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Mulhouse, ampleur et majesté

mercredi 22 janvier 2020, par rixke

Dossier : musées ferroviaires européens
Locomotive à vapeur 232 U1. 1949. Dernière locomotive à vapeur étudiée par la SNCF. Présentée en mouvement une fois par heure.

York, Utrecht et Nuremberg ont achevé de nous convaincre de l’intérêt du patrimoine ferroviaire européen.

Laissons au musée de Mulhouse le soin de le présenter dans une perspective plus globale, historique et économique à la fois.

Beaucoup plus jeune que les précédents, le musée de Mulhouse a vu le jour en juin 1976 dans son site définitif et actuel. Auparavant, il s’était réfugié provisoirement au dépôt désaffecté de Mulhouse Nord de 1971 à 1976.

L’idée d’un musée ferroviaire est née au milieu des années ’60.

Ses fondateurs, Michel Doerr, un Parisien, et Jean-Mathis Horrenberger, un Mulhousien, n’ont jamais imaginé un autre site que Mulhouse pour l’accueillir, pour des raisons économiques essentiellement. Cette cité du Haut-Rhin n’est-elle pas un carrefour international important ? Le 6 juin 1969, une décision du ministre des Transports habilita la SNCF à déposer son matériel historique dans le futur musée.

Depuis, ce dernier s’est agrandi considérablement, et enrichi en matériel et en projets.

Une visite thématique

 La technique

Impossible d’évoquer le monde ferroviaire sans rappeler les noms prestigieux de Denis Papin ( 1647-1714) et de Newcomen. Le premier mit en évidence la force qui se dégage de la vapeur ; le second l’utilisa au service des hommes dans les « coalfields » en 1712. L’engrenage était enclenché : les découvertes majeures de Joseph Cugnot, un ingénieur français, inventeur de l’automobile à vapeur – le « fardier » en 1771 – et de James Watt, un ingénieur écossais qui fit breveter en 1769 la première machine à vapeur des débuts, signèrent l’avènement du chemin de fer. Trois témoins de l’époque glorieuse sont présentés au musée :

  • La locomotive Buddicom de type 111, datant de 1844 ;
  • La locomotive de type Stephenson dite Sézanne ;
  • Et la locomotive de type Stephenson dite l’Aigle.

La Buddicom fut construite dans l’atelier de l’ingénieur anglais William Barber Buddicom au lieudit Les Chartreux, près de Rouen. Baptisée Saint-Pierre, elle porta les numéros 33, puis 12-010 après le rachat de la Compagnie de l’Ouest par l’Etat en 1876. Elle faisait partie d’une série de 40 locomotives. Elle remorquait des trains de voyageurs de Paris à Rouen et assura un service de ligne pendant 70 ans, notamment les trains de marée sur la ligne Dieppe-Paris.

Vues générales de la grande halle du musée

Buddicom avait travaillé, avant son installation en France, dans les ateliers de Crewe du Grand Junction Railway sous les ordres de l’ingénieur en chef, Alexander Allan, inventeur d’un type de distribution qui porte son nom. Ce dernier avait aussi conçu un type de machines à essieux indépendants ¬— dit type de Crewe — dont on retrouve de grandes analogies sur la machine de Buddicom. La Sézanne, exposée voie 2, est du type long boiler. Elle fut fabriquée par Hallette selon un plan anglais et sortit en 1847 pour la Compagnie de Montereau à Troyes. Elle appartenait à une série de 16 machines commandées pour ce réseau, lesquelles circulèrent sur la ligne Paris-Strasbourg après la fusion de 1853. Cette locomotive se caractérisait par sa rusticité et ses roues composées d’éléments divers rivetés. L’Aigle, que l’on peut admirer dans le bâtiment d’accueil, appartient à la génération des long boiler de Stephenson. Fabriquée en 1846 dans les usines Stephenson à New Castle elle fut achetée pour la ligne Avignon-Marseille qu’elle atteignit par voie maritime via Gibraltar sur un voilier ! Superbe sous sa couverture de bois, de cuivre et de laiton, elle se distingue par ses roues dont le corps fut fondu d’un seul tenant.

