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Athus-Meuse, la partie ardennaise de l’axe marchandises Nord-Sud en pleine modernisation

L. Gillieaux - G. Dupont.

vendredi 15 juillet 2022, par rixke

A l’ombre des forêts ardennaises, un important investissement se concrétise jour après jour, depuis tout un temps déjà. Avec une constance et une opiniâtreté bien régionales se réalisent la modernisation et l’électrification des lignes 160 Dinant - Bertrix, 165 Bertrix - Virton - Athus - Rodange et des liaisons Bertrix - Libramont ainsi que Autelbas (Arlon) - Athus. Peu connus du grand public, les travaux entrepris sur ces lignes sont néanmoins très importants pour l’avenir du trafic de la SNCB, spécialement dans le domaine des marchandises mais aussi, d’une certaine manière, dans celui des voyageurs.

 Le plan STAR 21 et les marchandises

Présenté en 1989, le plan STAR 21 de la SNCB montre le rôle important que les chemins de fer peuvent jouer, d’ici l’an 2020, dans l’ensemble des déplacements en Belgique, tant ceux des voyageurs que ceux des marchandises. Il décrit les moyens nécessaires pour que notre entreprise puisse contribuer efficacement à la solution des problèmes de congestion du trafic et d’atteintes à l’environnement provoqués par la mobilité croissante de nos concitoyens. Examiné par les autorités responsables au niveau de l’État fédéral et des Régions, il a été traduit en plans décennaux d’investissements pour les chemins de fer. Celui qui couvre la période 1996 - 2005 a été décidé par le Conseil des ministres en juillet de l’année dernière.

Travaux d’aménagement du tunnel de Furfooz.

Un des objectifs essentiels de ces plans consiste à améliorer les grands axes du transport de marchandises et de ses installations de traitement. En effet, le chemin de fer doit pouvoir occuper une place plus importante dans le transport international des marchandises, en s’affirmant plus nettement face à la concurrence. Pour cela, il importe que la qualité de l’offre ferroviaire soit améliorée, tant en ce qui concerne les capacités de transport que les délais et la fiabilité des acheminements.

En ce qui concerne les axes de transport – dont l’un retient davantage notre attention aujourd’hui –, un réseau de base a été déterminé, en vue d’assurer des relations performantes entre les ports, les bassins industriels du pays et les principaux points frontières, déterminés en accord avec les réseaux voisins. Ce réseau a été étudié entre autres en vue d’éviter les lignes voyageurs importantes, là où c’est possible. Nous avons cité ces lignes en présentant les éléments essentiels du plan décennal d’investissements 1996-2005. Rappelons-en cependant les axes principaux, lesquels font l’objet de diverses modernisations et améliorations en vue de pouvoir atteindre les objectifs évoqués ci-dessus.

  • Zeebrugge - Gand - Malines - Louvain - Aarschot - Hasselt - Visé - Montzen ;
  • Anvers - Lierre - Aarschot - Hasselt - Visé - Montzen ;
  • Anvers - Lierre - Aarschot - Louvain - Ottignies - Fleurus - Charleroi - Erquelinnes ;
  • Anvers - Lierre - Aarschot - Louvain - Ottignies - Fleurus - Namur - Dinant - Bertrix - Virton - Athus ;
  • Erquelinnes - Charleroi - Namur - Liège - Visé - Montzen.

 L’axe Nord-Sud

Cet axe est destiné aux convois de marchandises circulant entre, d’une part, la zone des ports et le bassin de Charleroi, d’autre part, le grand-duché de Luxembourg, l’est de la France, la Suisse ou l’Italie.

Si, historiquement, le trafic se composait pour une bonne part de trains de minerais pour la sidérurgie, les changements de méthodes de production ont conduit à la diminution de ce type de marchandises.

Heureusement, en compensation, on note une croissance régulière du trafic combiné : conteneurs et remorques de camions sont transportés sur des wagons adaptés. Grâce à sa capacité d’associer différents modes de transport – dont, entre autres, la route et le rail –, le transport combiné est considéré comme une filière d’avenir et ses progrès sont suivis avec intérêt, voire encouragés par les autorités dans les différents pays, entre autres de par ses avantages en termes de respect de l’environnement et de sécurité des circulations.

