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La jonction nord-midi aujourd’hui

M. Lefebvre.

mercredi 12 août 2015, par rixke

Les utilisateurs de la Jonction Nord-Midi apprécient certes à leur juste mesure les avantages qu’elle leur propose. Mais ils considèrent désormais comme normal d’être acheminés en train de leur lieu de résidence jusqu’à Bruxelles Central, ou Bruxelles Congrès, soit le plus près possible de l’endroit où ils travaillent, et d’être rapatriés dans les mêmes conditions de facilité.

Il nous a paru intéressant de donner ici un aperçu sommaire, débarrassé de considérations purement techniques, des conditions dans lesquelles s’organise quotidiennement l’exploitation de la Jonction.

Il va sans dire que le trafic particulièrement intense qui transite tous les jours par ce tronçon de 6 voies suscite pas mal de problèmes.

 Programme d’exploitation de la jonction nord-midi

Le programme d’exploitation, initialement conçu, a été pratiquement réalisé. Il est basé sur les principes suivants :

  • améliorer les relations internationales desservant Bruxelles : Amsterdam - Paris, Ostende - Allemagne et au-delà, Ostende - Suisse et au-delà ;
  • augmenter sensiblement dans le centre de l’agglomération, le nombre de points d’embarquement et de débarquement utilisables pour toutes les directions du pays ;
  • réaliser un accouplement de lignes de façon à réduire le nombre de circulations dans la Jonction.
    Ainsi, un train Anvers - Brux. Nord - Brux. Cal - Brux. Midi - Charleroi remplace les 2 trains suivants : Anvers - Brux. Nord - Brux. Cal - Brux. Midi et Brux. Nord - Brux. Cal - Brux. Midi -Charleroi.
    Cet accouplement de lignes suppose une certaine similitude de trafic et de mode de traction.

L’application de ces principes a abouti, après une évolution de 25 ans liée au programme d’électrification des lignes axiales, au service horaire des trains suivants qui constitue le service de base des jours ouvrables (du lundi au vendredi inclus) :

Arrivées Départs
1 - Ligne 25 - Anvers - Bruxelles.
2 trains directs :

  • 1 Bénélux Brux. Midi
  • 1 train (prolongé jusqu’à Charleroi)



2 trains semi-directs (prolongés jusqu’à Nivelles)

2 trains omnibus Brux. Midi

2 trains directs :

  • 1 Bénélux de Brux. Midi
  • 1 train originaire de Charleroi



2 trains semi-directs originaires de Nivelles

2 trains omnibus de Brux. Midi

2 - Ligne 26 - Halle-Bruxelles QL - Nord - Midi.
1 train omnibus Brux. Midi 1 train omnibus de Brux. Midi
3 - Ligne 36 - Liège - Bruxelles
1 train direct prolongé jusqu’à Ostende

1 train semi-direct (avec antenne d’Hasselt) prolongé jusqu’à Quévy - St-Ghislain

1 train omnibus prolongé jusqu’à Gand-St-P.
1 train direct originaire d’Ostende

1 train semi-direct avec antenne Hasselt, originaire de Quévy - St-Ghislain

1 train omnibus originaire de Gand-St-P.
4 - Ligne 50 - Ostende - Bruxelles.
2 trains directs :

  • 1 prolongé jusqu’à Liège - Verviers
  • 1 prolongé jusqu’à Namur - Arlon



1 train semi-direct [1] d’Adinkerke, limité à Bruxelles Nord

1 train omnibus prolongé jusqu’à Louvain

2 trains directs :

  • 1 originaire de Liège - Verviers
  • 1 originaire d’Arlon - Namur



1 train semi-direct [2] de Bruxelles Nord

1 train omnibus originaire de Louvain

5 - Ligne 50 bis - Bruxelles Midi - Nord - Jette - Denderleeuw.
1 train omnibus limité à Brux. Midi 1 train omnibus de Brux .Midi
6 - Ligne 60 - Termonde - Bruxelles.
1 train semi-direct limité à Brux. Midi

1 train omnibus limité à Brux. Midi
1 train semi-direct de Brux. Midi

1 train omnibus de Brux. Midi
7 - Ligne 89 - Court rai - Bruxelles.
1 train semi-direct limité à Brux. Nord 1 train semi-direct de Brux. Nord
8 - Ligne 94 - Tournai - Bruxelles.
1 train semi-direct limité à Brux. Nord 1 train semi-direct de Brux. Nord
9 - Ligne 96 - Mons - Bruxelles.
1 train semi-direct prolongé jusqu’à Hasselt - Liège