Ces deux modèles furent sauvés in extremis de l’outrage des ans : la Sézanne servait de génératrice à vapeur à Oullins, l’Aigle de locomobile de secours. Comme vous l’aurez remarqué, le matériel roulant venait, à l’origine, d’Angleterre ou était fabriqué en France selon des plans anglais. L’influence anglaise s’étendit jusqu’à l’écartement des voies (4 pieds, 8,5 pouces) et la conduite à gauche. Vers la fin du XIXe siècle cependant, les choix français s’écartèrent résolument des modèles américains et anglais. A ceci, une bonne raison économique : la rareté du charbon flambant demi-gras français obligeait notre voisin à s’approvisionner à l’étranger. Quoi de plus normal dans ces circonstances que de chercher des moyens d’économiser cette source d’énergie ? La France privilégia ainsi le développement d’un type de locomotives dit Compound. Le système Compound utilise la vapeur à haute pression dans les deux cylindres intérieurs, puis la vapeur résiduelle à basse pression dans deux autres cylindres placés à l’extérieur. Un prototype de ces locomotives est présenté voie 1, c’est la locomotive 701 Nord, construite en 1885 dans les anciens établissements AKC. Ce modèle fut apprécié et largement amélioré par la suite par Alfred de Glehn et Gaston du Bousquet.

Au début de notre siècle est aussi apparue la traction électrique. La première motrice électrique française appelée E1 ou « Boîte à sel » fut utilisée dans la région parisienne. Elle captait le courant continu de 650 volts d’un 3e rail.

Quelques années plus tard, à l’issue de la Première Guerre mondiale, ce fut au tour des autorails de faire leur apparition à la faveur d’un bricolage effectué sur une voiture à 4 compartiments de 2e classe et d’un moteur de char d’assaut Somua. Le prototype ZZB2Ef, né de ce bricolage, est visible voie 6 parmi d’autres autorails dont l’apogée se situe dans les années ’30. Il faut rechercher les raisons de cet engouement dans la crise de 1929 et dans la nécessité de trouver de nouveaux marchés. Deux grandes signatures s’imposent dans ce nouveau créneau : Michelin et Bugatti.

La renommée du premier est d’ailleurs responsable du néologisme incorrect « Micheline » à propos des autorails. Rappelons aussi le succès retentissant de l’autorail Bugatti « Présidentiel » ZZ y 24 408 Etat qui détint le record du monde de vitesse avec 196 km/h en 1937 sur la ligne Paris-Strasbourg. On en parlait autant alors que du TGV aujourd’hui ! A l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, la France contracta avec les Etats-Unis un prêt-bail de 4 ans, de 1944 à 1947. La France acquit, à cette occasion, la R 141 qui marqua sensiblement la mentalité cheminote. Reflet du souci très américain de l’efficacité maximum et du rendement, cette locomotive introduisit la conduite banalisée en France et fit entrer le chemin de fer français dans une nouvelle logique. Elle assurait en 1949 30% du trafic voyageurs et 50% du tonnage transporté en France. Son rôle fut immense dans le redémarrage de la vie économique du pays.

 L’aspect historique

Ainsi que nous l’avons évoqué plus haut, le chemin de fer fut avant tout utilisé pour réduire le coût du transport des pondéreux sur les premières lignes dans la région de Saint-Etienne. Avant la nationalisation du réseau ferré le 1er janvier 1938, les compagnies étaient indépendantes. En témoignent les couleurs des différentes locomotives Compound présentées au musée : chocolat à filets jaunes pour le réseau nord ; noire et filets rouges pour la Compagnie de l’Est ; verte et filets rouges pour le PLM ; enfin gris princesse à filets bleu nuit pour le Paris-Orléans.

La guerre est évidemment évoquée, les militaires s’étant alors beaucoup servis du rail. On peut admirer par exemple une locomotive Consolidation qui fut achetée en Angleterre pour la remorque des pièces d’artillerie lourde sur voie ferrée, ainsi qu’un locotracteur Crochat utilisé pour la mise en place des pièces d’artillerie lourde sur les épis de tir à proximité du front.

Autorail Bugatti 1933

L’amélioration du confort est abordée par, le biais des voitures : la voiture de 1re classe du Nord rappelle, par son aspect, la technique de fabrication de la diligence et, par là, le recyclage auquel toute une corporation fut astreinte. De même, la voiture BP 135 Nord est le témoin d’une autre évolution : celle des commodités et des couloirs, absents des premières voitures parce que le train s’arrêtait fréquemment pour faire le plein du tender.

