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Le CAV de Bruxelles

R. Rombout.

mercredi 9 septembre 2020, par rixke

Dans notre article sur la restauration à bord de l’Eurostar, nous avions laissé entendre qu’à ce propos, rien n’était laissé au hasard. Jusqu’au repas testé, ainsi que certains d’entre vous ont pu le constater.

Nous avions aussi promis de revenir sur le CAV. Cet article traite donc d’une partie essentielle de la chaîne de « montage ». Il traite du rôle et de la place du centre d’avitaillement, le CAV en abrégé.

Il est situé rue de France dans un bâtiment mieux connu sous l’appellation de « Zennewatergebouw ».

Où même Ariane perdrait son fil...

Sitôt la porte franchie, on peut constater à quel point le CAV est en avance sur son temps. Le XXIe siècle a déjà été franchi allègrement.

Des tapis roulants aux couleurs franches, des rouleaux entraînés à une allure sportive et qui émettent un bruit de crécelle, des ascenseurs au souffle puissant qui relient les trois niveaux : ingéniosité et organisation. Tout cela saute aux yeux.

Le personnel aussi est hors du temps : l’uniforme blanc ouaté est garni sur le dos d’un emblème — un R — rouge et la casquette est typiquement américaine. On nage en pleine science-fiction !

N’étaient les couleurs, on se croirait dans une clinique où les touristes sont indésirables. Pour pénétrer dans le CAV mieux vaut donc y travailler, en être le patron, y faire un reportage ou s’appeler Dirk Cattry. Ou alors lire Le Rail. Dirk Cattry est l’homme qui a imaginé le CAV comme vous et moi prenons le train, il est le fil d’Ariane de cette curieuse pelote.

Allô, M. Cattry, où nous emmenez-vous ?

"Voyons, laissez-moi d’abord enfoncer une porte ouverte : pour approvisionner un Eurostar, il faut de l’organisation. Un tel train mesure environ 400 m et comporte 18 voitures dont 2 voitures-bar, il peut contenir 210 voyageurs en 1re classe et 584 en 2e classe, soit un total de 794 voyageurs.

A partir du mois de septembre, nous espérons atteindre 16 trajets par jour. Etant donné que la capacité maximale est fixée à 52 Eurostars, cela veut dire qu’à terme, notre tâche consistera à assurer le repas à 41 288 voyageurs. Par jour. Vous voyez mieux l’intérêt d’un tel centre et la raison de sa complexité."

1 -0 pour Cattry. Je prépare la contre-attaque.

Voulez-vous rappeler la place du CAV dans le circuit d’approvisionnement des Eurostars ?

Les voyageurs peuvent se restaurer à bord de ces trains de trois façons différentes. En 1re classe, le repas est compris. C’est la restauration à la place, RAP en abrégé. Ils peuvent aussi casser la croûte ou consommer au bar. Enfin, ils peuvent s’approvisionner auprès des comptoirs ambulants.

Actifs sur tous les fronts, donc ?

En effet. Le CAV est derrière tous les produits qui sont offerts aux différents points de vente.

Estimation 1996 par semaine
RAP 16518
BAR 21 788
VA [1] 16 122

Leur commande s’accompagne de différentes phases : stockage, composition des plateaux, vaisselle. Vous aurez remarqué que le CAV n’intervient pas dans la préparation des aliments. Néanmoins leur manutention est un sacré boulot.

Comment se déroule-t-elle ?

Mon travail a consisté à accorder les phases de manutention entre elles pour que chaque niveau puisse être desservi dans les délais. Mais je crains que vous l’expliquer prenne beaucoup de temps.

Je vous accorde une page de revue. Une. A partir de maintenant.

AD Armoire Denrée
Bacs jaunes, portes bleues pour denrées périssables.
AM Armoire matériel
Mêmes bacs jaunes, portes bleues, pour denrées non périssables (café. thé. sucre) ou matériel.
BB Bac Boisson
Bacs bleus ouverts pour boissons
BR Base Roulante
Panier métallique sur roulettes. Moyen de transport pour AD (BR1), AM et BB (BR2).
CR Chariot Repas
Hautes armoires bordeaux sur roulettes (trolleys). Moyen de transport pour PR.
PR Plateau Repas
Plateau bleu, petit ou grand.

VIDER ET STOCKER

Pour se faire une petite idée de l’ensemble, nous allons suivre un chariot depuis sa sortie du train jusqu’à son retour au quai de départ.

Il faut ici faire une distinction entre le matériel propre et le sale.