1 omnibus Brux. Midi
1 train semi-direct originaire de Liège et Hasselt

1 omnibus de Brux.Midi
10 - Ligne 108 - Binche - Piéton - Bruxelles.
1 train semi-direct limité à Brux. Nord 1 train semi-direct de Brux. Nord
11 - Ligne 124 - Charleroi - Bruxelles.
1 train direct prolongé jusqu’à Anvers

1 train semi-direct limité à Brux. Nord

2 trains omnibus prolongés jusqu’à Anvers
1 train direct originaire d’Anvers

1 train semi-direct originaire de Brux. Nord

2 trains omnibus originaires d’Anvers
12 - Ligne 161 - Namur - Bruxelles.
1 train direct prolongé jusqu’à Knokke - Blankenberge

1 train semi-direct limité à Brux. Midi

1 train omnibus limité à Brux. Midi
1 train direct originaire de Knokke - Blankenberge

1 train semi- direct de Brux. Midi

1 train omnibus de Brux. Midi
Le passage de ces convois se répartit comme suit à travers les pertuis de la jonction Nord -Midi
pertuis 01 (Ouest) : voie 1 : 5 trains par heure
voie 2 : 5 trains
pertuis 02 (Central) voie 3 : 9 trains
voie 4 : 9 trains
pertuis 03 (Est) : voie 5 : 7 trains
voie 6 : 7 trains

A ces trains, constituant l’ossature du service horaire sur les lignes axiales, il faut ajouter :

  • certains trains TEE express ou autos-couchettes du service international ;
  • les trains SABENA reliant Bruxelles Cal à Melsbroeck (70 convois par jour pour les 2 sens).

C’est ainsi qu’il y a environ 50 trains à l’heure qui traversent la Jonction pendant la période creuse.

Mais ce service doit être fortement renforcé aux heures de pointe. Durant ces périodes, de nombreux trains supplémentaires doivent être mis en ligne, le matin pour amener les voyageurs des différentes régions du pays vers Bruxelles et le soir pour les rapatrier.

Nous montrerons, plus loin, que, durant les heures de pointe, les chiffres cités ci-dessus sont plus que doublés.

La mise en ligne de ces trains de complément nécessite :

  • des possibilités de circulation sur l’une des 6 voies de ia Jonction Nord - Midi ;
  • la traversée des 2 gares d’about de Bruxelles Midi et de Bruxelles Nord avec, en corollaire, le problème des cisaillements ;
  • des sillons horaires disponibles sur les lignes axiales aboutissant à Bruxelles ;
  • des voies de garage nombreuses au nord et au sud de l’agglomération (le faisceau nord utilisé par le trafic originaire du sud et inversement).

 Conditions de circulation

vitesse

Si, sur toutes les lignes principales du réseau, la vitesse maximale est de 120 à 140 km/h, la vitesse dans la Jonction est limitée à 50 km/h. La fixation de cette vitesse a été principalement influencée par le nombre d’arrêts intermédiaires (3 pour certains trains) sur un parcours de 3,6 km qui rend assez dérisoire l’intérêt d’une vitesse maximale plus élevée.

signalisation

Dans la Jonction a été adopté le principe du block automatique à sections ouvertes, ce qui signifie que chaque train assure sa propre couverture par la fermeture du signal qu’il franchit tandis qu’en l’absence de circulation, les signaux sont ouverts.

Compte tenu de la vitesse peu élevée des convois et du grand coefficient de freinage dont ils sont dotés, une répétition simple des signaux a été prévue pour des sections de longueur de 2 à 300 mètres.

Exemple de jonction des signaux

En conséquence, la Jonction a été divisée en 12 sections. Il convient d’ajouter que, sur ce tronçon, le franchissement des signaux fermés (à l’exception de certains signaux d’entrée des gares) est autorisé sans autre formalité que de marquer l’arrêt devant le signal, la marche à vue devant dans ce cas être respectée par le conducteur (jusqu’au signal suivant).

