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La communauté des chemins de fer européens (CCFE)

mercredi 13 janvier 2016, par rixke

Le temps des autarcies est révolu. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’ouvrir n’importe quel journal.

On ne parle que de rachats et de fusions d’entreprises, lesquelles s’assurent ainsi une dimension internationale, sinon mondiale.

Car, en effet, avec les moyens de communication actuels et la diminution des temps de parcours qui en découle, la planète s’est « rétrécie » et tout problème est susceptible de mondialisation.

A l’échelle européenne, ce mouvement s’est traduit par le renforcement des instances européennes et l’échéance du grand marché européen de 1993. Les entreprises de chemin de fer ont évolué dans le même sens en mettant sur pied la Communauté des chemins de fer européens.

Cette communauté regroupe les 12 réseaux des états membres de la Communauté européenne, auxquels se sont joints les réseaux suisse et autrichien.

 Une gestion originale

Gérée collectivement par les directeurs généraux de tous les réseaux membres, la Communauté est présidée actuellement par M. Ploeger, directeur général des NS. Leurs assistants assument la responsabilité du suivi des questions communautaires, coordonnent, au sein d’un groupe, les travaux effectués par d’autres groupes composés de membres des réseaux. Ils établissent aussi le programme de travail et contrôlent le fonctionnement du secrétariat qui se trouve à Bruxelles. La Communauté s’intègre dans l’ensemble plus vaste de l’UIC (Union internationale des chemins de fer), dont le siège est à Paris.

 Les atouts des chemins de fer

  • La Communauté des chemins de fer européens constitue un réseau de 130 000 km de voies ! Elle emploie plus d’un million de personnes pour assurer le transport annuel de quelque 236 milliards de voyageurs-km et de 190 milliards tonnes-km ! Si la majorité de ces transports est effectuée au sein des états membres de la CE [1], les chiffres du trafic international sont néanmoins appréciables : 19 milliards de voyageurs-km et 75 milliards de tonnes-km.
  • Ainsi que nous l’avons démontré clairement dans Le Rail du mois d’août ’89, l’idée d’un réseau européen à grande vitesse est acquise. D’ici sa réalisation complète, les chemins de fer ont entrepris d’améliorer et d’uniformiser leur offre, en lançant, dans un premier temps, sous la marque Eurocity, un réseau de trains internationaux rapides et confortables, reliant les métropoles européennes. Parallèlement, les réseaux ont développé une politique des prix incitatifs et compétitifs, s’adressant à toutes les catégories de consommateurs. Sur les courtes distances, le rôle du chemin de fer apparaît comme fondamental pour assurer le transport de personnes dans les zones suburbaines à forte densité de population ou dans les corridors entre métropoles voisines.
  • En ce qui concerne le fret, conséquemment au déclin continu du trafic des pondéreux, l’offre marchandises des entreprises ferroviaires a beaucoup évolué. La tendance actuelle est de faire des trains directs ne passant pas par les triages et offrant des délais garantis, et de favoriser le transport combiné.
  • L’informatisation des réseaux s’est considérablement accrue, notamment depuis le lancement du réseau Hermès. Celui-ci désigne la réalisation — toujours en cours — d’un système informatique assurant l’interconnexion des centres de traitement de l’information des chemins de fer européens au moyen d’un réseau de transmission de données hautement performant.
  • Un autre atout non négligeable est celui représenté par leur moindre dépendance énergétique : le modeste appétit du chemin de fer joint à sa faculté à utiliser toutes les formes d’énergie lui garantissent un net avantage sur ses concurrents, routiers et aériens.
  • Enfin, dans le contexte actuel de préservation de l’environnement, le chemin de fer se pose en partenaire privilégié : sécurité plus grande, moins d’emprise au sol, pollution atmosphérique inférieure.

Avec un tel jeu en main, les chemins de fer sont prêts à relever les défis du 21e siècle.

