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Namur
L. Gillieaux
mercredi 25 août 2021, par
La métamorphose d’une grande gare |
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Namur, capitale de la Région wallonne, est aussi à plusieurs titres une ville carrefour dans le domaine des transports. Et si la SNCB y réalise d’importants investissements pour améliorer son offre, la ville connaît de son côté de très sérieux problèmes de circulation et d’aménagement de ses espaces urbains, spécialement près de la gare, alors que la Région y construit un grand bâtiment ministériel.
Les différents acteurs publics se sont dès lors efforcés de coordonner leurs projets et investissements pour valoriser au mieux l’ensemble des aménagements à réaliser.
Le point sur cette vaste opération.

Une réponse globale aux besoins de trois acteurs publics |
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La Région wallonne regroupe actuellement ses divers services ministériels à Jambes ainsi qu’à Namur même. Une recherche d’implantation particulière a été menée pour un ministère occupant à lui seul quelque 900 fonctionnaires, à savoir le « MET » ou ministère de l’Équipement et des Transports. Cet important ensemble a repris le secteur wallon de l’ancien ministère national des Communications et la partie correspondante de l’ancien ministère des Travaux publics.
Après l’examen des possibilités en concertation avec la ville de Namur et la SNCB, la zone allongée située au nord de la gare, entre celle-ci et le boulevard du Nord, a été retenue. Elle permettait en effet d’y construire un bâtiment répondant adéquatement aux besoins du MET tout en valorisant davantage les projets d’amélioration de la SNCB et de la ville pour le site de la gare.
Améliorer la circulation urbaine
Namur connaît incontestablement d’importants problèmes de trafic urbain, tout particulièrement près de la gare aux heures de pointe. Le passage des piétons est loin d’être aisé, les transports publics urbains et régionaux n’y circulent pas de façon performante et la circulation automobile elle-même y est fortement congestionnée. La ville a alors recherché des solutions et l’une de celles-ci, étudiée avec la SNCB et la Région, pourrait apporter des perspectives très intéressantes, en s’appuyant sur une transformation profonde de la gare, en liaison avec la construction du bâtiment du MET.
Accroître les vitesses commerciales
Le projet de plan d’investissement 1996-2005 en cours d’examen au niveau des autorités gouvernementales prévoit entre autres une amélioration des vitesses commerciales sur diverses relations desservant nombre de villes du pays. Si de tels gains peuvent provenir, dans divers cas, de relèvements de vitesse sur certains tronçons de ligne, ils peuvent aussi découler de modifications apportées à quelques endroits précis, jusqu’alors sources de ralentissements, voire d’entraves du trafic.
Tel était jusqu’à présent le cas de Namur. En effet, plusieurs lignes y aboutissent ou s’y croisent à niveau dans des installations de configuration assez ancienne, ce qui est générateur de perturbations pour l’important trafic tant voyageurs que marchandises qui passe quotidiennement dans la gare. Pour résoudre ce problème, un plan a été conçu, qui modifie fondamentalement le tracé et l’occupation des voies et des quais, ce qui suppose le remplacement des couloirs sous les voies et des auvents existants. Parallèlement, les responsables du projet ont cherché à améliorer les installations d’accueil des voyageurs, compte tenu tant des modifications affectant les voies que des projets de la Région et de la ville.
Cette conjonction de recherches a abouti à une solution résolument originale, celle d’une couverture des voies par une dalle supportant entre autres le hall d’accueil des voyageurs et les accès aux quais.
La dalle de la gare, une solution valorisant les transports en commun
La construction de cette dalle reliant facilement la place de la gare au boulevard du Nord et aux quartiers avoisinants va permettre, avec le nouveau bâtiment du MET qui la prolonge, de redonner vie à un espace qui avait quelque peu perdu son âme. En effet, la densification des constructions à cet endroit et l’animation due tant au passage continu des voyageurs qu’aux nouvelles activités qui vont se développer là vont créer un nouveau lien urbain entre des quartiers jusqu’alors nettement séparés par la zone de la gare. À l’inverse, il deviendra possible pour les habitants de traverser celle-ci en empruntant la dalle sans ressentir aucune rupture dans leur itinéraire urbain. Cette solution aura aussi pour conséquence d’intégrer davantage la gare à la vie des citoyens.