 Trafic prévu à l’origine

Les chiffres suivants ont été avancés lors des études préliminaires à la mise en service de la Jonction :

  • trafic journalier de l’ordre de 790 trains se répartissant à peu près également dans les 3 pertuis ;
  • trafic à l’heure de pointe de 72 trains pour les 6 voies, avec un maximum de 14 circulations pour certaines voies.

 Améliorations apportées

Diverses améliorations ont pu toutefois être apportées à l’exploitation depuis l’inauguration de la Jonction.

Il s’agit d’abord de la disparition de la traction vapeur. Au début, dans le but de réduire l’émission de vapeur dans le tunnel et de faciliter la ventilation, les convois vapeur étaient allégés par une locomotive électrique. Cette dernière locomotive assurait la remorque du train, la locomotive à vapeur roulant à modérateur fermé.

Dans le but de réduire au strict minimum les mouvements de manœuvre de ces locomotives dans les gares d’about, il était prévu de placer ces locomotives en tête des trains dans un sens de marche (Midi - Nord) et en queue pour le sens inverse (Nord - Midi).

Des dispositions spéciales étaient également prévues pour faciliter la conduite des trains et abréger la durée des essais de freins dans les gares d’about.

La traction vapeur ayant été abandonnée depuis 1966, toutes ces dispositions sont devenues inutiles. Il en est résulté une amélioration sérieuse dans le sens d’un plus grand parallélisme des horaires — ce qui augmente naturellement la capacité théorique de circulation dans la Jonction.

Une seconde amélioration a été apportée en ce qui concerne la signalisation à Bruxelles Central.

Durant les heures de pointe, la densité du trafic est telle que le moindre retard d’un train dans cette gare risque de provoquer l’arrêt au signal d’entrée du train suivant.

Pour y remédier, au moins partiellement, et augmenter la souplesse de la circulation, ce signal d’entrée a été équipé d’un feu réception sur voie occupée qui autorise le passage en marche à vue d’un train et donc l’entrée à quai dès la mise en marche du train précédent.

Enfin, une dernière amélioration à signaler : elle concerne le matériel roulant utilisé pour ce qui est :

  • des capacités d’accélération ;
  • des conditions de freinage ;
  • du type de fermeture des portes.

A titre d’exemple, citons que des chronométrages réalisés à Bruxelles Central ont permis de constater qu’une rame tractée à portières automatiques demande un temps d’arrêt inférieur de 20 secondes à celui dune rame tractée à portières à fermeture manuelle, tandis que les automotrices permettent encore de gagner 10 secondes de plus.

 Evolution du trafic

Ces diverses améliorations ont permis de dépasser les estimations prévues à l’origine.

En effet, le trafic journalier a évolué comme suit :

  • initialement prévu : 790 trains ;
  • en 1965 : 843 trains ;
  • en 1972 : 949 trains ;
  • en 1974 : 1 027 trains ;
  • en 1977 : 1 030 trains.

La répartition du surcroît de trafic dans les 3 pertuis n’a toutefois pas pu être réalisée d’une façon harmonieuse non pas à cause de la Jonction elle-même, mais à cause des problèmes de cisaillement créés dans les gares d’about de Bruxelles Midi et de Bruxelles Nord.

La répartition des trains sur les 6 voies est actuellement la suivante

voie I : 184 trains Pertuis 01 : 350 trains
voie II : 166 trains
voie III : 178 trains Pertuis 02 : 371 trains
voie IV : 193 trains
voie V : 147 trains Pertuis 03 : 309 trains
voie VI : 162 trains

La densité maximum en heure de pointe a évolué comme suit :

matin soir
Initialement prévu : 72 Initialement prévu : 72
Année 1965 : 84 Année 1965 : 77
Année 1972 : 99 Année 1972 : 94
Année 1974 : 101 Année 1974 : 98
Année 1977 : 101 Année 1977 : 98

Ces chiffres laissent entrevoir les difficultés qu’on rencontre actuellement pour intercaler un train supplémentaire durant les heures de pointe.

Nous pouvons raisonnablement affirmer que la capacité pratique de la Jonction est d’ores et déjà atteinte à certaines heures.

La densité horaire maximale de trafic par voie est d’ailleurs la suivante :

  • voie 1 : 21 (matin) ;
  • voie 2 : 18 (soir) ;
  • voie 3 : 17 (matin et soir) ;
  • voie 4 : 17 (matin et soir) ;
  • voie 5 : 16 (matin) ;
  • voie 6 : 16 (soir).