Parallèlement, on note aussi le développement du trafic classique, avec les wagons isolés regroupés en trains rapides et performants, circulant entre autres sous la marque de qualité « EurailCargo ». Tel est le cas du train « Interdelta » qui relie la Belgique à l’axe rhodanien, au sud de Lyon. S’y ajoutent encore le trafic de produits pétroliers vers la Suisse et celui des produits métallurgiques vers l’Italie. Et tout cela sans oublier le trafic engendré tout au sud de la province, dont celui du terminal de trafic combiné d’Athus ou encore, celui de l’entreprise Cellardennes, spécialisée dans la transformation des composants du bois.

Dans le cadre des objectifs précités, le développement de l’axe nord-sud a été étudié afin d’éviter au maximum la conjonction entre le trafic marchandises et celui des lignes principales du trafic voyageurs. C’est ce qui explique l’itinéraire qui, d’Anvers à Ottignies, passe, soit par Malines, soit par Lierre et Aarschot, puis via Louvain et la ligne de la vallée de la Dyle.

Notons, en ce qui concerne la sortie des installations ferroviaires desservant le port d’Anvers, qu’une étude est actuellement en cours en vue de la doter d’un second itinéraire. L’actuel quitte la formation d’Anvers-Nord et rejoint la ligne 12 (Anvers-Essen) à hauteur d’Ekeren, pour gagner ensuite Anvers-Est et Berchem, où le trafic peut être dirigé soit vers Lierre-Aarschot, soit vers Malines. La seconde liaison augmenterait fortement la capacité d’accès ferroviaire au port et garantirait en même temps une sécurité de desserte vraiment bienvenue en cas d’obstruction inopinée de l’actuel itinéraire vers les installations. L’étude déterminera le meilleur endroit où, dans les environs de Lierre, cette nouvelle liaison rejoindrait les axes marchandises est et sud-est encore en tronc commun à cet endroit.

D’Ottignies vers le sud via Namur

L’option de séparer au maximum le trafic voyageurs du trafic marchandises se justifie tout particulièrement là, car l’itinéraire Bruxelles - Namur - Luxembourg forme, de tout le réseau, la ligne la plus longue, la plus accidentée géographiquement parlant et la plus diversifiée en trafic. Y assurer la régularité des circulations n’est donc pas chose aisée, surtout si l’on tient compte du climat rigoureux de l’Ardenne à la mauvaise saison.

Le choix effectué consiste donc à retirer au maximum le trafic marchandises de cet axe. Entre Ottignies et Namur, dans le sens nord-sud, le trafic circulera tout d’abord sur la ligne 139 Ottignies - Charleroi jusqu’à Fleurus. De là, il empruntera la ligne 147 Fleurus - Tamines remise en exploitation et rejoindra la ligne 130 Charleroi - Namur, via un nouveau raccordement à établir entre Tamines et Auvelais. De la sorte, les trains de marchandises éviteront la dure rampe située entre Ottignies et Mont-Saint-Guibert, qui impose de limiter les charges remorquées à 800 tonnes par locomotive.

Dans l’autre sens, les trains quitteront Namur via la ligne 130 jusqu’au-delà de Moustier. De là, selon les types de trains, ils emprunteront, soit la ligne 144 jusqu’à Gembloux où ils gagneront Ottignies via la ligne 161, soit les lignes 130, 147 et 139, dans le sens inverse de celui évoqué ci-dessus.

Cette séparation des trafics engendrera des gains de régularité tant pour les trains de voyageurs que pour les convois de marchandises. De plus, l’emprunt de ces itinéraires permet de rentabiliser les importants investissements prévus pour le nouveau grill de Namur, dont le tunnel pour les convois de marchandises à l’emplacement des actuelles voies 1 et 2, destiné entre autres à limiter les effets sonores durant la traversée de la zone de la gare couverte par la dalle en construction.

Au-delà de Namur, les trains de marchandises circuleront via la ligne 154 Namur - Dinant, électrifiée en 1990.

Ils accéderont alors à la ligne Athus -Meuse actuellement en cours de modernisation et d’électrification.