Dans le même temps, il est prévu que les voyageurs entrant dans la gare via le hall d’accueil actuel gagneront les voies en transitant aussi par ladite dalle. De ce fait, le fond de l’actuel bâtiment côté quai 1 pourra être muré et ledit quai transformé en voie routière. Cette adaptation permettrait de réduire fortement le trafic routier en surface devant la gare, favoriser la circulation piétonne, améliorer les correspondances entre trains, et autobus et privilégier le trafic automobile de desserte de la gare.
L’utilisation des transports en commun en général s’en trouverait ainsi grandement facilitée.
Une gare pour l’an 2000 |
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Namur est la première gare de Wallonie en termes de trafic voyageurs : plus de 100 000 usagers par semaine. Elle souffre toutefois d’un important handicap. En effet, à l’heure où l’on redécouvre les avantages du transport en commun et où on veut le promouvoir dans les prochaines années, il faut bien constater que les installations actuelles de la gare sont utilisées au maximum de leurs possibilités, dans des conditions parfois fort difficiles.
Croisement d’axes et trafic hétérogène
La gare de Namur est le point de croisement de la dorsale wallonne (Mouscron - Tournai - Mons - La Louvière -Charleroi - Namur - Liège - Herstal) avec l’axe Bruxelles - Namur - Arlon -Luxembourg. S’y ajoute aussi la ligne Namur - Dinant, qui se prolonge sur l’axe Athus - Meuse, entre autres générateur d’un important trafic marchandises. Toutes ces lignes connaissent un trafic mixte, composé de nombreux trains de voyageurs des catégories IC, IR, L et P mais également de trains de marchandises, fort nombreux eux aussi. Les deux axes acheminent en outre des trains internationaux : d’une part, le courant France - Allemagne du Nord de Charleroi à Liège et vice-versa ; d’autre part, le trafic Belgique - Luxembourg - est de la France - Suisse - Italie et inversement sur l’autre axe.
Aux difficultés d’harmoniser les circulations de tous ces trains aux caractéristiques si diverses s’ajoute le fait que l’axe Bruxelles - Luxembourg est particulièrement difficile à exploiter, à cause de ses particularités géographiques. En effet, cette ligne est assez longue, traverse un relief fort accidenté et est soumise à des conditions climatiques sévères dès l’automne et surtout en hiver. Enfin, il faut encore relever que la configuration des voies, aiguillages et croisements dans les installations de la gare imposent fréquemment des limitations de vitesse à 40 km/h sur environ 2 km lors de la traversée du nœud ferroviaire.
Une transformation ainsi qu’une modernisation fondamentale de la gare s’imposaient donc pour qu’elle puisse jouer efficacement le rôle plus important qu’on veut lui confier pour l’avenir.
Trois fonctions pour le futur
L’avenir du chemin de fer à Namur présente un triple visage, dont les caractéristiques ont servi de références pour les choix d’investissements et de transformations à réaliser.
D’une manière générale, le trafic voyageurs intérieur va continuer à se développer et il importe de favoriser cette croissance en le rendant plus attractif, grâce entre autres à un meilleur accueil, une accélération des vitesses commerciales et un plus grand confort dans les trains. Au cours des prochaines années, le trafic devrait suivre l’accroissement des emplois publics dans la ville.
Le trafic international des voyageurs va lui aussi augmenter dans un proche avenir, du fait de l’intensification des déplacements en Europe et du souhait de faire une place plus large au transport ferroviaire dans ce processus.