  • Le matériel propre (BB et AM) est acheminé avec le reste de son contenu vers un magasin central où il attend un nouvel approvisionnement ;
  • Les BR vides sont expédiées vers leur propre magasin ;
  • Les BR chargées de AD et CR prennent le chemin de la station de lavage où ils sont accumulés jusqu’à leur traitement.

LAVER

Les CR et les BR sont ensuite acheminés vers un centre de lavage particulier. L’ordre est donné au système par un opérateur par l’intermédiaire d’un ordinateur.

  • Les CR sont vidés et envoyés au lavage. Leur contenu poursuit un autre itinéraire qui débouche sur deux autres unités de lavage, l’une pour les verres et les couverts, l’autre pour le reste ;
  • Les BR (avec AD) sont déchargées et renvoyées sans plus ;
  • Les AD sont à leur tour débarrassées et leur contenu éventuellement recyclé ;
  • Le matériel souillé est traité dans une 4e machine ;
  • Les AD lavées sont chargées sur les BR ;
  • Les BR propres et chargées sont alors stockées avec les CR traités dans un troisième magasin où ils attendent un nouveau départ.

CONTROLER ET PESER

Les AM et les BB sont pourvus d’un code-barres et leur contenu est éventuellement contrôlé par une simple pesée. Nous reviendrons plus tard sur leur remplissage et leur stockage.

Comment le matériel vide est-il traité ?

Jusqu’ici nous avons vu comment le matériel était trié et traité depuis sa sortie du train.

Il est maintenant propre et entreposé. Le système informatique connaît aussi l’endroit où il est rangé. Il ne tient pas compte des restes de leur contenu. La manière de travailler est la même pour tous les chariots et bacs. Ils sont traités exactement quand l’opérateur en donne l’ordre au système via l’ordinateur. L’opérateur détermine la nature et la quantité de leur chargement pour chaque poste de travail.

Via l’ordinateur, je suppose ?

Oui, il existe cinq terminaux. Le système propose une sélection de missions par poste de travail. Sur l’écran de l’opérateur apparaît donc la liste des missions parmi lesquelles il en choisit une ou plusieurs. Sur cette base, le système envoie le nombre exact de bacs et de chariots, lesquels sont alors chargés et stockés. Après que l’ordre est exécuté, la mission est effacée.

N’y a-t-il pas un risque de confusion ?

Chaque contenant possède son propre numéro que le système enregistre via un code-barres. L’identité est déterminée par un code fixe, le contenu par un code variable.

Quid des BB et des AM ?

Les BB que l’opérateur appelle viennent du train et ne sont pas nécessairement vides. Leur chargement est complété et l’opérateur les identifie au moyen d’un code-barres variable. Ce code est nécessaire pour un contrôle éventuel de leur contenu. Une fois remplis, ils sont renvoyés en magasin en attendant leur prochain départ sur un Eurostar. Même chose pour les AM.

Ils sont alors incorporés dans les paniers roulants, je suppose ?

Les BR, les paniers roulants comme vous dites, sortent du même magasin. L’opérateur les charge avec les AM et les BB dans l’ordre suivant lequel ils sont fournis et les munit d’un code-barres identifiant leur contenu. Les BR sont alors prêtes pour un nouveau départ. En attendant, elles sont stockées en magasin où les y rejoindront plus tard les BR de nourriture et les CR. Etant donné la nature de leur chargement, le magasin qui les abrite affiche une température de 3°C.

Parlons un peu des armoires de denrées, voulez-vous ?

Vous commencez à comprendre. Leur assortiment se déroule en deux étapes. Dans un endroit séparé, les aliments qui les garnissent sont entreposés manuellement dans des tiroirs. Dans un deuxième temps, ils sont chargés sur une BR (BR1), laquelle est stockée dans la chambre froide. L’assortiment des plateaux s’effectue en même temps que les CR. Dans un endroit maintenu à 12 °C, ils sont préparés manuellement et entreposés dans le CR, qui prend, lui aussi, la direction de la chambre froide.

On en arrive alors au stade du chargement dans l’Eurostar ! Un jeu d’enfant, tout compte fait ?

Plus ou moins, oui. Le nombre exact de CR et de BR est envoyé au quai de départ. A l’aide de petites remorques blanches, ils sont expédiés via de grands ascenseurs vers le quai d’embarquement où ils sont chargés dans l’Eurostar. Où ce train a été bien sûr débarrassé, de telle sorte que la boucle est bouclée.

Bien, votre page est remplie. Puis-je vous demander d’illustrer ces explications par un petit schéma ?

Certainement.


Source : Le Rail, août 1995


[1vente ambulante