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L’aluminium dans la construction ferroviaire

jeudi 11 novembre 2021, par Rixke

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 L’aluminium

On extrait l’aluminium à partir de la bauxite, un des minerais les plus répandus dans l’écorce terrestre. Sa préparation industrielle date de 1886. Depuis, sa production et sa consommation ont crû sans cesse ; il est devenu un métal d’utilisation courante. L’aluminium est malléable, ductile, se moule bien, se polit à la perfection et s’allie facilement à d’autres métaux. En vue d’en améliorer certaines propriétés et en particulier la résistance mécanique, il ne s’emploie généralement pas à l’état pur, mais sous forme d’alliage avec le silicium, le magnésium, le cuivre, le manganèse, le zinc, le titane.

Train articulé de jour de la D.B.

En raison de la faible densité de l’aluminium et de ses principaux alliages (2,7 environ, comparée à 7,8 pour l’acier), on a été tout naturellement tenté de l’utiliser dans la construction des véhicules. En 1895, alors que la production mondiale du minerai ne dépassait pas 500 tonnes par an, on fabriquait déjà des carters de moteurs en aluminium. Dans la suite, on utilisa ce métal pour des carrosseries d’automobiles (1900), pour les revêtements extérieurs de certains wagons anglais (1905) et pour des pistons (1907).

Aujourd’hui, on produit annuellement dans le monde plus de 3.500.000 tonnes d’aluminium.

 Avantages et limites de l’emploi de l’aluminium dans la construction ferroviaire

Un matériel ferroviaire léger offre des avantages : accélération et freinage plus rapides, réduction de la charge par essieu, possibilité d’augmenter le nombre de véhicules remorqués par une même locomotive ou, avec un même nombre de véhicules, de réaliser une vitesse plus grande.

Wagon-silo C.F.F. entièrement en métal léger.

Pour alléger le poids des véhicules ferroviaires, on peut recourir à l’aluminium, mais l’emploi de ce métal léger est plus coûteux que celui de l’acier. En outre, il n’est pas le seul procédé pour construire moins lourd. On est parvenu aussi à de sérieux allégements par une étude judicieuse des formes de la construction en acier.

Voitures pour trains express des chemins de fer du nord (1923) comportant 3 tonnes d’aluminium.

De toute façon, dans chaque cas, il est nécessaire de déterminer le supplément de prix acceptable pour un kilo de réduction de poids mort. Faut-il construire plus léger avec les méthodes habituelles utilisant l’acier ? Est-il rentable d’utiliser les métaux légers pour réduire davantage le poids propre ? Le problème est très complexe. La limite économique pour la réduction du poids est plus difficile à déterminer pour une voiture que pour un wagon. Pour celui-ci, la tare économisée peut être utilisée pour augmenter la charge payante. Dans une voiture allégée, il n’est pas possible, en général, de transporter un plus grand nombre de passagers. Chaque nouvelle construction où l’emploi des métaux légers est en discussion doit donc faire l’objet d’un examen complet de tous les avantages (moins de consommation d’énergie, accroissement de la vitesse commerciale, réduction des frais d’exploitation et d’entretien...) qui peuvent justifier une certaine plus-value.

Vue intérieure d’une voiture de 1re cl. des C.F.F.

Dans les parties auxiliaires de la construction, des avantages autres que ceux provenant du gain de poids apportent souvent une contribution supplémentaire à l’intérêt de l’emploi des alliages d’aluminium. Citons par exemple les qualités décoratives et les facilités d’entretien en ce qui concerne les aménagements intérieurs et les pièces de quincaillerie du matériel à voyageurs, la bonne résistance à la corrosion atmosphérique en ce qui concerne des équipements de wagons fortement exposés aux intempéries.

 Les précurseurs

L’aluminium est utilisé pour la première fois dans la construction ferroviaire en Angleterre :

en 1905, la ligne électrique Liverpool-Southport reçoit des voitures dont le revêtement extérieur est fabriqué en aluminium pur. Ces véhicules se comporteront parfaitement pendant trente ans, malgré une forte corrosion due à l’atmosphère chargée de lourdes fumées acides d’une région industrialisée et à l’air salin venant de la mer.

En 1923, les Etats-Unis expérimentent à leur tour le nouveau métal lorsque l’Illinois Central met en service 280 voitures de banlieue, dans lesquelles on a utilisé, pour les parois et les toitures, six tonnes d’aluminium remplaçant treize tonnes d’acier. Ces voitures sont toujours en circulation.

La même année, en France, les Chemins de fer du Nord mettent en service, pour des trains express, des voitures comportant trois tonnes d’alliage léger pour le revêtement extérieur et certaines parties de l’aménagement intérieur.

En 1924, en Allemagne, un autorail léger est construit pour le Chemin de fer Halberstadt-Blankenburg.

Deux ans plus tard, la Pennsylvania Railroads (U.S.A.) met en service des voitures avec caisse autoportante en alliage léger.

En 1929, le premier véhicule intégralement en aluminium de l’Allemagne, une automotrice, circule sur la ligne Halberstadt-Blankenburg.