Le trafic international est-ouest à travers la Wallonie sera certes fortement influencé par l’arrivée du TGV. Toutefois, Namur continuera à connaître d’importants mouvements de voyageurs sur cet axe. En effet, ceux-ci pourront bien sûr, au départ de Namur, gagner les gares d’arrêt TGV de Bruxelles et de Liège. De plus, des études communes à la SNCB et à la SNCF sont en cours et prévoient, entre autres, la possibilité de développer une relation TGV dite « de la dorsale wallonne » entre Namur et Paris, via Charleroi, La Louvière et Mons, la ligne à grande vitesse étant utilisée à partir du raccord d’Antoing jusqu’à Paris. Namur deviendrait ainsi, elle aussi, une gare desservie par les TGV.
Quant au courant nord - sud, il s’inscrira également dans cette croissance, du fait entre autres que Namur se trouve sur la ligne reliant les trois villes-sièges des principales institutions européennes : Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. Le trafic marchandises devrait aussi s’intensifier, notamment dans le domaine des trains complets et du trafic combiné, qui transporte des conteneurs et des remorques de camions sur des wagons spécialement équipés. Dans ce domaine, compte tenu de la structure de notre réseau et du relief de la Belgique, Namur reste un point de passage obligé pour plusieurs courants de trafic.
D’importants aménagements ferroviaires
Étant donné les perspectives évoquées ci-dessus, il a été décidé :
- D’accroître la capacité de la gare par une augmentation du nombre des voies de passage utilisables par les trains de voyageurs et par une redéfinition de leur affectation ;
- De spécialiser des voies au trafic marchandises en réaménageant les itinéraires de ces convois ;
- De supprimer les cisaillements des deux très importants itinéraires voyageurs dorsale wallonne d’une part, axe Bruxelles - Luxembourg d’autre part, grâce à la création d’un ouvrage d’art ;
- De réaménager les installations d’accueil des voyageurs en relation avec les importantes transformations précitées.
Travaux ferroviaires à Namur |
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Les transformations prévues permettront d’accroître la vitesse commerciale des trains. En effet, les trains de voyageurs pourront circuler à 80 km/h – d’où un gain de temps de 4 à 5 minutes – tandis que les convois de marchandises traverseront la gare à 60 km/h.
Adaptation des voies
Le nombre de voies de passage sera porté à onze, le principe d’exploitation consistant à séparer le trafic marchandises ainsi que chacun des deux axes du trafic voyageurs.

Les trains de marchandises passeront dorénavant sur les voies 1 et 2 qui leur seront réservées. À l’ouest de la gare, les trains de marchandises n’emprunteront plus, dorénavant, que la seule ligne de ou vers Jemeppe-sur-Sambre et Charleroi.
Ils n’utiliseront donc plus la ligne 161 avec la forte rampe de Rhisnes qui cause bien des soucis aux conducteurs comme au personnel de régulation. À l’est de la gare, ces trams se dirigeront soit vers la ligne de Liège, soit vers la ligne de Dinant et, au-delà, l’axe Athus-Meuse, qui recevront tous les trains de marchandises du courant nord-sud et vice-versa.

Au passage sous la dalle, les deux voies marchandises seront posées dans un caisson acoustique en béton qui les isolera des autres voies et diminuera donc sensiblement le niveau sonore dans la partie couverte des quais.
Le trafic de la dorsale wallonne utilisera les voies 3 et 4 tandis que les trains du courant Bruxelles - Luxembourg et vice-versa emprunteront les voies 9 à 11. Les autres voies, de 5 à 8 serviront pour les trains L et ceux qui changent de ligne, comme les trains Gand - Bruxelles - Dinant par exemple.
Toutes les voies à voyageurs seront équipées de quais hauts en remplacement des quais bas actuels. Ces quais seront reliés, d’une part, au couloir public subsistant sous les voies (et réaménagé), par des rampes et des escaliers mécaniques et, d’autre part, à la dalle surplombant les voies, par des escaliers mécaniques ou non.