  1. Accueil, boutique
  2. Espace pédagogique
  3. Musée du Sapeur pompier
  4. Espace « Voie et Bâtiments »
  5. Traversothèque
  6. Exposition artistique
  7. Grande Halle
  8. Station « Mulhouse Musée »
  9. Réserve (en projet)
  10. Réseau de jardin (en projet)
  11. Petit train

 L’influence du chemin de fer sur l’imagination et les arts

Angle intéressant que celui de l’art pour évoquer la puissance des machines, qui paraissait infinie au milieu du XIXe siècle. La ligne de St-Germain, fondée par Peteire en 1835, eut une influence énorme sur l’art populaire : la collection Charles Dollfus en témoigne avec sa cafetière et sa boîte à bijoux, en forme de locomotive. Les toiles de Turner, Dali, Brenet, Lamarche égaient de leurs couleurs la succession austère des locomotives. Les affiches ferroviaires nous renvoient à la féerie des voyages d’antan dans les voitures de prestige de la Compagnie internationale des Wagons-lits, notamment. Deux de ces voitures et une voiture Pullman des années ’20 sont visibles voie 5 : la peinture bleue datant de cette époque, fut choisie, dit la légende, par M. Noblemaire en hommage aux couleurs des chasseurs qu’il avait portées pendant la Grande Guerre.

 De tout, un peu...

Impossible de dresser ici une liste exhaustive des témoins de l’histoire ferroviaire présents dans ce musée. Signalons néanmoins une voiture du train de la Compagnie Paris-Orléans, voiture-salon des aides de camp du train impérial ; la voiture-salon n° 10, dite de la grande-duchesse de Luxembourg et les voitures présidentielles (PR1 et PR2), utilisées notamment par le général de Gaulle.

Voiture de 1re classe Nord A151 typique de la période du second empire

Si le chemin de fer est devenu ce qu’il est, c’est en grande partie dû aux progrès considérables qui ont pu être obtenus dans le domaine de ses infrastructures.

Aussi, cet important volet occupe-t-il une place de choix, dans la cour, dans les vitrines et les couloirs d’accès aux deux bâtiments principaux. Citons une importante collection de rails, allant du rail à double champignon (DC) en passant par une série de rails « Vignole », jusqu’au rail moderne ; des sémaphores PLM, AL, Lartigue Nord et PO ; des avertisseurs ; des carrés, rouges, verts et violets ; du petit matériel de commande et de contrôle ; du matériel accessoire, etc.

Le bâtiment voyageur (BV), baptisé Musée ville, rappelle les différentes fonctions des gares. Le poste de signalisation de Paris Invalides, démonté et remonté sur place, présente des tables d’enclenchements de type divers. A admirer aussi un quai de gare avec son matériel traditionnel.

N’oublions pas le matériel fixe et le musée de la traverse ferroviaire. Ce dernier, créé par M. Malleret à Surdon, retrace toute la vie d’un monde qui disparaît, celui de la traverse en bois, petit à petit détrônée par la traverse en béton.

 Vous ne pourrez plus l’oublier

Telle est la devise de ce musée dont voici les coordonnées :

Rue Alfred De Glehn, 2 F- 68200 Mulhouse Tél. 89 42 25 67.

Accessible par la route (quitter l’autoroute A 36 - sortie Mulhouse Ouest) et par rail (service de bus, ligne 17 devant la gare ; dimanches et jours fériés, ligne S 17). Afin d’améliorer les possibilités d’accueil, il a été créé une halte sur la ligne internationale Mulhouse-Strasbourg : Mulhouse-Musée.

Tarifs

40 FF ; 31 FF pour les groupes de plus de 20 personnes ; 18 FF pour les jeunes de 6 à 18 ans et les étudiants.

Ouverture

Tous les jours sans interruption, samedis, dimanches et jours fériés compris, de 9h à 17h du 1er octobre au 31 mars ; de 9h à 18h du 1er avril au 30 septembre. Fermé le 1er janvier, les 25 et 26 décembre et du 1er novembre au 28 février, les lundis non fériés et hors vacances scolaires.


Source : Le Rail, janvier 1995