beaux bureaux arec des appareils de signalisation, des locaux de service et le magasin à marchandises.
Tournai - 1953
La gare de Tournai n’est pot une construction nouvelle. Après avoir été gravement endommagé, le bâtiment des voyageurs, étant donné ton caractère monumental et artistique, a été restauré suivant son aspect original. L’aménagement intérieur a cependant été modifié radicalement et modernisé.
Du côté des voies, des auvents remplacent le grand hall couvert.
Ainsi, un témoin précieux du passé a été conservé.
Andenne-Seilles - 1954
Cette gare remplace celle qui tut gravement endommagée par la guerre et démolie par la suite. C’est un des rares bâtiments des voyageurs situé « au coin de la rue ». Il se caractérise par ta simplicité : on note la salle d’attente bien éclairée, surmontée de l’habitation du chef de gare. Bientôt, on le flanquera d’une cabine de signalisation, à l’occasion de l’électrification de la ligne.
Courtrai - 1956
Le bâtiment des voyageurs de Courtrai, fortement endommagé pendant la guerre, a été reconstruit. L’entrée principale ne manque pas d’allure rnonumentale. Les façades sont en solides briques de parement jaune pâle. Outre les services de la gare, le bâtiment abrite la R.T.T., le buffet, l’agence commerciale, l’habitation du chef de gare et les bureaux de l’arrondissement de la Voie.

Source : Le Rail, septembre 1963


[1Voir « Le Rail » n° 76 de décembre 1962