Accueil > Le Rail > Infrastructure > Gare > Le chantier de Bruxelles-Midi

Le chantier de Bruxelles-Midi

mercredi 15 mai 2019, par Rixke

La transformation de la gare de Bruxelles Midi compte parmi les plus grands chantiers actuellement entrepris en Belgique.

Outre ses caractéristiques techniques assez exceptionnelles, ce chantier relève le défi permanent de réaliser les travaux dans les délais impartis tout en maintenant la gare en activité, et cela, sans perturbations majeures.

La décision de rénover et de transformer fondamentalement la gare du Midi a été prise dans le cadre des projets TGV et STAR 21. Les travaux ont commencé fin 1992 et s’échelonneront en phases successives jusqu’en l’an 2000.

 Objectifs des travaux

L’objectif principal des travaux entrepris à Bruxelles Midi est la construction d’un terminal Eurostar dont les rames assureront la liaison entre Bruxelles et Londres via le tunnel sous la Manche et, concomitante, celle d’une zone d’accueil pour les rames PBKA (du nom de leur parcours Paris - Bruxelles - Köln - Amsterdam) et des trains interconnexions (reliant Bruxelles aux principales villes touristiques françaises sans passer par Paris).

L’occasion était trop belle pour ne pas entreprendre simultanément des travaux de rénovation de la gare, améliorant ainsi le service et l’accueil de la clientèle des relations intérieures et internationales non TGV.

Ont été ainsi aménagés dans le grand couloir de la gare :

  • Un « centre de voyage » (travel center) remplaçant l’ancienne salle des guichets ;
  • Une zone commerciale (numérotée 1) ;
  • Des équipements d’accueil et de confort tels qu’une salle d’attente modernisée, deux bureaux d’information idéalement situés, l’un sur l’axe reliant l’accès aux métros au terminai PBKA, l’autre à proximité du couloir médian, non loin de la station de taxis ; un salon d’affaires disposant de photocopieuses et de télécopieurs pour les voyageurs munis d’un billet de 1re classe avec supplément.

Signalons encore le renouvellement des escaliers roulants et l’installation d’ascenseurs, les travaux de modernisation des voies et des quais et enfin le recouvrement progressif des quais par une toiture composée alternativement de lanterneaux et de zones couvertes, le tout supporté par une charpente métallique.

 L’Eurostar

L’Eurostar aura Bruxelles-Midi comme point de départ et d’arrivée. Les voies 1 et 2 lui sont réservées et sont en impasse. Comme ce TGV emprunte le tunnel sous la Manche, des mesures particulières de sécurité ont été édictées quant à la construction du terminal. Ainsi, ce dernier est-il strictement isolé du reste de la gare : les voies 1 et 2, par exemple, sont séparées de leurs consœurs par une clôture et des éléments en béton.

Pour accéder au terminal, le voyageur est invité à franchir l’une des portes de contrôle automatique s’il est en possession d’un billet de type Sabin ou se rendre au comptoir d’échange des billets, s’il est muni d’un titre de transport ordinaire.

A l’intérieur de ce terminal, voyageurs et bagages seront rigoureusement contrôlés à l’instar des procédures en vigueur dans les aéroports. Les formalités douanières seront accomplies dans des locaux spécialement aménagés à cet effet. L’accès aux quais n’est possible que vingt minutes avant le départ : aussi, en attendant l’ouverture des portes coulissantes, le voyageur peut se restaurer ou se distraire dans une zone commerciale (numérotée 2).

Ce terminal devrait être opérationnel pour le 29 mai 1994 dans une version optimale mais bien sûr non encore définitive. La vente des billets commencera le 17 mai pour les premières liaisons commerciales prévues actuellement pour le 1er juillet. D’ores et déjà, un TGV (non encore identifié) est affrété le six mai pour transporter des personnalités belges à Lille à l’occasion de l’inauguration du tunnel. Ce jour-là, seuls la voie et le quai 1 seront utilisés.

Signalons encore qu’un accès vers les quais du terminal PBKA et des services intérieurs est prévu par le terminal sud pour les voyageurs Eurostar : les travaux commenceraient en août prochain ainsi que la construction d’une zone commerciale (numérotée 3) au même endroit.

 Les trains PBKA

Jouxtant le terminal Eurostar, on trouve la zone de desserte des trains PBKA dont l’exploitation est similaire à celle des Eurocity (pas d’enregistrement des bagages ni de consignes particulières de sécurité).