La même année, en Suisse, la première application de l’aluminium a pour but d’alléger les locomotives électriques du chemin de fer Viège-Zermatt. Les superstructures de la caisse en « anticorodal » [1], pesant 1.700 kg., ont remplacé 4.100 kg. d’acier. Ces locomotives sont toujours en service.

En 1931, en France, des autorails légers à caisse autoportante en duralumin, les « Paulines », font leur apparition sur les chemins de fer du Midi, tandis que les Chemins de fer de l’Etat mettent en service les 380 voitures de banlieue « Talbot ».

En 1932 apparaissent deux autorails légers allemands à deux essieux construits en « hydronaluminium » (alliage aluminium-magnésium).

En 1933, la France voit sortir les « Michelines », montées sur pneumatiques, les « Présidentielles » Bugatti à grande vitesse et quantité d’autres autorails de diverses marques contenant des alliages légers. La même année voit aussi la création de la rame articulée de banlieue (trois caisses sur quatre bogies) des chemins de fer du Nord, construite entièrement en duralinox et dont la caisse en forme de coquille rigide est fixée sur une poutre centrale en acier.

En 1934 circule la première rame aérodynamique en duralumin de l’Union Pacific (U.S A.).

Wagon canadien frigorifique tout aluminium.

Il s’agit d’une réalisation de conception plus moderne encore, où l’utilisation de profilés spéciaux est particulièrement remarquable.

 A la S.N.C.B.

A la S.N.C.B., l’aluminium fait son entrée en 1935, lors de la mise en circulation des automotrices sur la ligne électrique Bruxelles-Anvers : les portes sont fabriquées en alliage léger.

En 1949 sortent les premières voitures dotées de tubes en métal léger (« anticorodal ») pour les conduites d’air comprimé du système de frein.

Aménagement intérieur d’une automotrice belge type 1954.

En 1955, des automotrices doubles, avec toiture en aluminium, sont mises en service sur la ligne électrifiée Ostende-Liège. Outre la toiture, les porte-bagages, les ossatures de cloison, les supports de banquette, les encadrements intérieurs de fenêtre, toute la quincaillerie, sont aussi en aluminium. Au total, il entre trois tonnes d’alliage léger dans chaque voiture. Pour la toiture seulement, l’allégement obtenu par rapport à une construction en acier est de 1.800 kg.

Rame aérodynamique de l’union Pacific Railroad 1934 avec caisses autoportantes en métal léger.

En 1958, lors de la construction des voitures du type M2, destinées au service intérieur, on recourt à l’aluminium pour la constitution des châssis de fenêtre, des portes extérieures, de certains revêtements, des porte-colis et de la quincaillerie en général. Chaque voiture comporte 2,5 tonnes d’aluminium.

 Tendances actuelles

Au cours de l’été 1960, à Strasbourg, le Centre international de Développement de l’Aluminium (C.I.D.A.) a organisé une exposition européenne de matériel ferroviaire à laquelle ont participé plusieurs grandes administrations de chemin de fer, et notamment la S.N.C.B.

Les visiteurs ont pu se rendre compte des possibilités offertes par les alliages légers dans la construction ferroviaire, ainsi que des dernières réalisations et des tendances actuelles. Ils ont constaté que l’aluminium est surtout utilisé dans la construction du matériel à voyageurs.

Vue prise à l’A.C. Malines d’une toiture d’automotrice rapide 1951 en cours de fabrication ; ossature en Al Mg5 ; revêtement en Al Mg3 fixé par soudure discontinue à l’argon sur l’ossature.

On construit couramment en aluminium des voitures pour les lignes de montagne, pour lesquelles l’économie d’énergie compense facilement la dépense supplémentaire à prévoir pour l’allégement du matériel, ou encore des autorails diesel, pour lesquels le gain de poids permet de réduire de façon sensible la puissance installée. Par contre, pour les voitures classiques à voyageurs, la construction intégrale en aluminium ne s’est encore guère développée. Partout cependant, on fait appel aux alliages légers pour l’aménagement intérieur et la quincaillerie.

Châssis de fenêtre et décoration intérieure d’un compartiment de 2e cl. d’une voiture M3 S.N.C.B. En sous-impression : portes extérieures d’une automotrice 1955.

Quant aux wagons, on constate surtout une tendance à développer l’emploi de l’aluminium pour les ensembles et les organes fortement soumis à corrosion, ou ceux pour lesquels la facilité de manœuvre exige un poids réduit, tels que toitures fixes ou coulissantes, faces et portes coulissantes, silos et citernes, aménagements intérieurs de wagons frigorifiques.

Jusqu’en ces dernières années, il n’avait été que rarement fait appel à l’aluminium dans la construction des locomotives électriques et diesel. Aujourd’hui cependant, on voit certains constructeurs utiliser les alliages légers pour certains éléments de la partie électrique (câbles, jeux de barres, etc.) ou de la partie mécanique (portes, panneaux, planchers, etc.).


Source : Le Rail, septembre 1961

(Photos ALCAN, A.I.A.G. et S.N.C.B.)


[1Alliage d’aluminium qui résiste bien à la corrosion.