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La répartition des wagons

Jonniaux, inspecteur principal adjoint.

mardi 1er juin 2021, par Rixke

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 Servir et servir vite

Répartir le matériel, c’est mettre journellement, à la disposition du commerce et de l’industrie, les wagons nécessaires à leurs besoins.

Si les transporteurs privés ne transportent que certaines marchandises, dans certaines conditions et au mieux de leurs intérêts, notre Société, elle, doit, en vertu des dispositions légales, fournir aux clients, dans les délais imposés, les véhicules qu’il leur faut pour n’importe quelle marchandise satisfaisant aux règlements de transport.

En outre, elle doit mettre les wagons à leur disposition dans l’ordre d’introduction des demandes. Il ne peut être dérogé à cette règle que si certaines circonstances d’intérêt général le justifient. Le délai de fourniture des wagons de types ordinaires est fixé, légalement, à 48 heures pour les demandes de quatre wagons ou moins ; à 96 heures pour les demandes de cinq wagons ou plus. En pratique, les cheminots s’efforcent, dans un esprit commercial, de fournir le matériel le plus tôt possible, le lendemain, voire le jour même de la demande. Les wagons spéciaux, à effectif limité, sont livrés suivant les disponibilités, mais toujours, en principe, dans l’ordre d’introduction des demandes.

 Matériel courant et spécial

La Société offre à sa clientèle trois grandes catégories de matériel de types courants : les wagons couverts ; les wagons ouverts à haussettes hautes, appelés communément « tombereaux » ; les wagons ouverts sans haussettes ou à haussettes très basses, appelés communément « plats ».

En plus de ce matériel traditionnel, elle offre encore des wagons à usages spéciaux : wagons plats à plancher surbaissé, wagons isothermes, réfrigérants, wagons trémies pour transporter du ciment ou du sucre en vrac, wagons containers pour transporter des charges complètes de porte à porte, wagons couverts à toit ouvrant, wagons conçus spécialement pour transporter des marchandises déterminées...

L’ensemble de ce matériel constitue un parc de 69.000 wagons, en chiffres ronds.

 Comment on répartissait jadis et naguère

La répartition consiste à diriger le matériel vide des régions (ou gares) où il est en trop vers les régions (ou gares) où il y en a trop peu.

On a conçu plusieurs façons de le faire, suivant le développement des réseaux et l’importance de leur parc.

Le système « par fiches »

Dans un réseau à ses débuts et disposant d’un nombre limité de véhicules, chaque wagon peut être suivi par une fiche, sur laquelle sont notées les opérations à mesure qu’elles se déroulent. Le répartiteur, à partir de ces fiches, assigne aux wagons déchargés de nouvelles destinations.

Dès que l’effectif des véhicules augmente, ce procédé se complique et appelle des moyens d’exécution dispendieux.

Le système « par nombres de wagons »

A ce stade, on procède « par nombres de wagons », et non plus par numéros de wagons, comme dans le système primitif « par fiches ». Le réseau est divisé en plusieurs groupes, dirigés, chacun, par un bureau répartiteur (BR).

Vers midi, chaque gare communique au BR dont elle relève :

  • Le nombre de wagons, par catégorie, présents et qu’elle estime pouvoir servir pour les besoins du lendemain ;
  • Le nombre de wagons, par catégorie, nécessaires pour ce lendemain.

A l’aide de ces renseignements, le BR établit les excédents ou les déficits par gares, par sections de ligne et par lignes de son groupe. Il télégraphie ou téléphone ensuite des ordres de déplacement pour les wagons en trop dans chaque gare, en tenant compte des trains existant entre les gares d’expédition et celles qui doivent recevoir les wagons.

Après sa répartition, chaque BR informe un bureau central répartiteur (BCR) sur les excédents ou les déficits de son groupe. Le BCR donne alors des ordres de répartition de groupe à groupe.

Ce système a été en vigueur à la S.N.C.B. jusqu’en 1928. Il avait des inconvénients.