Ces trains emprunteront les voies 3 à 6, lesquelles resteront néanmoins accessibles aux trains du service intérieur pendant la durée des travaux.

Les TGV PBKA et Eurostar disposeront d’un itinéraire direct, sans croisement d’autres voies, grâce à la construction d’un viaduc au-dessus du gril sud d’aiguillages de la gare (1998).

  1. Hall de départ TM ; échange des billets ;
  2. Aire de contrôle ;
  3. Salle d’attente dans le hall de départ TM ;
  4. Hall de départ vers quais 5 et 6 ;
  5. Hall de départ vers quais 5 et 6 ;
  6. Accès PBKA
Quelques chiffres éloquents
Investissement 5 milliards
Nombre moyen d’ouvriers occupés sur le chantier journellement 250
Superficie de la gare 40 000 m2
Déblais 29 400 tonnes

 Le nouvel espace de la gare

Les architectes ont souhaité offrir aux voyageurs une gare à la fois plus conviviale et plus fonctionnelle sur la base du concept « une gare du futur pour les voyages du futur ». Ils se sont attachés à traduire cette vision dans la ligne de la gare et dans le choix des matériaux. Cette transformation fondamentale se mariera toutefois avec la conservation de certaines structures de base de la gare existante. Ainsi les arcs de soutènement en forme de lys, typiques de Bruxelles Midi, seront conservés, repeints et intégrés à la nouvelle architecture. Ce motif sera repris à l’étage supérieur pour les protections de quais.

Le confort des voyageurs passe aussi par une bonne isolation acoustique. Celle-ci sera atteinte par divers aménagements tels que la double protection sonique des voies et des structures du bâtiment, un double plafond, l’utilisation d’un matériau d’absorption des sons et le remplissage des espaces intermédiaires par de la mousse isolante.

 Les chantiers

L’exactitude veut que l’on parle de chantiers au pluriel plutôt que du chantier de Bruxelles Midi. En effet, une visite a mis en évidence leur nombre et leur présence à tous les étages : les corps de métier s’y succèdent ou travaillent de concert à la réalisation de ce projet.

Aménagement des six premières voies et des quais

Rappelons que les voies 1 et 2 sont en impasse. La voie 3 sera, elle, prolongée vers la Jonction Nord-Midi, tandis que les voies 4 à 6 déjà reliées à la Jonction ont été remplacées pour recevoir les TGV. Les quais 3 à 6 ont été complètement renouvelés.

Le centre de voyage

Situé transversalement entre la rue de France et l’avenue Fonsny, ce centre compte sept comptoirs pour le service intérieur et vingt-sept pour le service international.

On y accède par quatre portes tournantes. Les comptoirs seront identifiés au moyen d’un système signalétique encore à l’étude. Pour des raisons de sécurité, deux guichets traditionnels seront ouverts la nuit. Une consigne de bagages est mise à la disposition de la clientèle, au carrefour des trois trafics (intérieur, PBKA-interconnexion et Eurostar). Cette consigne accepte les bagages à destination de Londres, lesquels sont traités séparément. Des casiers automatiques à bagages complètent ce service.

Modernisation de la gare

Les escaliers roulants du service intérieur ont été remplacés pendant le deuxième semestre 1993 : on en compte seize en tout pour les voies 7 à 22 (un dans chaque sens). Quatre nouveaux escaliers mécaniques desserviront les quais 3/4, 5/6, deux le terminal sud et enfin quatre autres le terminal Eurostar. Les voyageurs du service PBKA-interconnexion pourront aussi emprunter quatre ascenseurs panoramiques, quatre tapis roulants (deux par quai 3/4 et 5/6) et des escaliers fixes (côté nord du grand couloir transversal). En prévision, signalons pour le terminal Eurostar, deux tapis roulants (un par quai 1 et 2) et quatre ascenseurs (deux par quai 1 et 2).

Le revêtement de sol et le plafond du grand couloir voyageurs seront aussi remplacés, le couloir médian sera aménagé et la transformation du troisième couloir (côté sud) est envisagée pour 1996.

