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Une nouvelle SNCB (1re partie)

L. Glllieaux.

mercredi 30 novembre 2016, par rixke

La loi du 21 mars 1991 a profondément modifié nombre de règles qui sont à la base des missions et du fonctionnement de la SNCB ainsi que de trois autres entreprises publiques du secteur des communications : La Poste, Belgacom (anciennement la RTT) et la SNVA (Société nationale des voies aériennes, auparavant la RVA). Fondamentalement, la loi vise à doter ces entreprises d’une plus grande autonomie, en vue de renforcer leur capacité concurrentielle ainsi que leur efficacité, entre autres, dans l’exécution de leurs missions de service public.

Découvrons les principales modifications introduites par la loi, en nous arrêtant tout d’abord aux règles communes aux quatre entreprises — donc applicables à la SNCB — pour nous intéresser ensuite à celles qui sont propres à notre société.

Un cadre de vie en pleine évolution

Notre vie sociale connaît une forte évolution depuis plusieurs années. Dans nombre de cas, les quatre entreprises visées par la loi doivent exercer leurs activités dans un contexte de concurrence de plus en plus vive. Les exemples ne manquent pas, entre autres dans le domaine du transport, où les cheminots doivent constamment tenir compte de l’importance du trafic routier, aussi bien pour le transport de personnes que pour celui des marchandises, par charges complètes ou en envois de détail.

L’évolution se marque aussi dans le domaine technique où apparaît un éventail de plus en plus large de services nouveaux ou profondément modernisés, de telle sorte que les organisations classiques se révèlent bien souvent inadaptées.

Par ailleurs, nombre de règles édictées au niveau de la Communauté européenne préparent l’arrivée du « Grand, marché » pour la fin de 1992. Là encore, la concurrence va se développer fortement et les entreprises publiques vont être obligées de s’adapter à une compétition croissante avec d’autres sociétés, nationales ou internationales.

Il était donc devenu indispensable de redéfinir les champs d’activité, les modes de fonctionnement et les possibilités des différentes entreprises publiques concernées. Une réforme a donc été décidée. Elle vise, d’une part, à assurer la compétitivité des entreprises publiques dans leurs activités en concurrence et, d’autre part, à améliorer les conditions dans lesquelles elles assument leurs missions de service public. Le contrôle de l’Etat sur l’exercice de celles-ci par les entreprises doit donc se concilier avec l’octroi d’une plus large autonomie leur permettant d’être performantes dans les domaines où elles sont en situation de concurrence.

Dans cette optique, la loi a réorganisé les quatre entreprises publiques :

  • En les dotant d’une plus grande autonomie dans l’exercice de leurs activités ;
  • En prévoyant un contrat de gestion entre l’Etat et chacune des entreprises, ce contrat étant une convention par laquelle les missions de service public définies dans la loi sont précisées et les modalités de leur exécution sont fixées de commun accord ;
  • En les dotant d’organes de gestion inspirés de ceux des entreprises privées ;
  • En précisant leurs relations, d’une part avec leur personnel et, d’autre part, avec les usagers.
Règles applicables aux quatre entreprises

 L’autonomie par le contrat de gestion

En vertu de la loi, si des entreprises publiques doivent disposer d’une autonomie de gestion dans un secteur industriel ou commercial donné, parce qu’elles sont en situation de concurrence, elles peuvent l’obtenir moyennant la conclusion d’un contrat de gestion avec l’Etat. Cette condition s’explique par le fait que ces entreprises sont également chargées d’accomplir des missions de service public. Or, il importe qu’elles s’en acquittent en respectant les normes fixées par l’autorité publique pour l’exécution de ces missions. L’autonomie des entreprises est donc acquise dans le respect du contrat de gestion relatif aux missions de service public.

 Le contrat de gestion : nature et contenu

II s’agit d’un contrat d’un type particulier, conclu entre l’Etat et chacune des entreprises publiques concernées et qui fixe les règles et conditions spéciales selon lesquelles cette entreprise publique autonome exerce les missions de service public qui lui sont confiées par la loi.

Le contrat de gestion règle les matières suivantes :

  • Les tâches que l’entreprise publique assume en vue de l’exécution de ses missions de service public ;
  • Les principes gouvernant les tarifs pour les prestations fournies dans le cadre des tâches de service public ;
  • Les règles de conduite vis-à-vis des usagers des prestations de service public ;
  • La fixation, le calcul et les modalités de paiement des subventions éventuelles que l’Etat verse à l’entreprise pour couverture des charges résultant des missions de service public, compte tenu des coûts et recettes y liées, des conditions d’exploitation imposées et, pour ce qui concerne le coût du personnel, de l’évolution des salaires comparables dans les administrations de l’Etat ;
  • La fixation, le calcul et les modalités de paiement des indemnités éventuelles à verser par l’entreprise publique à l’Etat, notamment en ce qui concerne les avantages liés aux droits exclusifs qui lui sont éventuellement octroyés ainsi qu’aux droits d’usage concédés par l’Etat à l’entreprise sur certains biens ;
  • Le cas échéant, les matières d’intérêt économique stratégique pour lesquelles la passation des marchés est soumise, selon le montant — déterminé dans le contrat —, à l’approbation ministérielle ;
  • Le cas échéant, les objectifs relatifs à la structure financière de l’entreprise ;
  • Le cas échéant, des règles relatives à la répartition des bénéfices nets ;
  • Les éléments que le plan d’entreprise doit contenir et les délais de communication et d’autorisation le concernant ;
  • Le cas échéant, des limites financières relatives aux acquisitions et cessions de biens immobiliers, au-delà desquelles l’autorisation ministérielle préalable est requise ;
  • Les sanctions en cas de non-respect par une partie de ses engagements résultant du contrat de gestion.

