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Utrecht : du char à bancs au TGV

Hendrik Hayen.

mercredi 26 avril 2023, par Rixke

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Utrecht centraal station : terminus pour les voyageurs désireux de visiter le musée des chemins de fer d’Utrecht.

Voyageurs dont je fais partie. Ne m’étant jamais aventuré aussi loin dans les Pays-Bas, je m’informe auprès d’une gente dame de l’itinéraire à suivre pour atteindre ce musée. J’ai le choix, me dit-elle, entre un trajet d’une dizaine de minutes en autobus (n° 3, direction P + R Galgenwaard, arrêt Maliebaan) ou une balade à pied d’une demi-heure à travers la vieille ville.

J’opte bien sûr pour la promenade, laquelle ne me décevra pas. Je découvre une vieille cité aux canaux et ruelles enchanteurs, que domine le dôme. Je flâne avec plaisir dans le « quartier des musées », ainsi dénommé parce qu’il abrite le « Centraal Museum », le « Rijksmuseum », le Couvent Catherine, le Musée national des carillons et orgues de Barbarie, le « Universiteitsmuseum » et enfin le Musée des chemins de fer hollandais. Tous ces musées, dont les collections sont très différentes, sont installés dans de beaux bâtiments historiques. Pour plus d’informations, je vous renvoie au bureau de tourisme : VW-kantoor, Vredenburg, 90 à Utrecht.

 Le musée des chemins de fer

L’idée de consacrer un musée au patrimoine ferroviaire national remonte à 1910. Mais il fallut attendre 1927 pour porter la Fondation du musée des chemins de fer hollandais sur les fonts baptismaux... et 1953 pour dénicher le bâtiment pour l’accueillir. Tout naturellement, c’est une gare qui fut choisie, celle de Utrecht Maliebaan, construite en 1874. C’était une gare de marchandises et de voyageurs importante avant que Utrecht CS ne l’ombrage dans les années trente. Le succès du musée ne se fit pas attendre : en 1963, il accueillait 100 000 visiteurs.

En 1975, une deuxième marquise fut installée. Dans les années quatre-vingt, un nouveau bâtiment fut construit. La collection d’origine (celle de G. W. van Vloten, un fonctionnaire des chemins de fer) s’enrichit entre-temps considérablement.

En 1989, à l’occasion du 150e anniversaire des chemins de fer hollandais, le musée fut complètement rénové et réaménagé. Le 7 juin de la même année, on l’inaugurait et depuis, il reçoit annuellement la visite de 165 000 personnes, dont la majeure partie pendant les périodes de vacances scolaires.

Ces visiteurs viennent en majorité des Pays-Bas. La renommée du musée atteint peu l’extérieur du pays car la publicité vers l’étranger coûte trop chère.

Et Amsterdam est un redoutable adversaire en matière de tourisme.

 Innovation et pédagogie

Jusqu’en 1989, le musée était principalement fréquenté par des fanatiques du chemin de fer. Il était trop académique. Les nouvelles installations ont privilégié les aspects historique et culturel du développement des transports publics, depuis le char à bancs et la péniche jusqu’au TGV.

Afin de réaliser cet objectif dans une gare composée d’un hall central et de deux ailes identiques, les architectes ont conçu un pont qui enjambe le hall et qui permet aux visiteurs l’accès à l’exposition extérieure sans gêner ceux de l’exposition intérieure. Les concepteurs Konald Janssen et Paul Mijksenaar ont aussi joué sur des effets d’espace, en recouvrant les vitrines d’exposition du hall de verres transparents, de telle sorte qu’on peut en admirer l’intérieur depuis le fameux pont.

Les matériaux utilisés sont en rapport avec le chemin de fer : acier, béton, verre armé. De la gare même, monument classé, ne restent que les murs extérieurs.

Pour l’aménagement du musée, les concepteurs se sont basés sur cinq périodes historiques, révélées sous leurs aspects humain, technique et social. Les collections plus ou moins complètes sont présentées comme des entités autonomes. Elles concernent les casquettes de conducteurs, les affiches et les maquettes de pont.

 Visite guidée

Sitôt en possession du ticket d’entrée, on pénètre dans la première salle où une péniche – de la génération des chemins de halage – renseigne le visiteur sur le transport public en Hollande avant l’arrivée des chemins de fer.

L’histoire de ceux-ci est proposée en douze minutes sous la forme d’un reportage de diapositives. La découverte se poursuit en longeant une série de vitrines qui racontent la création et l’évolution des chemins de fer hollandais et la vie quotidienne des cheminots. Un modèle réduit de la locomotive « Rocket loc 1829 » illustre le travail d’une machine à vapeur. Un bureau d’origine qui semble avoir été abandonné à l’instant rappelle les fondements juridiques des chemins de fer. Aux murs pendent des gravures et des peintures du temps de la vapeur. Sur toute la largeur de la salle est installée, de façon originale, une maquette des ponts des cours d’eau Spaarne et Schie. En effet, ces ponts ont été aménagés dans le plancher, de telle sorte qu’on peut les emprunter !

Deux authentiques coupés accueillent des mannequins habillés comme au siècle passé. Plus loin, une remise à locomotives propose six modèles, dont la locomotive SS1 et la locomotive SS183, que l’on peut faire circuler en sélectionnant leur numéro sur un tableau. Une trentaine de modèles de voitures à marchandises complètent l’ensemble. Elles sont agrémentées des noms des sponsors du musée.

En montant l’escalier à colimaçon, on atteint le pont de 200 m de long qui relie les deux espaces d’exposition. Le long de ce pont, circulent, dans une vitrine parallèle, des modèles réduits du matériel roulant de 1839 à nos jours.