 Travaux déjà exécutes

  • Démolition de la gare de décembre 1992 à mai 1993. La démolition de la tour de la gare a débuté le 15 décembre et s’est achevée à la mi-janvier.
  • Aménagement d’une aire de parcage pour la clientèle à l’angle de la rue de France et de la rue de l’Instruction de mai à juillet 1992.
  • Construction de nouveaux bureaux pour la réception et l’expédition des colis au rez-de-chaussée du bâtiment de l’avenue Fonsny, le premier semestre 1992.
  • Déménagement des services de la gare en septembre 1992.
  • Remplacement et installation d’escaliers roulants (voir plus haut).
  • Gros œuvre des travaux aux quais et voies 1 à 6. Les éléments en béton architectonique, destinés à la finition intérieure, sont intégralement posés.
  • Gros œuvre du bâtiment du terminal.

Sont encore en chantier tous les travaux de finition, tels que le carrelage des quais, le revêtement de leurs bords, la couverture des quais, la pose de voies, d’autres travaux de plafonnage, d’électricité, de chauffage et de ventilation dans le terminal et dans le centre de voyages.

 Particularités techniques

Des ponts-bacs de 18 m d’axe en axe ont été utilisés pour construire l’assise de voie sur laquelle les rails sont posés.

Préfabriqués en usine, ils ont été installés à l’aide d’un portique de lancement. Ils sont composés de deux poutrelles maintenues arquées à l’aide de vérins et sur lesquelles le béton est coulé.

Lorsque celui-ci a durci, la pression sur les poutrelles est relâchée, ce qui provoque la mise en compression du béton et permet d’éviter des effets de traction dans le béton lorsque les trains roulent.

Une technique particulière a été mise au point pour la pose des voies 1 à 6, afin d’atteindre un confort acoustique maximal dans les locaux empruntés par les voyageurs en-dessous des voies. Les rails reposent sur des traverses de béton placées sur un matelas acoustique isolant et antivibratoire en polyuréthane, maintenu en contact avec elles par un chausson en caoutchouc. L’ensemble est noyé dans un béton d’une épaisseur totale d’une trentaine de centimètres. Ce système ne nécessite pas d’utilisation de ballast. De même, le transfert des vibrations entre le pont-bac et la structure est empêché par des isolants placés aux appuis.

Une double structure de fondation a été nécessaire pour Bruxelles-Midi.

En effet, la structure portante des voies (ponts-bacs), étant soumise à des sollicitations dynamiques lors du passage des convois ferroviaires, elle a dû bénéficier d’un système de fondation sur pieux. Cette infrastructure est indépendante des fondations du bâtiment qui doit être construit au-dessus et en-dessous des voies 1,2 et 3, fondations réalisées en barrettes de murs emboués.

Le plafond des voies servant d’assise audit bâtiment a demandé l’utilisation de poutres précontraintes préfabriquées de 22 mètres de long et de 2 m 50 de hauteur, pesant chacune 65 tonnes.

 Fiche technique

Sans entrer dans les détails, il est intéressant de noter que le maître d’œuvre des chantiers de Bruxelles-Midi est la SNCB. Deux bureaux d’études sont responsables de la réalisation des dossiers d’exécution et du suivi des travaux : Eurostation pour le bâtiment et TUC-Rail pour les ouvrages d’art.

Signalons que le centre d’avitaillement (dénommé « catering ») a pour mission le ravitaillement de tous les trains internationaux. Il est exploité par Restorail. La compagnie des CCCC (Cross Channel Catering Company) assurera, quant à elle, le service à bord des trains. Le maître de l’ouvrage et le bureau d’études pour la construction du CAV ne font qu’un : c’est Eurostation.

Les entreprises de construction, bien que privées, sont dirigées par les services techniques de la SNCB.

Seuls les travaux de signalisation sont exécutés dans leur intégralité par des cheminots. La collaboration entre services, ouvriers et entrepreneurs (il y en a plusieurs) est totale.

Pareil chantier exige que les besoins soient parfaitement identifiés et rencontrés. De plus, il faut préparer l’exploitation du terminal aux niveaux du personnel, des installations et des consignes et élaborer les procédures à y appliquer. Ces tâches incombent à un inspecteur du mouvement, promu au grade, nouvellement créé, de terminal manager.

Le personnel, quel que soit son grade, doit aussi être formé : cette formation sera délivrée en quelques jours à quelques mois selon les cas, en entente avec les services idoines de la SNCB. Mais ceci est un autre article.


Source : Le Rail, mai 1994