Accueil > Le Rail > Matériel roulant > Les nouvelles voitures et automotrices pour le service intérieur
Les nouvelles voitures et automotrices pour le service intérieur
L. Gillieaux.
mardi 25 avril 2023, par
Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]
Notre entreprise poursuit très activement sa modernisation. Parallèlement au projet TGV, elle consacre aussi un très important budget à l’amélioration du réseau existant et des services qu’elle propose. Un des principaux investissements en cours porte sur l’acquisition d’un nouveau matériel voyageurs, de grand confort pour le service intérieur. Faisons le point sur l’avancement de ce projet portant sur 163 nouvelles voitures et 120 nouvelles automotrices triples.
La recherche d’un nouveau confort
Nous le savons, nous devons offrir à notre clientèle un service qui répond à ses attentes. Or, dans le monde d’aujourd’hui, la grande majorité de nos clients utilise aussi d’autres modes de transports, dont les voitures, les autocars, les avions, etc. Et l’on sait que les normes de confort ont beaucoup évolué ces dernières années pour plusieurs de ces autres modes. Par ailleurs, au moment où les frontières intérieures de l’Union européenne disparaissent de plus en plus, nous devons également observer que les réseaux voisins améliorent aussi le confort du matériel qu’ils mettent à la disposition de la clientèle.
La SNCB ne pouvait donc être en reste au moment de passer une importante commande de matériel, nécessaire pour le remplacement de voitures et automotrices acquises en général durant les années cinquante.
C’est pourquoi, après une analyse approfondie des besoins et possibilités, il a été décidé fin 1992, d’acquérir un nouveau parc de matériel qui, tant pour les voitures que les automotrices, offrirait un excellent niveau de confort, apte à répondre aux attentes de notre clientèle dans les années à venir. En outre, le nouveau matériel intègre plusieurs innovations techniques qui facilitent et rationalisent son exploitation, entraînant ainsi des économies fort appréciables pour notre entreprise.
Caractéristiques principales
L’aménagement intérieur des voitures et des automotrices triples sera pratiquement identique, afin d’offrir le même confort aux voyageurs, quel que soit le type de matériel qu’ils empruntent, mais aussi pour rationaliser tant la construction de ce nouveau matériel que son entretien.
Les nouvelles voitures et automotrices se veulent très accueillantes pour les voyageurs :
- Ceux-ci disposeront de sièges individuels recouverts de tissus, tant en première qu’en seconde classe ;
- La disposition des sièges est de 2 + 1 en 1re classe (contre 2 + 2 actuellement) et de 2 + 2 en 2e classe (contre 2 + 3 dans la plupart des cas actuellement) ;
- Des lampes de lecture individuelles seront installées en 1re classe ;
- Environ 40 % des sièges sont disposés en vis-à-vis, le reste l’étant en file ;
- Le pas entre les sièges a, dans les voitures, été augmenté de 10 cm pour être porté à 2 mètres tant en 1re qu’en 2e classe, ce qui accroît d’autant l’espace disponible pour les voyageurs et leur permet d’étendre davantage leurs jambes ;
- La climatisation sera installée dans tous les véhicules ;
- La proportion fumeurs/non fumeurs est ramenée à 20/80 alors qu’elle était de 30/70 environ dans les précédents véhicules de construction récente, la moyenne générale du parc existant se situant quant à elle aux alentours de 35/65 ;
- Les portes entre plates-formes et compartiments intérieurs sont entièrement vitrées et à ouverture et fermeture automatiques ;
- Le niveau intérieur d’insonorisation est particulièrement soigné, grâce à l’utilisation de matériaux absorbant très fort le bruit et au placement d’un double vitrage spécifique ;
- L’information des voyageurs est particulièrement traitée au moyen de panneaux électroniques situés au-dessus des portes d’accès aux compartiments et permettant l’inscription de différents messages brefs (à l’instar de ce qu’on peut voir sur les TGV). De même, des panneaux électroniques d’information seront aussi intégrés aux flancs des véhicules, qui ne devront donc plus porter de plaques d’itinéraire. Bien entendu, les véhicules disposeront aussi d’une installation de sonorisation permettant au personnel d’accompagnement de diffuser des messages vocaux en fonction des besoins ;
- Des cabines téléphoniques seront installées dans les véhicules de première classe ;
- Les voyageurs auront à leur disposition un bouton leur permettant d’appeler le personnel. De plus, un système d’alarme incendie spécifique pourra également être utilisé, outre – bien entendu – le signal d’alarme classique existant ;
- A l’instar de ce qui existe déjà sur certains véhicules récents, les voitures-pilotes (de 2e classe) et les voitures 1re classe des automotrices seront équipées de deux fauteuils repliables, permettant de placer un siège roulant ;
- Les toilettes sont d’une conception entièrement nouvelle. Elles consistent en un module spécifique exécuté en polyester et fonctionnent en circuit fermé, les réservoirs de retenue étant vidangés tous les trois jours. Ces toilettes sont aussi équipées d’un sèche-mains électrique ainsi que d’un lavabo dont le robinet se met en marche ou s’arrête selon que les mains s’en approchent ou s’en éloignent, grâce à un système de détection par infrarouge, ce qui permet d’éviter tout contact entre les mains et le robinet.