 Problèmes actuels d’exploitation

Pendant un certain nombre d’années, le nombre de voyageurs recensés dans les 5 gares de la Jonction a régulièrement augmenté et c’est ainsi que le nombre de trains n’a cessé de croître.

Toutefois, depuis 2 ans, nous constatons un certain plafonnement et la question est posée de savoir si cette situation est uniquement temporaire et due à des causes passagères (récession économique, par exemple) ou si elle est définitive (efforts vers une décentralisation administrative). On peut aussi se demander si cette tendance ne risque pas d’être inversée par des éléments nouveaux, tels que les problèmes d’énergie et les difficultés de la circulation routière.

Il nous paraît donc nécessaire d’adopter, à l’heure actuelle, une attitude de prudence à cet égard.

Si le nombre total de voyageurs à transporter durant les heures de pointe n’augmente plus actuellement, nous assistons toutefois à un autre phénomène qui pose de sérieux problèmes aux services d’exploitation.

Il s’agit de la réduction des heures de travail (instauration généralisée de la semaine des 40 heures en 1975) et des adaptations des horaires dans les multiples administrations et entreprises.

Un exemple particulier illustrera ce problème.

En 1975, la durée hebdomadaire du travail a été réduite de 41 h 30 à 40 h et, pour les agents de la SNCB occupés dans les services des différentes directions, l’heure de fin de la prestation a été ramenée de 17 h 18 à 17 h 00.

Il est clair que chacun (et pas seulement les cheminots, mais tous les bénéficiaires de la mesure précitée) a essayé de mettre à profit cette diminution de la prestation en rentrant plus tôt chez soi ; ainsi le service des trains a dû subir de sérieuses modifications. A l’heure actuelle, nous constatons toujours une tendance vers un retour plus hâtif le soir, alors que la pointe du matin accuse une certaine stabilité.

Un autre problème a surgi l’année dernière, lors de l’application de l’heure d’été en France ; il a pris une ampleur extraordinaire en 1977. En effet, cette année, les pays du Bénélux et la France ont conjointement appliqué l’heure d’été, alors que l’Allemagne de l’Ouest et la Suisse n’ont pas suivi.

Cette disparité (du 3 avril au 24 septembre inclus) a entraîné des modifications aux horaires des trains.

Un exemple parmi beaucoup d’autres...

Prenons le cas du 1er train (n° 313), le matin. Bruxelles-Cologne. Son horaire avant le 3 avril indiquait, pour un départ de Bruxelles Midi à 6 h 39, une arrivée à Cologne à 9 h 10. (Nombreuses correspondances Intercity sur le réseau allemand). A partir du 3 avril, cet horaire devenait sans changement : Bruxelles Midi 6 h 39 - Cologne 8 h 10, mais le nœud de correspondances Intercity à Cologne restait toujours ± 9 h 15.

Il a donc été nécessaire de concevoir un horaire adapté et nous avons prévu depuis le 3 avril les heures ci-après : Bruxelles Midi 7 h 36 - Cologne 9 h 08.

Toutefois, cette décision a eu pour conséquence qu’un train nouveau a dû être intercalé dans la Jonction en pleine période de pointe : Midi 7 h 36 - Nord 7 h 43 et cela a suscité de nombreuses difficultés d’exploitation. Un autre problème digne d’être signalé est l’adaptation permanente des heures des trains SABENA aux horaires-avions avec la particularité que les modifications d’horaires des compagnies aériennes ne coïncident pas, quant aux dates, avec celles des réseaux ferroviaires européens.

 Conclusion

La mise en exploitation du tronçon de la Jonction Nord-Midi a été une réussite exceptionnelle : elle a permis, en particulier, à des dizaines de navetteurs de réduire quotidiennement l’amplitude de leur déplacement.

Mais cette performance a exigé et exige encore aujourd’hui un service de trains tel que le degré de saturation des voies est atteint fréquemment.

Aussi, pour le personnel d’exploitation et de roulement, les prouesses sont quotidiennes.

On a peut-être un peu-trop tendance à l’oublier...


Source : Le Rail, septembre 1977


[1Ce train roule toutes les 2 heures.

[2Ce train roule toutes les 2 heures.