 De Dinant a la frontière luxembourgeoise

Choix des investissements

De manière à permettre à cet axe de remplir au mieux sa fonction principale d’acheminement du trafic marchandises, les options suivantes ont été retenues :

  • Maintien de la double voie sur la totalité du trajet (sauf sur le viaduc au-dessus de la Meuse à Anseremme, dans les tunnels de Houyet et de Gedinne, ainsi qu’à hauteur du tunnel de Lahage près de Florenville), afin d’offrir partout une capacité optimale ;
  • Renouvellement de la voie et du ballast pour que les trains de marchandises lourds puissent, à moyen terme, circuler sans restrictions à la vitesse de 120 km/h sur la plus grande partie de l’itinéraire ;
  • Dégagement d’un gabarit plus généreux – dit « W 400 » –, afin d’offrir un maximum de possibilités quant aux dimensions des chargements marchandises à acheminer ;
  • Réalisation d’un raccord direct entre Aubange et la ligne CFL vers Rodange, afin d’éviter le rebroussement de tous les trains en gare d’Athus. Cette liaison directe, pouvant être parcourue à 90 km/h, a été mise en service en septembre 1994, ce qui a permis un gain de temps d’une demi-heure pour tous les trains ;
  • Modernisation de la signalisation par l’emploi de systèmes modernes et performants, permettant un excellent débit dans des conditions de sécurité optimales et d’exploitation économique ;
  • Électrification de l’axe et des antennes vers Libramont et Autelbas en faisant appel au système le mieux adapté aux caractéristiques de la ligne et de son exploitation future.

La mise en service complète de l’axe Athus-Meuse est prévue pour l’an 2001. L’investissement aura représenté une valeur totale de 6 milliards 400 millions de francs (valeur 1995), se répartissant à raison de 3 milliards 400 millions pour les opérations de modernisation et de 3 milliards pour l’électrification proprement dite.

Fibres optiques et télécommande de la signalisation

Les télécommunications utiliseront des câbles à fibres optiques, qui équiperont la ligne de Dinant à Athus ainsi que la section de liaison entre Bertrix et Libramont. Ces câbles véhiculeront toutes les informations nécessaires à l’exploitation de la ligne : téléphonie, signalisation, télécommande des sous-stations et des postes de sectionnement, etc. En matière de signalisation, la SNCB a mis à profit les progrès de la technique, pour prévoir une concentration de la commande des circulations dans un poste électronique à commande informatisée. Ce poste, situé à Bertrix, commandera l’ensemble de la liaison depuis la sortie d’Anseremme, près de Dinant, jusqu’à Athus. Il sera en effet à même de télécommander les liaisons de contre-voie de l’axe ainsi que les deux postes tout-relais récents situés à Virton et à Athus, pour la desserte des installations locales.

Électrification : le 25 000 volts alternatif

Après une étude économique des diverses possibilités, il a été jugé préférable d’électrifier la ligne plutôt que de prévoir une exploitation marchandises en mode diesel, ce qui aurait nécessité l’acquisition d’un parc diesel de grande puissance et pratiquement réservé à la desserte de l’axe.

Travaux de pose de poteaux caténaires

Quant à la tension, c’est celle du 25 000 volts alternatif qui a finalement été retenue, compte tenu des économies que ce courant permet en matière d’armement de la caténaire et de dimension des sous-stations.

Cette solution implique bien entendu la commande de locomotives électriques bitension (3 000 volts continu/25 000 volts alternatif), les futures locomotives de la série 13. En effet, l’exploitation optimale des trains de marchandises requiert que ceux-ci parcourent les plus longues distances possibles sans changement de locomotive. Or, si l’axe Athus-Meuse sera électrifié en 25 000 volts alternatif, la ligne 154 Namur - Dinant, ainsi que les lignes situées au nord et à l’ouest de Namur, et d’autres encore que ces trains parcourront aussi (voir ci-dessus) sont ou seront électrifiées en 3 000 volts continu, qui est la tension du réseau « classique » de la SNCB. D’où la nécessité de ces locomotives bitension.