Enfin, une toilette spéciale pour handicapés a été prévue par automotrice ainsi que dans une des catégories de voitures (les voitures-pilotes – voir ci-dessus). Ces toilettes seront aussi équipées d’un bouton permettant un appel à l’aide.
Par ailleurs, relevons que les housses de sièges pourront être enlevées de la base du siège, ce qui simplifiera les opérations de nettoyage et d’entretien et accroîtra leur efficacité. Dans cette même optique, il a également été prévu que les sols des véhicules seraient garnis d’un revêtement caoutchouté, lui-même recouvert d’un tapis dans les véhicules de 1re classe.
Notons encore, parmi les nouveautés, que les bogies des voitures et certains bogies porteurs des automotrices seront équipés de patins de frein magnétique, pour les cas de freinage d’urgence. En action, ceux-ci s’appliqueront sur les rails et seront parcourus par un courant continu. L’effort de freinage du train sera accru et l’adhérence des essieux suivants en sera également augmentée. De plus, chacun des essieux sera équipé d’un système de type ABS contrôlant automatiquement le roulement de l’essieu en freinage et prévenant toute amorce d’enrayage. En outre, les appareillages électroniques gérant les divers équipements installés à bord (entre autres, système ABS, convertisseur statique, climatisation) « mémoriseront » les diverses anomalies de fonctionnement constatées, afin qu’elles soient lues au poste d’entretien au moyen d’un ordinateur portatif, ce qui facilitera d’autant leur détection et, partant, leur traitement.
163 voitures
Les 163 voitures – dénommées « type 11 » – commandées auprès de BN (division de Bombardier Eurorail) et des Acec se répartissent en
- 36 de première classe (A) offrant 60 places ;
- 106 de seconde classe (B) offrant 80 places ;
- 21 voitures-pilotes de seconde classe (58 places) avec fourgon à bagages.
L’acquisition de voitures-pilotes permet de composer des trains tractés-poussés, ce qui offre d’importants gains de temps aux terminus, en évitant les opérations de retrait et de remise en tête d’une locomotive, surtout dans le cas de gares en cul-de-sac. Ces voitures seront affectées aux relations Charleroi - Anvers et Eupen - Ostende. Comme il est prévu que les trains de cette dernière relation emprunteront à terme plusieurs sections qu’ils pourront parcourir à 200 km/h (la ligne nouvelle à grande vitesse entre Ans et Louvain, les sections Bruxelles - Gand et Gand - Bruges de la ligne Bruxelles - Ostende qui seront adaptées pour cette vitesse), les voitures I11 seront donc aptes à la vitesse de 200 km/h.
Les premières voitures seront livrées dans le courant de l’an prochain, leur mise en service commercial étant prévue en 1996. La livraison de l’ensemble des voitures s’échelonnera quant à elle jusqu’à l’été 1997.
120 automotrices à la pointe de l’innovation
En même temps que les voitures I11, 120 automotrices électriques triples ont été commandées auprès de BN et des Acec. Ces automotrices – du type AM 96 – offriront au total 212 places assises, dont 45 en première classe.
Compte tenu des relèvements de vitesse qui sont prévus au cours des prochaines années sur différentes lignes de notre réseau, leur vitesse maximale a été fixée à 160 km/h.
Une présérie de cinq automotrices sera livrée entre septembre et décembre 1995, pour être soumise à un programme de tests intensifs. La livraison du reste de la série s’étalera ensuite de septembre 1996 à mai 2000.
Monocourant et bicourant
Les nouvelles automotrices triples présenteront plusieurs caractéristiques résolument novatrices. Ainsi, 50 des 120 automotrices commandées seront des bicourant, aptes à circuler aussi bien sous 3 000 volts en continu – la tension de la plupart des lignes de notre réseau – que sous 25 000 volts en alternatif, tension utilisée dans le nord de la France, dans une partie du grand duché de Luxembourg ainsi que sur certaines lignes en Belgique comme, par exemple, la section belge de Tournai - Lille. De ce fait, ces automotrices pourront être progressivement mises en service sur certaines relations qui, par exemple, pourraient avoir Lille pour destination via Courtrai ou Tournai selon le cas.
