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Les métiers du Rail : le commis du mouvement (6)

Fanthomas.

mercredi 1er juin 2016, par rixke

Ce vendredi 12 avril, j’ai repris mon bâton de pèlerin et me suis attaché aux pas d’un commis du mouvement, Jean-Pierre.

Si l’on veut bien prendre la peine de vérifier la signification du terme commis, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une personne qui occupe des fonctions subordonnées dans des lieux ou à des tâches les plus variés. Le commis de magasin, de ferme ou de bureau côtoie le commis aux vivres, le commis voyageur ou le commis-greffier. Ne parle-t-on pas aussi de ces « grands commis de l’Etat », en insistant sur le rôle important qu’ils jouent dans les multiples rouages d’une administration ? Cette dénomination a donc bien des facettes. Les chemins de fer, où l’on rencontre des commis de factage, d’exploitation, du mouvement, aux écritures, n’échappent pas à cette règle. Mon propos de ce jour est de vous entretenir du métier de commis du mouvement tel que nous l’entendons dans notre Société qui s’apprête, par ailleurs, à réviser cette appellation. Et vous verrez que les responsabilités qu’assume notre témoin de ce jour, bien que peu apparentes, de prime abord, ne sont pas des plus minces.

Notre ami Jean-Pierre assure le service n°5 à la gare de Nivelles (2e classe). Aujourd’hui, il travaille de 6 à 14h, au bureau du régulateur (encore une fonction à décrire un de ces jours), quai 2. Soyons précis. Tel un concierge, il « fait » l’ouverture et pénètre dans le Saint des Saints : un petit coup de fil à la cabine de Baulers, vite fait, bien fait, pour connaître ses heureux collègues ; quel sous-chef en cabine et quel signaleur auront le plaisir de partager sa journée ?

Ensuite, notre homme consulte l’E 800, formulaire sur lequel le chef de gare consigne le déroulement de la journée. Y sont repris, notamment, le nom des agents en service (personnel de surveillance, de factage et de triage), les travaux à effectuer, les places à réserver...

L’E 800 fait un peu office de journal de bord prévisionnel. Enfin, Jean-Pierre s’assure que le guichet des voyageurs est bien ouvert. Ça fait mieux quand il y a de la clientèle.

Ça, ce sont les prémices de la journée. Histoire de se réchauffer, de s’assouplir. Quid du boulot proprement dit ?

Au risque de me répéter, je le trouve similaire à celui d’un concierge, il est en quelque sorte l’oreille et la vue de la gare. Vous allez comprendre pourquoi.

Outre une mission générale de surveillance - très importante dans une gare où la sécurité est primordiale - Jean-Pierre contrôle tout ce qui bouge ! Il effectue les annonces de trains via les micros. Plutôt gai. Il veille à ce que les correspondances soient bien assurées entre les trains. Moins drôle, en cas de pépin... Il est en relation continue avec le D 71 - dispatching de Charleroi - le D 16 - celui de Bruxelles - et le répartiteur ES (encore une activité à spécifier). N’oublions pas que Nivelles est le point de jonction entre les zones dispatchées respectivement par Bruxelles et par Charleroi. Le passage de l’une à l’autre doit être harmonieux. Il annote aussi toutes les heures d’arrivée et de départ de tous les trains et complète éventuellement le E 807 (formulaire de justification des retards des trains) pour les trains dont le retard s’est produit dans la gare.

Pour en revenir au vendredi en question, l’heure de pointe n’est pas celle que vous croyez : le premier train (le E 1528) arrive à 6h pétantes et démarre à 6h02 exactement pour Bruxelles. Pas question pour Jean-Pierre de lambiner et de se poser des questions sur l’être et le néant. Dans le bain, tout de suite. De plus, ce jour-là, l’horaire de certains trains a dû être modifié, consécutivement à une détresse survenue entre Bruxelles et Nivelles. Jean-Pierre a fourni ainsi au conducteur et au chef de train un nouvel horaire, établi en collaboration avec le dispatch, avec des nouveaux arrêts à respecter : en corollaire, il a diffusé par micro de nouvelles informations aux voyageurs.

D’autres missions attendent notre homme : quotidiennement, par exemple, à heure fixe, il se rend au bureau des recettes pour y percevoir les revenus des guichets, mis au frais depuis la veille par l’agent qui a effectué le service l’après-midi, il confie le précieux butin à un agent des recettes du bureau du receveur, contre décharge, cela va de soi.

Il collecte aussi des informations du réseau entier via le télex : elles concernent des réservations de places, les incidents de parcours, la composition des rames, que sais-je encore ? Ce n’est de toute façon pas le plus important, pour lui. Les mercredis sont consacrés à la vérification sommaire des aiguillages et de toutes les installations en général. En résumé, Jean-Pierre est le trait d’union entre la cabine et le personnel de conduite et d’accompagnement des trains. D’où sa qualification de commis « du mouvement ».

Ce boulot n’a rien de très spectaculaire. Que voulez-vous, il en va ainsi de certaines professions dont l’efficacité est indiscutable mais qui sont bien discrètes ! Un peu comme ce joueur de foot qui fait la liaison entre les lignes. Retirez-le du jeu et toute l’équipe s’écroule. Notre collègue exerce sa mission aussi bien à Baulers qu’à Nivelles, par pause de 3 x 8h dans la première gare et en compagnie obligatoire d’un signaleur ; de 6 à 14h ou de 14 à 22h dans la seconde.

La formation d’un commis du mouvement consiste en une période de cours (9 mois) au centre d’instruction régional de Namur en l’occurrence, répartie en trois cycles : cycle factage, cycle commercial et cycle mouvement. A l’issue de cette instruction théorique, l’agent est soumis à un examen. En cas de réussite, le lauréat poursuit un stage destiné à mettre en pratique, sur le poste occupé, ses connaissances : étude de la cabine, des installations de la gare et de ses particularités, de la consigne locale. Cet écolage est sanctionné par une interrogation orale, menée par un inspecteur du mouvement et un chef de gare.

Ce stage s’étale sur une quarantaine de jours environ.

Voilà brièvement brossé le métier de Jean-Pierre et de ses collègues, qui n’est pas sans rappeler la tâche invisible de nos amies les fourmis.


Source : Le Rail, juin 1991