Une maquette des gares d’Amsterdam CS et d’Amsterdam Sloterdijk illustre le développement de l’architecture des gares. A mi-chemin du pont, on peut accéder à un gros cube bleu incliné qui surplombe le hall d’entrée. Ce cube abrite en fait un auditorium dans lequel septante personnes peuvent assister à la projection permanente d’un film. Il peut accueillir aussi des séminaires. Au bout du pont, sont présentés les projets d’avenir du chemin de fer. Un rail, modèle réduit, est parcouru par un TGV et un ICE dont l’itinéraire traverse les villes reliées par les lignes à grande vitesse.

Du pont, on a une belle vue d’ensemble des affiches qui décorent les murs en acier de 4,5m de hauteur.

Sitôt le pont descendu, on rencontre une vitrine qui rassemble des objets et des emblèmes des différentes sociétés de chemin de fer : cendriers, signaux...

On peut aussi, via un ordinateur et un écran, s’exercer à des manœuvres de locomotives et visualiser ainsi les activités d’une rampe de triage.

On trouve encore une maquette de la locomotive électrique série 1100, également disposée dans le plancher, et le poste de conduite, grandeur nature, d’une locomotive « Sprinter ».

La visite intérieure terminée, je file me restaurer. Le « Blauwe Engel », un restaurant installé dans deux vieilles remises à locomotives, propose plats chauds et froids. Le pic-nic est toléré. Par beau temps, il est possible de manger dehors sur la terrasse. Une plaine de jeux accueille les petits.

 A l’extérieur

Deux hectares et demi ont été transformés en véritable parc ferroviaire, agrémenté d’essences botaniques typiques aux talus des chemins de fer.

L’ensemble est complété par une cabine de signalisation (provenant de Hoogezand) et une loge (originaire de Elst).

Il est impossible de citer ici la soixantaine de locomotives et de voitures rassemblées dans le parc. Ce sont de véritables petits bijoux.

Signalons entre autres, le matériel de 1864, propre comme un sou neuf après un grand nettoyage en Allemagne de l’Est ; un wagon à bestiaux des chemins de fer de l’Etat (SS).

Plus proche de nous, épinglons le « Hondekop » et une copie de la locomotive « De Arend », exécutée en 1939 d’après les plans originaux.

La locomotive SS 13 au tender en avant fut construite en 1864 par la Société exploitant les chemins de fer de l’Etat. Ce type de locomotives a circulé de 1863 à 1932. Cette locomotive SS 13 est la plus ancienne des locomotives à vapeur conservée aux Pays-Bas.

Les voitures de l’Orient Express, exposées dans une remise couverte, sont les voitures originales, provenant de Hongrie.

A travers les vitres, on peut apercevoir les tables dressées qui paraissent attendre le client.

Une rame TEE de 1924 « De Blokkendozen » est proposée à la location. Pour un parcours gastronomique, il est même possible d’y adjoindre une troisième voiture restaurant.

Le musée constitue en fait le cadre parfait pour organiser des fêtes, en dehors des heures d’ouverture. Ces propositions sont certes onéreuses, mais le bénéfice est destiné exclusivement au musée.

Enfin, terminons par la locomotive NS 3737, bien exposée dans une vitrine. On la dénomme aussi Jumbo. Porte aussi ce nom le train miniature qui circule dans le parc, Jumbo Express. Un IC, un TGV et une locomotive à vapeur roulent aussi, en formation ou séparément. Ces trains ne sont pas accessibles aux plus de douze ans. Les petits enfants ont aussi la chance de pouvoir s’ébattre dans une piscine en plein air.

L’histoire des NS en résumé

Le lieutenant colonel Bake est à l’origine de l’avènement du chemin de fer en Hollande : il assista, ravi, à la première circulation d’un train entre Manchester et liverpool et revint à la maison avec des projets plein la tête.

Le 20 septembre 1839, le premier train néerlandais circulait entre Amsterdam et Haarlem à 40 km/h. La « Hollandscheljzeren Spoorweg-Maatschappij » (HSM) fut fondée en 1837. Pour permettre la liaison entre Amsterdam et Cologne, une nouvelle société vit le jour en 1845, la Nederlandsche Rhijnspoorweg-Maatschappij (NRS). A partir de 1860, l’Etat décide de remettre bon ordre dans l’anarchie de ces petites sociétés qui ne voient le jour que pour assurer des liaisons entre des villes.

La Société des chemins de fer de l’Etat (SS) est créée. Le chemin de fer est à son apogée : ponts et gares croissent comme des champignons, des voies sont posées à tour de bras. Le confort s’améliore aussi. HSM et le chemin de fer de l’Etat sont toujours concurrents à l’aube de ce siècle. Mais la Première Guerre mondiale et son cortège de problèmes financiers ainsi qu’un sentiment d’union nationale ont vite fait de les associer pour le meilleur et pour le pire : les Nederlandse Spoorwegen (NS) en sont issus. La date de leur création remonte au 1er janvier 1917.

Entre 1908 et 1953, le visage des NS change : les trains circulent plus vite, plus souvent et selon des horaires établis.

Entre-temps, la Seconde Guerre mondiale éclate et provoque des dégâts considérables tant à l’infrastructure qu’au matériel. La reconstruction et l’électrification vont de pair. En 1958, l’époque de la vapeur est définitivement révolue. Place à la traction électrique et au diesel. Les systèmes de sécurité et de signalisation sont aussi modernisés. Les trains Intercity font leur entrée sur le réseau.

Pour satisfaire le besoin croissant de mobilité, de nouvelles lignes sont inaugurées (Schiphol, Flevo). L’architecture et la conception des gares évoluent aussi. Les NS se tournent résolument vers l’avenir et sont prêts à accueillir les TGV.

Source : Le Rail, août 1994