 Les défis

  • Les chemins de fer européens entendent offrir à leur clientèle un réseau unique, cohérent, suffisamment maillé pour desservir un maximum de régions, et performant tant en matière de confort que de sécurité.
  • Ils projettent de développer les liaisons informatiques entre eux, leurs clients, la douane, et les divers services de contrôle, voire les autres modes de transport, pour limiter au strict minimum les saisies de données et supprimer l’acheminement physique des onéreuses documentations traditionnelles. Ce projet a été baptisé DOCIMEL.
  • Du point de vue des transports internationaux, deux axes d’action sont à l’étude : la mise en service systématique de trains directs et rapides entre les grandes zones d’activité économique et d’autre part, le développement du transport combiné (dénommé encore Intermodal). Ce dernier associe le meilleur de chacune des deux techniques de transport — routière et ferroviaire — pour un service optimum à sa clientèle.
  • Dans la perspective du marché unique de 1993, les réseaux doivent adopter une démarche commerciale cohérente dès lors qu’il s’agit de trafic intra-communautaire. De cette volonté est née une formule tout à fait révolutionnaire : la communauté d’intérêt. Cette formule suppose que la Communauté sera, dans son marché, le partenaire commercial UNIQUE du client. On est loin des habituels accords bilatéraux.

 Des conditions préalables

Pour que la Communauté des chemins de fer européens puisse remplir efficacement sa double mission de service public et d’entreprise commerciale, trois conditions doivent être réunies :

  • Harmonisation : Afin de lutter à armes égales avec leurs concurrents, les chemins de fer devraient bénéficier des mêmes avantages qu’eux, soit une prise en charge par les pouvoirs publics du financement d’une partie comparable de leurs investissements en équipements et infrastructure, et une véritable égalité entre travailleurs des secteurs routiers et ferroviaires.
  • Intégration : Les réseaux excentrés ou éloignés du centre de la Communauté doivent pouvoir s’intégrer dans le futur réseau européen sans délai. Cela suppose des investissements considérables (différences d’écartement, traversées maritimes, transit par les Alpes...) qu’ils sont incapables d’engager, sans l’appui des institutions européennes spécialisées dans le développement régional.
  • Clarification : Les relations financières entre les entreprises ferroviaires et leurs états-actionnaires doivent être assainies et corrigées dans le sens d’un partenariat. En clair, les entreprises devront bénéficier d’une très large autonomie de gestion dans le cadre d’objectifs précis fixés d’un commun accord par les divers partenaires.

 Trois objectifs et une conclusion

A la lecture de ce qui précède, on comprend mieux les intérêts et les enjeux de cette Communauté des chemins de fer européens : ils en deviennent évidents. Les objectifs aussi coulent de source et se résument en trois points :

  • Représenter collectivement les intérêts des chemins de fer dans le cadre européen ;
  • Contribuer en liaison avec les institutions de la CEE à l’élaboration d’une politique commune des transports et des autres politiques communautaires intéressant le chemin de fer ;
  • Promouvoir une véritable synergie entre les réseaux de chemin de fer en Europe.

Le véritable espace ferroviaire européen est à ce prix.

 Organisation de la communauté des chemins de fer européens

La Communauté des chemins de fer européens regroupe les réseaux suivants :

Le Chemin de fer fédéral allemand DB
La Société nationale des chemins de fer belges SNCB/NMBS
Les Chemins de fer britanniques BR
Les Chemins de fer de l’Etat danois DSB
Le Réseau national des chemins de fer espagnols RENFE
La Société nationale des chemins de fer français SNCF
Les Chemins de fer helléniques CH
La Compagnie des transports irlandais CIE
Les Chemins de fer italiens de l’Etat FS
La Société nationale des chemins de fer luxembourgeois CFL
Les Chemins de fer néerlandais NS
Les Chemins de fer portugais CP
Les deux réseaux associés sont :
Les Chemins de fer fédéraux autrichiens ÖBB
Les Chemins de fer fédéraux suisses CFF

La Communauté des chemins de fer européens forme un groupe géré collectivement par les Directeurs généraux de tous les réseaux qui la constituent : l’un des Directeurs généraux en assume la présidence. Leurs assistants, issus des réseaux membres, assument la responsabilité du suivi des questions communautaires. Le groupe des assistants pilote le programme de travail et coordonne les travaux effectués par d’autres groupes consultatifs composés de représentants de réseaux. Il contrôle en outre le fonctionnement du Secrétariat implanté à Bruxelles.