Pont-tube et autres ouvrages d’art
À l’est de la gare, à l’endroit où se séparent les lignes de Liège, Luxembourg et Dinant, un « pont-tube » va être construit afin de permettre le passage de la ligne de Liège sous celles qui se dirigent vers Luxembourg et Dinant. Cet ouvrage permettra d’éviter les « cisaillements » des axes et autorisera une augmentation sensible des vitesses d’approche de la gare, d’où les gains de temps et les accroissements de vitesse commerciale précités.
Une passerelle publique (dite « d’Herbatte ») située à proximité des lieux sera reconstruite et les tabliers des ponts des lignes de Luxembourg et de Dinant situés sur une avenue proche de la Meuse (ponts de l’Avenue Albert Ier) seront eux aussi renouvelés en liaison avec ces travaux, celui de la ligne d’Arlon étant élargi.
Gestion du trafic
Ce réaménagement fondamental des installations ferroviaires aura des implications non négligeables en matière de signalisation. De ce fait, en liaison avec ces travaux et dans le cadre du programme général de concentration et de modernisation des cabines de signalisation, il a été décidé de construire à Namur une nouvelle cabine à commande informatique. Elle sera installée dans l’aile Est du bâtiment voyageurs actuel. Dans sa phase finale de développement, la cabine contrôlera aussi, outre les installations de la gare, les circulations dans une très vaste zone : jusqu’à Jemeppe, sur la ligne de Charleroi – à l’exception cependant de Ronet –, La Hulpe et Wavre en direction de Bruxelles, au-delà d’Andenne sur la ligne de Liège, Haversin sur celle du Luxembourg et Dinant sur la ligne de la Meuse.
La dalle et l’accueil des voyageurs |
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Cette dalle couvrira l’ensemble des voies de passage, en face du bâtiment des voyageurs et sur toute la longueur de celui-ci, soit 140 mètres, abritant ainsi les usagers des intempéries. La clientèle comme le public de passage y accéderont au départ de l’actuel bâtiment par des escaliers mécaniques mais aussi par le nord, en traversant le grand hall du bâtiment du MET.
La dalle comportera les locaux d’accueil et de service à la clientèle tels que guichets, bureau d’information, zones d’attente, consigne, espaces détente, commerces, restauration légère, etc. Elle constituera également la zone centrale d’échange et de correspondances, puisqu’elle donnera accès aux différents quais.
L’actuelle salle d’attente sera transformée en hall d’accueil et de transit vers les escaliers mécaniques et ascenseurs. Ce hall abritera aussi des commerces tandis que le reste du bâtiment abritera des bureaux et des locaux techniques.
Notons que la solution du transfert des services de la gare sur une dalle au-dessus des voies, assez originale pour la Belgique, a déjà été mise en œuvre dans d’autres grandes villes européennes, par exemple, à Utrecht, Madrid, Stockholm,...
Horizon 2003 |
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L’ensemble des transformations ferroviaires représente, pour la SNCB, un investissement de l’ordre de quelque deux milliards deux cents millions de francs. Les travaux ont débuté en 1993 par la pose des nouvelles voies 8 à 11, la construction des quais correspondants et la partie de la dalle de couverture s’étendant au-dessus des voies 9 à 11.
Les travaux se poursuivront par phases successives afin de maintenir en permanence une capacité d’exploitation optimale de la gare. Il est prévu qu’ils s’achèvent aux alentours de 2003.

Grâce à ces importants investissements entrepris en coordination avec ceux de la Région wallonne et de la ville aux abords immédiats du site, la gare de Namur va ainsi, dans quelques années, présenter à la clientèle ferroviaire des installations complètement renouvelées, offrant des services performants et répondant aux attentes des voyageurs de l’an 2000.
Source : Le Rail, août 1996