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Panaches blancs au pays des trois vallées

René Danloy.

mercredi 3 novembre 2021, par rixke

Le week-end des 21 et 22 septembre derniers, tous les mordus de l’anthracite se sont retrouvés à Mariembourg à l’occasion des rencontres organisées par le Chemin de fer à vapeur des trois vallées (CFV3V). De quoi faire un bond prodigieux dans le passé pour les nostalgiques mais aussi une belle occasion de découvrir une région aux attraits touristiques particulièrement enchanteurs...

Le CFV3V est une asbl qui s’est créée en 1973 avec pour objectif de mettre en place un musée vivant de la traction à vapeur, en exploitant du matériel ancien et en mettant des trains en circulation.

En 1978 une première convention était signée avec la SNCB, laquelle concédait le tronçon Nismes-Treignes. Et, deux ans plus tard, un avenant à cette convention prolongeait alors le parcours de Nismes jusqu’à Mariembourg. Quant à l’inauguration officielle de la ligne, elle eut lieu le 27 mars 1976. Le vieux rêve était devenu une réalité pour un groupe de bénévoles amoureux de la vapeur.

Le CFV3V n’allait pas cesser de se développer, acquérant de plus en plus de matériel et transportant un nombre croissant de passagers entre Mariembourg et Treignes.

Le matériel roulant est abrité au dépôt de Mariembourg, à proximité duquel l’association a dû construire son propre quai d’embarquement. Ce dépôt est l’un des rares de Belgique à avoir été bâti en forme de rotonde...

 Trois rivières, trois régions

Le CFV3V sillonne donc un pays qu’arrosent non seulement trois cours d’eau – l’Eau blanche, l’Eau noire et le Viroin – mais qui se partage aussi entre trois régions : la Fagne, la Calestienne et l’Ardenne. La première est une dépression argileuse au sous-sol schisteux. Impropre à la culture, elle est couverte de forêts et de prairies marécageuses. La deuxième représente une succession de crêtes calcaires et de vallées riches en dépôts de limon, propices aux cultures céréalières. Le massif calcaire est parcouru de nombreuses failles, ce qui a provoqué des effondrements et creusé des grottes. Enfin, la troisième constitue un massif forestier dont l’exploitation des essences feuillues joue un rôle important dans l’économie.

Attention au départ ! Mesdames et Messieurs, en voiture !

Un long coup de sifflet et notre locomotive crache toute sa vapeur ; les bielles peu à peu s’affolent et le monstre noir halète de façon régulière tandis que le convoi s’ébranle. En route donc ! Au bout du voyage, c’est Treignes, le village d’Arthur Masson, qui nous attend ! Voilà de quoi nous faire immanquablement penser à Trigolles et à son maïeur le gros Toine, lequel avait justement surnommé son docteur de beau-fils Tchouf-Tchouff ! Et qui sait, peut-être y verrons-nous Thanasse, le garde-salle, le traweux d’coupons, en train de jouer les martyrs du chemin de fer...

En attendant, nous quittons Mariembourg-la-Belle. La fière cité, au bord de la Fagne, s’enorgueillit d’avoir été jadis une place-forte française.

En 1692. elle reçut la visite de Louis XIV et, depuis, lors de chaque festivité locale, on joue le « branle de Mariembourg » (ou danse du bouquet), un morceau de musique qui fut exécuté en l’honneur du Roi-Soleil. Après avoir traversé quelques prairies, notre train entre presque perpendiculairement dans la bande calcaire, se dirigeant vers le piton de la Roche à Lomme qui se dresse au confluent de l’Eau blanche et de l’Eau noire.

Nous arrivons alors à Nismes, la cité des « crayats » et l’une des plus vieilles localités de la région. Elle doit son surnom au fourneau qui, situé jadis dans le fond du parc du château Licot, fondait des crayats de sarrasins, autrement dit des déchets des fonderies gallo-romaines encore riches en fer et parsemant les tiennes (collines calcaires) ainsi que les bois. Au fil des ans, le vocable est devenu le sobriquet des Nismois...

 Chez les gnomes et les sorcières !

Au-delà de Nismes, nous nous engageons dans la vallée du Viroin en direction d’Olloy.

Nous apercevons alors le plateau des Abannets sous lequel a été creusé un tunnel de près de 500 mètres.

Les Abannets recèlent des cavernes où la légende veut que des nutons aient vécu. C’étaient de petits hommes aux mœurs nocturnes qui s’adonnaient à la cueillette pour subsister, évitant de se mêler aux villageois.

Cependant, comme ils avaient la réputation d’être d’habiles ouvriers, les gens recouraient souvent à eux. Le soir, il suffisait de déposer l’ouvrage à faire ainsi qu’un salaire en nourriture devant leur porte pour trouver le travail accompli le lendemain matin...

Un p’tit train s’en va dans la campagne : nous pénétrons dans la réserve naturelle du Viroin qui a été créée afin de préserver la faune et la flore riches et rares des coteaux calcaires. La nature s’offre à nos regards et l’on se prend à rêver...

Passé Olloy nous nous dirigeons vers Vierves.

La baronnie de Vierves passa aux mains de plusieurs familles et notamment celle de Hamal, connue pour son acharnement contre les sorcières. Ici encore la légende est omniprésente et les traditions locales sont toujours vivaces : les garçons vont réciter aux filles à marier leurs rimes moqueuses, on relocte également ces demoiselles à l’aide de torchons trempés dans la peinture et, le soir du mardi gras, on brûle un mannequin à l’effigie de Johan Simons avant de manger l’omelette ! Coutumes aussi amusantes qu’étranges, perpétuant les délices de notre folklore !

Et nous parvenons à Treignes.

Mesdames et Messieurs, terminus ! Tout le monde descend !

C’est un bourg au passé historique important qui remonte sans doute à l’époque celtique. Toujours est-il que des fouilles permirent de mettre au jour une villa gallo-romaine. Mais Treignes, c’est également la patrie d’un de nos grands écrivains wallons et de son célèbre héros, Toine Culot, aussi renommé d’ailleurs que son cousin T. Déome, le chantre bedonnant dont on ne s’étonnerait pas d’entendre soudain résonner la voix puissante...

Il ne nous reste qu’un conseil à vous donner : c’est de vous laisser un jour tenter par l’aventure d’un voyage dans le temps et ce, dans un cadre idyllique, là où la vapeur se conjugue si bien avec la campagne, là où le bon vieux chemin de fer ne fait plus qu’un avec l’histoire...


Source : Le rail, novembre 1996