Dépouiller les situations de chacune des gares de son groupe (de 100 à 200, suivant les circonstances), rédiger les ordres de déplacement, les transmettre, tout cela constituait pour chaque BR un travail matériel exigeant beaucoup de temps, et, dans bien des cas, les ordres de déplacement de wagons parvenaient aux gares après le passage du train qui devait les enlever, d’où stagnation supplémentaire du matériel.

Le lendemain du jour de la répartition, comment le BR pouvait-il contrôler si chacun des ordres donnés la veille, en grande partie pour des wagons isolés, avait été exécuté ou était en voie d’exécution ? Matériellement, c’était impossible.

Enfin, quand une gare n’avait pas reçu le matériel promis, au moment de la nouvelle répartition, elle rappelait sa demande. Le BR donnait un nouvel ordre, et, le lendemain, la gare recevait deux wagons au lieu d’un...

 Les bases du nouveau système

La S.N.C.B. a recherché un système qui éliminerait ces inconvénients :

  • En automatisant le plus possible la répartition et, du même coup, en supprimant le travail fastidieux du système « par nombres de wagons » ;
  • En éliminant les stagnations supplémentaires de véhicules, en améliorant ainsi la rotation et, par là même, le rendement du matériel.

Quelles ont été les idées directrices de cette rénovation ? Cinq constations générales que voici :

  • Les régions où siègent des industries (charbonnages, usines métallurgiques, carrières, cimenteries, etc.) ont un déficit constant en matériel de transport : la quantité de wagons nécessaires pour écouler leur production est supérieure à la quantité de wagons qui leur amènent les matières premières ou autres. Ces régions peuvent être considérées comme à expéditions dominantes.
  • Les régions non industrielles ont un excédent de wagons : les véhicules amenant les produits de consommation ne trouvent pas tous remploi après déchargement. Ces régions peuvent être considérées comme à réceptions dominantes.
  • Il ne se crée guère d’industries nouvelles, et celles qui existent sont implantées aux mêmes endroits pour de nombreuses années. Cette double circonstance crée une situation permanente en ce qui concerne les régions à réceptions dominantes et celles à expéditions dominantes.
  • Les entreprises industrielles (charbonnages, usines métallurgiques, etc.) ont une production journalière à peu près constante : leur déficit journalier en wagons accuse peu de fluctuations.
  • La capacité de consommation journalière des régions non industrielles reste aussi presque constante, parce que l’importance de leur population varie peu.

Puisqu’il existe des régions, toujours les mêmes, à excédents constants de wagons, et des régions, toujours les mêmes, à déficits constants, on pouvait déduire que des courants permanents de matériel vide devaient nécessairement exister dans le sens des régions à « réceptions dominantes » vers les régions à « expéditions dominantes ».

Comment situer ces régions ? Pour qu’on puisse le faire, les gares ont tenu, pendant six mois, par catégorie de matériel (« couverts », « tombereaux » et « plats »), la moyenne journalière des wagons « reçus chargés » (déchargés, ils constituent les ressources pour la répartition) et la moyenne journalière des wagons expédiés chargés (ceux-ci représentent les besoins en matériel).

Ces moyennes journalières ont été, gare par gare, transposées sur une carte du réseau, sous forme de carrés de 1 mm. de côté par wagon, ou de traits de 1 mm. par dixième de wagon, bleus pour les ressources, rouges pour les besoins. Ainsi sont apparues les régions à « réceptions dominantes », celles où le bleu domine, et les régions à « expéditions dominantes », où le rouge domine. L’excédent moyen journalier des régions à prédominance bleue est donné par la différence entre la somme des carrés bleus et celle des carrés rouges, et le déficit moyen journalier des régions à prédominance rouge par la différence entre la somme des carrés rouges et celle des carrés bleus.

 L’organisation du nouveau système

II ne restait plus qu’à organiser l’écoulement permanent des excédents des régions à prédominance bleue vers celles à prédominance rouge, en tenant compte :

  • De l’importance, par région, des excédents moyens d’une part et des déficits moyens d’autre part ;
  • Du régime des trains existants, de façon à éviter le plus possible la mise en marche de moyens d’acheminement exclusivement pour matériel vide.

Source : Le Rail, octobre 1958