Technologie ultramoderne
Première pour la SNCB : les AM 96 seront équipées de moteurs électriques asynchrones à courant alternatif (voir encadré), selon le même principe fondamental que ceux des Eurostar ainsi que de certains engins modernes allemands (entre autres les ICE). Outre cette innovation, les nouvelles AM seront équipées d’office du nouveau système de signalisation TBL 2. Celui-ci augmente encore la sécurité en reproduisant dans la cabine de conduite les informations relatives à la signalisation, qui sont transmises par les balises situées dans la voie parcourue.
Les AM 96 seront également équipées d’appareillages électroniques – bien sûr plus nombreux que sur les voitures – mémorisant aussi les anomalies, en vue d’automatiser leur détection et donc d’améliorer l’efficacité générale des interventions sur le matériel.
Un nez « à la danoise »
Ce sera sans contexte l’innovation la plus spectaculaire de ces automotrices. Elles seront en effet dotées de l’intercirculation entre automotrices, qui sera réalisée selon un procédé entièrement neuf pour la SNCB. La formule retenue est en effet largement inspirée de celle appliquée sur les autorails diesel rapides IC 3 des Chemins de fer danois, dont on a pu admirer un exemplaire à Schaerbeek fin avril et début mai 1992, lors de l’exposition des trains à grande vitesse liée au congrès Eurailspeed ’92. La face frontale des IC 3 est constituée d’un large et volumineux boudin de caoutchouc qui entoure la paroi avant. Celle-ci protège le poste de conduite central qui dispose d’une baie vitrée également centrale. Cette disposition s’applique lorsque l’unité circule seule ou pour les faces extrêmes à l’avant et à l’arrière d’un train composé de plusieurs unités.
Par contre, lorsque deux unités sont accouplées, les boudins se compriment l’un contre l’autre et forment un joint étanche tandis que les parois frontales se rabattent intégralement à l’intérieur de l’engin en escamotant aussi le poste de conduite contre la paroi de l’automotrice. Une intercirculation centrale spacieuse est ainsi réalisée tant pour les voyageurs que pour le personnel de contrôle et, le cas échéant de ravitaillement.
Les avantages de cette formule, simple à mettre en œuvre, apparaissent donc importants, tant pour le service offert à la clientèle que pour la gestion optimale du personnel d’exploitation. De plus, le personnel de conduite dispose d’un poste de conduite beaucoup plus spacieux que dans les anciennes automotrices doubles à intercirculation, puisqu’il occupe toute la face avant du train quand il est déployé. Ce poste de conduite sera lui aussi climatisé.
L’intercirculation « totale »
Autre innovation qui sera sans nul doute appréciée par les voyageurs comme par le personnel : l’intercirculation dite « totale » entre les trois voitures composant chaque automotrice. En effet, celles-ci seront reliées par une structure métallique articulée, imperméable et isolée tant acoustiquement que thermiquement. Cette formule permet, un peu comme sur les TGV Atlantique et Réseau, de ne plus avoir de porte d’extrémité de voiture et de disposer d’un plancher quasiment continu, ce qui facilite grandement les mouvements des voyageurs comme le passage du personnel d’accompagnement ou la desserte par minibar.
A n’en pas douter, voilà une nouvelle génération de matériel qui, voiture ou automotrice, se révélera très attrayante pour les voyageurs du service intérieur et leur donnera une nouvelle envie de prendre le train !
De façon schématique, le moteur asynchrone à courant alternatif se présente sous la forme d’un cadre métallique creux comportant un cylindre interne mobile. Le cadre métallique creux – le stator – est équipé de bobines alimentées par un courant alternatif triphasé créant un champ électromagnétique tournant. Le cylindre interne monté sur roulement à billes – le rotor – est entraîné par ce champ magnétique tournant et se met à tourner. Ce rotor entraîne à son tour les roues via la transmission. Si les utilisations industrielles d’un tel moteur sont bien connues, son application à la traction ferroviaire, avec tout ce que cela suppose comme variation de vitesse et de charge, requiert un « pilotage » qui fait largement appel aux techniques de l’électronique et de l’informatique, pilotage qui a pu être mis au point grâce aux progrès réalisés ces dernières années dans ces domaines. Par ailleurs, du point de vue de sa construction et de son entretien, le moteur asynchrone constitue sans doute le type de moteur le plus avantageux. |
Source : Le Rail, août 1994