Accueil > Le Rail > Infrastructure > Gare > La gare « Maurice Grevisse »

La gare « Maurice Grevisse »

R. Danloy.

mercredi 20 janvier 2021, par rixke

ou le tonus à la Marbehanaise

Le 7 octobre 1895 naissait, à Rulles, un village de Gaume, Maurice Grevisse. Il était le fils d’un forgeron et il semblait bien qu’il reprendrait plus tard le métier de son père. Mais le jeune garçon se révéla d’emblée un brillant élève à l’école primaire et son instituteur, M. Forêt, parvint à convaincre ses parents de lui laisser poursuivre ses études, il fit alors ses humanités chez les frères maristes à Arlon puis il suivit les cours de l’école normale à Carlsbourg. Promu instituteur, il enseigna durant une année à Florenville.

Cependant, Maurice Grevisse ne devait pas en rester là. Il entama un régendat à Malonne avant de se tourner vers la philologie classique à l’Université de Liège où il obtint son doctorat.

Son avenir devait prendre une orientation décisive quand, un beau jour, un de ses collègues lui demanda de « dépoussiérer » une grammaire. Le résultat fut que Maurice en conçut tout simplement une nouvelle dont la première version sortit en 1936 chez Duculot, un petit éditeur de Gembloux ! Le moins que l’on puisse écrire est que ce dernier avait eu le nez fin car il y eut finalement quatorze éditions de cet ouvrage qui devint un véritable succès de librairie de par le monde. Le mot « grammaire » s’est en effet avéré, au fil des ans, indissociable du nom de son auteur et je me rappelle qu’à l’école, mon professeur de français ne disait jamais « Prenez votre grammaire » mais préférait « votre Grevisse » ! L’oeuvre de Maurice Grevisse est immortelle et, après lui, d’autres ont repris le flambeau : son beau-fils, André Goosse qui est membre de l’Académie française, puis sa petite-fille, Marie-Anne Grevisse, faisant ainsi de la grammaire une tradition familiale !

Octobre 1995 : ce fut immanquablement l’occasion de célébrer le 100e anniversaire de la naissance de l’illustre grammairien. Or, si certaines cérémonies eurent lieu à Rulles – où se trouvent désormais un musée ainsi qu’une stèle consacrés au célèbre enfant du pays –, d’autres se déroulèrent à Marbehan, et spécialement à la gare, celle que l’on appelle aujourd’hui la gare « Maurice Grevisse ». L’administration communale de Habay avait contacté en son temps le chef de gare, M. Van Bruwaene, lequel, avec son dynamisme habituel, s’était immédiatement intéressé à la proposition d’ériger la station en une vitrine célébrant les mérites de Grevisse. Après avoir obtenu l’accord de ses supérieurs hiérarchiques, tout le personnel se mit à l’ouvrage avec un enthousiasme remarquable, imité d’ailleurs par les peintres et l’équipe des bâtiments et ouvrages d’art.

Bénéficiant au départ d’un aspect extérieur très réussi, de par sa construction en pierres du pays, la gare de Marbehan peut désormais s’enorgueillir de posséder une salle d’attente et un hall d’entrée décorés d’une manière très originale. Dans la salle des pas perdus, deux fresques ont été peintes par les élèves de 6e année de la section artistique de l’institut St-Benoît de Habay.

Chacune d’elles occupe un pan de mur : la première représente l’école de Rulles et la seconde le portrait de Maurice Grevisse. En outre, au fronton de cette même pièce, plusieurs mots tirés de la grammaire de Grevisse – du style « attribut », « sujet », « verbe », etc. – ont été assemblés de telle sorte qu’avec la première lettre de chacun de ces termes soit formé le nom du grammairien. Des vitrines abritent également des ouvrages de M. Grevisse prêtés par l’éditeur Duculot ainsi qu’un panneau réservé à une évocation moderne de la vie de l’ancien instituteur. Enfin, les élèves de St-Benoît – dont deux sont les fils d’un sous-chef de gare de Jemelle ! – ont conçu neuf modèles en céramique (à l’échelle 1/5) rappelant le travail du grammairien. Parmi ces réalisations, le public a été invité, par le biais de formulaires disponibles, à choisir celle qui sera scellée dans le mur extérieur de la gare, en regard de la place. Et, côté quais, une grande vitre a été décorée à l’aide d’un dessin composé sur ordinateur par les étudiants habaysiens et imprimé sur un film en plastique. De cette manière, le visage de Grevisse apparaît bien nettement aux voyageurs à bord des trains. C’est vraiment de la très belle ouvrage et l’on apprécie !

A Marbehan, on n’est jamais en peine pour trouver des idées et faire de la station un véritable ambassadeur de la SNCB auprès de la population. Il faut dire aussi que M. Van Bruwaene, originaire de Waregem, arrivant dans la région, en avait tout de suite saisi les potentialités touristiques et s’était dit qu’il fallait faire quelque chose pour attirer le promeneur. Ainsi naquit la « Route du charbon de bois », fruit d’une collaboration avec le tenancier du buffet de la gare et les gardes forestiers de la région. Il faut en effet savoir qu’autrefois, l’on extrayait le fer dans la région, un minerai qui était ensuite fondu dans les forges pour fabriquer des outils. Or, si le bois ne dégage qu’une chaleur de 600°, le charbon de bois, par contre, en offre plus du double, soit 1250°. C’est donc lui que l’on utilisait. Les implantations se faisaient près des rivières et à l’orée des forêts. On fabriquait alors des fauldes (meules de bois) que l’on recouvrait de terre. Au centre on faisait du feu et quand la fumée blanche finissait de sortir par la cheminée que l’on avait aménagée, il était alors temps de récolter le charbon de bois. En 1993, Marbehan accueillit également le « Télévie ». Pour réaliser un bon « score », plusieurs activités avaient été organisées au préalable et ce, grâce à la collaboration de plusieurs mouvements associatifs de Gaume, l’opération étant orchestrée par la gare, dont un des agents, M. Verhève, anima une soirée chantante pour l’occasion.

Lors des journées train-tram-bus, Marbehan fait encore preuve d’une énergie peu commune : ce sont des visites du musée d’Offaing, consacré aux vieilles machines agricoles et tenu par un ancien cheminot qui s’appelle.. Grevisse, lui aussi ! Ce sont également des visites des ardoisières de Martelange – qui rencontrent un formidable succès ! – ou au musée du vélo à Weyler, près d’Arlon. Le résultat ne s’est pas fait attendre : Marbehan a enregistré une augmentation de 39,4 % de voyageurs lors de ce type de manifestation. M. Van Bruwaene a le regard sans cesse porté sur l’avenir et il n’hésite pas à payer de sa personne comme tout son personnel. Ainsi lorgne-t-il tout doucement vers l’abbaye d’Orval et les vignobles de Torgny, deux sites touristiques importants de la province de Luxembourg. Voilà pour les projets. Mais pour ce qui est des excursions actuelles, Marbehan propose en formule B-excursion des promenades en calèche dans la majestueuse forêt d’Anlier. De quoi se convaincre du dynamisme des cheminots à l’écoute de leur région, au service du client et motivés par leur travail tout autant que par la promotion du tourisme de terroir...


Source : Le Rail, janvier 1996