La Communauté des chemins de fer européens fait partie de l’ensemble plus vaste que constitue l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC) dont le siège est installé à Paris. Elle bénéficie du soutien du Secrétariat Général de l’UIC et de celui des diverses commissions techniques et commerciales compétentes pour les problèmes du trafic ferroviaire international, de la normalisation ou de la planification : elle reçoit également le concours de l’Office de Recherches et d’Essais de l’UIC établi à Utrecht.

 Who’s who de la communauté des chemins de fer européens

Directeurs Généraux Assistants Réseaux
Sir Robert Reid M. D. Niven Reed BR
M. W. Latscha M. J.-P. Membrez CFF
M. R. Kugener M. G. Schmit CFL
M. A Lambrinopoulos M. E. Kosteas CH
M. T. Conlon M. R Aungier CIE
M J.-N. Carvalho Carreira M. A Simoes do Rosano CP
M. R. Gohlke M. P. Hätner DB
M. P. Langager M. 0. Jensen DSB
M. G. Goletti Mme R Amadmi FS
M. L. Ploeger Mme 0. Gerbers NS
M. H. Übleis M. A Zajicek ÖBB
M. J. Garcia Valverde M, M. Diaz del Rio RENFE
M. E. Schouppe M. J. Rogissart SNCB/NMBS
M. J. Costet M. G. Mathieu SNCF
Sir Robert Reid Président
M.E. Vandenbroele Président du groupe des assistants

 Le rôle des chemins de fer dans la CEE

Les transports remplissent une fonction irremplaçable vis-à-vis des secteurs de l’industrie, de l’agriculture et de l’énergie en Europe. Ils favorisent en outre la mobilité des personnes. Le rail assure actuellement 19 % de l’ensemble des transports de marchandises et 8 % des déplacements de voyageurs à l’intérieur de la CEE.

Pour les chemins de fer pris individuellement ou collectivement, l’ouverture des marchés et des frontières de l’Europe, à l’horizon 1992, représente à la fois un défi et une chance. A l’heure actuelle, le chemin de fer transporte annuellement 67 millions de tonnes de marchandises entre Etats Membres de la CEE, auxquelles s’ajoutent 53 millions de tonnes échangées avec des pays tiers. En trafic, voyageurs, 22 millions de déplacements sont effectués par rail entre les Etats membres, 12 millions de déplacements sont en outre enregistrés, dans le trafic entre les Etats de la CEE, l’Autriche et la Suisse. Les chemins de fer investissent pour l’avenir. Sur le territoire de la CEE, 3 000 kilomètres de lignes nouvelles à grande vitesse sont en exploitation ou en cours de construction, constituant ainsi la première ossature d’un réseau de services voyageurs à 250-300 km/h. Une nouvelle génération de trains de fret directs, circulant entre régions économiques importantes, ouvre au chemin de fer un potentiel de croissance sur le marché du transport de marchandises. Par ailleurs, les innovations technologiques intervenues dans les domaines des télécommunications, de la signalisation et de la conception du matériel roulant, ne cessent d’améliorer la qualité et la productivité de l’exploitation ferroviaire.

 Un enjeu économique

Sur un plan plus général, les chemins de fer contribuent pour une part importante à l’activité économique de la CEE. Leurs dépenses annuelles en biens et services s’élèvent à quelque 12,7 milliards d’écus. Grâce à leurs activités de recherche et d’ingénierie, ils stimulent en outre les échanges entre la CEE et le reste du monde. Au total, les sociétés de chemin de fer emploient plus de 1,1 million de personnes.

 Un atout pour l’environnement

Dans une Europe très sensibilisée aux problèmes de l’environnement, les chemins de fer concourent à la préservation de la qualité de la vie et à la réduction des coûts sociaux masqués de la pollution, de la congestion et des accidents.

Les chemins de fer consomment moins de biens rares ou non renouvelables que les autres modes. Leur infrastructure est trois fois plus économe en espace que celle de la route. 75 % des prestations ferroviaires sont assurées par la traction électrique, moins tributaire des sources d’énergie d’origine pétrolière.

La CCFE constitue un réseau de 130 000 km de voies ! Elle emploie plus d’un million de personnes pour assurer le transport annuel de quelque 236 milliards de voyageurs-km et de 190 milliards de tonnes-km.


Source : Le Rail, janvier 1991


[1Communauté européenne.