Par ailleurs, le choix de telles locomotives se justifiait aussi pour plusieurs autres raisons. Tout d’abord, ces motrices pourront continuer à acheminer les trains sur les lignes 25 000 volts du réseau luxembourgeois jusqu’à la gare de formation de Bettembourg, voire au-delà jusqu’à Metz, ce qui améliorera l’utilisation du matériel. En outre, le parc de locomotives bicourant sera appelé à assurer divers services 3 000 V/25 000 V sur d’autres relations entre la Belgique et la France ou sur la section de ligne à grande vitesse Louvain - Ans, où elles tracteront les futurs IC Ostende - Eupen à 200 km/h sous 25 000 volts. Enfin, cette solution intéressait aussi les CFL, dans la mesure où cela leur permettait d’envisager une commande commune de locomotives avec la SNCB, pour remplacer leur parc existant arrivé à la limite d’usure par des locomotives aptes à circuler sur toutes leurs lignes.

L’électrification en 25 000 volts de l’axe Athus - Meuse impliquera la création de zones de séparation aux endroits de relais avec le 3 000 volts. Celles-ci seront situées à la sortie d’Anseremme, près de Bertrix en direction de Libramont, et à proximité d’Athus sur la ligne Autelbas - Athus. Cette ligne ainsi que la section Bertrix -Libramont seront aussi électrifiées, mais en 3 000 volts.

L’alimentation de l’axe s’effectuera au départ de deux sous-stations situées à Houyet et à Virton.

Ouvrages d’art

Les passages supérieurs et les tunnels sont adaptés au gabarit électrique mais aussi, comme indiqué plus haut, pour dégager le gabarit marchandises dit « W 400 ». Celui-ci permet le passage de trains chargés de conteneurs dits « standard » ou de trains du trafic « rail-route » transportant des semi-remorques de 4 mètres de haut et de 2,6 mètres de large, chargées sur des wagons à poche spécialisés (du type « kangourou »). L’entrevoie est également portée à 2 m 10 à l’occasion des opérations de renouvellement des voies. De nombreux passages inférieurs sont aussi renforcés pour autoriser le passage du trafic lourd à la vitesse de référence de l’axe : 90 km/h de Dinant à Beauraing ; 120 km/h de Beauraing à Athus.

Le viaduc d’Anseremme, sur la Meuse, est lui aussi modernisé, certains tabliers étant remplacés et d’autres rénovés selon une technique déjà utilisée pour le viaduc sur la Meuse à Visé. Cette opération s’est effectuée au printemps de cette année, ce qui a impliqué une interruption provisoire des circulations de fin avril à la mi-mai entre Dinant et Anseremme.

Une autre suspension du trafic, prévue pour octobre et novembre de cette année entre Dinant et Beauraing, permettra quant à elle de réaliser la mise à voie unique du tunnel de Houyet et l’adaptation des deux ponts situés entre celui-ci et la gare. En effet, la configuration des lieux et l’économie du projet impliquent cette solution pour dégager le gabarit électrique dans le tunnel.

Au total, à la fin des travaux, pas moins d’une cinquantaine d’ouvrages d’art auront été adaptés, de même que 9 tunnels entre Dinant et Virton.

 Trafic voyageurs

La desserte voyageurs sera maintenue entre Dinant, Bertix/Libramont et Virton, comme actuellement. Les gares d’Anseremme, Houyet, Beauraing, Gedinne, Bertrix, Florenville et Virton conserveront du personnel affecté à la vente des titres de transport. Quant au matériel destiné à circuler sur la relation, il est prévu de remplacer les autorails quadragénaires existants et appartenant aux séries 44 et 45 par de nouveaux autorails à l’étude, ceux de la future série 41.

Des postes de signalisation appelés à devenir des objets de musée. Ici, celui de Paliseul

Cette solution peut à première vue paraître surprenante, puisque la ligne va être électrifiée. Il ne faut toutefois pas oublier que, compte tenu des objectifs poursuivis pour le trafic marchandises, la tension retenue est le 25 000 volts alternatif. La desserte voyageurs par automotrices impliquerait dès lors l’emploi d’automotrices bitension pour rejoindre les gares encadrantes (Dinant, Libramont...).

Certes, de telles automotrices sont en cours de construction – une partie des AM 96 –, mais il s’agit d’automotrices triples à grande capacité, dont l’utilisation sur ces lignes ne serait économiquement pas justifiée, compte tenu du niveau du trafic et des schémas de desserte. Il a dès lors été jugé plus avantageux d’utiliser là une partie du nouveau parc d’autorails diesel étudié pour la desserte voyageurs future des lignes non électrifiées ou dont certaines sections ne le sont pas.


Source : Le Rail, juillet 1997