Conclusion et vie du contrat

Le contrat de gestion est négocié entre l’Etat et l’entreprise publique, représentée par son comité de direction. Il est soumis à l’approbation du conseil d’administration de l’entreprise, qui statue à la majorité des deux tiers des voix exprimées. Relevons que la commission paritaire de l’entreprise est périodiquement appelée à donner son avis motivé à propos de l’état d’avancement des négociations et que le projet de contrat lui est également soumis, pour concertation.

Le contrat de gestion est conclu pour une durée de trois ans au moins et de cinq ans au plus. Les modalités de son renouvellement sont fixées par la loi qui prévoit aussi des possibilités de prorogation et de mesures provisoires, pour les cas où un nouveau contrat ne peut succéder immédiatement au précédent.

En outre, le contrat de gestion est réévalué chaque année et, le cas échéant, adapté aux modifications des conditions du marché et aux développements techniques, par application de règles objectives prévues dans le contrat.

 L’autonomie de gestion

Au-delà de l’accomplissement de leurs missions de services publics de la manière fixée et précisée par le contrat de gestion, les entreprises publiques sont, dans les limites fixées par la loi, libres de développer toutes les activités qui sont compatibles avec leur objet social.

Engagements et prix

Les actes qu’elles accomplissent sont considérés comme commerciaux. Dans cette optique, leur responsabilité devient plus grande, puisque la protection de leurs biens (entre autres contre une saisie et une vente forcée en paiement de dettes) est limitée à ceux qui sont entièrement ou partiellement affectés à la mise en œuvre de leurs tâches de service public.

Sous réserve de la législation générale sur le contrôle des prix, les entreprises publiques déterminent librement les tarifs et les structures tarifaires pour les prestations qu’elles fournissent et qui ne sont pas des prestations de service public (pour lesquelles les principes sont bien entendu réglés dans le contrat de gestion).

Gestion des biens et marchés

Par ailleurs, les entreprises publiques autonomes décident librement, dans les limites de leur objet social, de l’acquisition, l’utilisation et la cession de leurs biens. Toutefois, comme on l’a vu plus haut, le contrat de gestion peut fixer, pour certaines opérations immobilières, une limite au-delà de laquelle une autorisation ministérielle préalable est requise. En matière de marchés publics de travaux, de fournitures et de services, les entreprises publiques autonomes ne sont soumises à la législation existante que pour les marchés ayant trait à la mise en œuvre de leurs tâches de service public. Pour ces derniers, relevons que le contrat de gestion peut désigner des matières qui sont d’intérêt stratégique, pour lesquelles la décision est soumise, selon le montant du marché, à une approbation ministérielle. La loi précise toutefois que si la décision du ministre ou du comité ministériel concerné n’est pas conforme à la proposition de l’entreprise publique et qu’il en résulte pour celle-ci un coût supplémentaire, ce dernier devra être couvert par une intervention équivalente de l’Etat.

Finances et participations

Sous réserve des dispositions de leur contrat de gestion, les entreprises publiques décident librement de l’étendue, des techniques et des conditions de leur financement externe. Dans cet ordre d’idées, elles choisissent dorénavant, en fonction de ce qui apparaît le plus intéressant pour elles, de faire ou non appel à la garantie de l’Etat pour les emprunts qu’elles contractent. Il est à noter que sauf pour la couverture temporaire des besoins de trésorerie, les subventions de l’Etat et les revenus de prestations de service public ne peuvent être utilisés que pour l’accomplissement des tâches de cette dernière nature.

Par ailleurs, la loi permet aussi aux entreprises publiques de prendre des participations directes ou indirectes dans des sociétés, associations et institutions de droit public ou privé dont l’objet est compatible avec leur objet social. Ces participations dans des « filiales » sont normalement décidées par le conseil d’administration de l’entreprise. Toutefois, s’il s’agit d’associer la filiale à la mise en œuvre des tâches de service public dont l’entreprise publique a la charge, celle-ci doit au préalable y avoir été autorisée par le gouvernement. De plus, dans ce cas, les participations doivent nécessairement être - et rester - majoritaires, tant en capital (plus de 50 %) qu’en voix et mandats (plus de 75%) dans les organes de la filiale.


Source : Le Rail, Janvier 1992