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Le laboratoire

J. Gijselinck, chimiste ppal adjt.

jeudi 25 mai 2023, par rixke

La politique d’achats de la SNCB a toujours tendu à acquérir des produits de qualité aux prix les plus justes. Comme un laboratoire peut contribuer à ce but, diverses unités de contrôle, précédemment éparpillées, furent réunies en 1962 dans un bâtiment situé à côté de la gare de Schaerbeek afin de mieux intégrer ces services dans la Société.

 Le rôle du laboratoire

L’éventail des activités du laboratoire est fort large.

Il contrôle et réceptionne les divers achats sur base de prescriptions techniques et réalise également diverses recherches et études intéressant la Société.

Pour éviter que certains fournisseurs ne diminuent leurs prix au détriment de la qualité, la Société utilise le système des adjudications, complété par un contrôle strict et rapide des produits fournis. Ce contrôle ne peut se faire valablement qu’au moyen d’un laboratoire.

Le labo est également appelé à déterminer les causes d’avaries qu’ont subies des produits et matériaux au cours de leur utilisation ou de leur transport.

Dans le cas de bris de pièces susceptibles, d’une manière ou d’une autre, de mettre la sécurité en péril, cet examen permet la plupart du temps d’établir les responsabilités.

Le laboratoire a donc, en gros, un triple objectif :

  • vérifier la qualité des produits à acheter ou à utiliser ;
  • assurer la sécurité du personnel et contrôler la fiabilité du matériel ;
  • réduire les dépenses.

 L’organisation

L’organisation actuelle résulte de l’expérience de nombreuses années d’activité.

A côté d’un bureau administratif, le laboratoire compte 5 sections qui réalisent une grande diversité de contrôles et d’études sur les produits les plus variés :

  • analyses minérales et électrochimie : eaux, produits minéraux, corrosion et protection des métaux et des matières dangereuses ;
  • analyses et essais sur des matériaux organiques : peintures, colles, adhésifs, produits pétroliers tels que carburants et lubrifiants,...
  • recherche de polluants industriels (nocifs ou toxiques), produits de nettoyage et d’entretien, solvants ;
  • analyses et essais de matériaux organiques, naturels et synthétiques tels : caoutchoucs, plastiques, textiles, cuirs, papiers, matériaux fibreux ;
  • essais sur des produits métalliques et minéraux : pièces brisées en service, essais mécaniques et physiques, examens métallographiques.

Les essais mécaniques consistent à soumettre des éprouvettes de forme bien déterminée à des essais de traction, de compression, de choc et d’usure, à l’aide d’appareils spécifiquement adaptés à chaque cas. Le laboratoire utilise également des fours pour le traitement thermique des métaux, des microscopes pour l’analyse de leur structure, etc.

spectromètre infrarouge contrôlé par ordinateur

Les analyses chimiques impliquent l’usage de produits dangereux (acides forts, ammoniaque,...), ce qui impose l’utilisation permanente de hottes (des « sorbonnes ») aspirant les vapeurs et munies de parois de verre et d’une fenêtre coulissante, également en verre. D’autres équipements sont aussi indispensables pour ces analyses : verrerie, balances de précision, appareils de chauffage, fours à moufle,...

Pour les mesures physiques, des appareils spécialisés étudient les phénomènes de fusion et d’ébullition, mesurent la viscosité, la densité, l’inflammabilité, le brillant, le degré d’acidité,...

Les analyses chimiques classiques sont de plus en plus souvent remplacées par des méthodes d’analyse ultra-modernes basées sur des propriétés physiques ou atomiques bien particulières : spectrométrie d’absorption atomique, spectrophotométrie UV ou IR, chromatographie en phase gazeuse,... et sur les découvertes les plus récentes de l’électronique et de l’informatique.

Pour pouvoir se faire rapidement une idée du comportement des matériaux lors de leur utilisation, le laboratoire dispose d’une série d’appareils qui permettent facilement d’apprécier l’influence de l’humidité, de la chaleur ou du froid, de la lumière solaire,...

 Le personnel

Diverses catégories de personnel assurent la bonne marche du labo :

  • les préparateurs et techniciens-chimistes : personnel bénéficiant, au laboratoire, d’une formation qui les prépare à la réalisation d’essais physiques et chimiques ;
  • les sous-chefs de secteur technique : diplômés d’écoles techniques, supervisent les activités des préparateurs et réalisent les manipulations délicates ;
  • les agents porteurs d’un diplôme d’ingénieur technicien ou d’ingénieur industriel d’une spécialisation adéquate, dirigent les différentes sections ;
  • les licenciés en sciences chimiques et ingénieurs, auxquels sont confiés les travaux d’études. Comme les résultats des essais ne sont pas toujours immédiatement utilisables, c’est également à eux qu’incombe la synthèse des études et des recherches réalisées.

La nature des problèmes posés et l’évolution de la technique les obligent de plus en plus à travailler en équipe, avec comme corollaire des travaux réalisés plus rapidement, et plus sûrement.

 Les activités

Outre les analyses de routine, divers essais de longue durée sont effectués de manière à apprécier la durée de vie ou la tenue à la fatigue de certains matériaux coûteux ou d’importance vitale tels les ressorts de bogies, les joints de moteurs diesel,...

Les nombreuses interventions de la section « pollution » sont également à signaler : elles permettent aux médecins du travail et aux chefs de sécurité de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé des travailleurs : par exemple, contre la libération de matières fibreuses lors de la démolition d’anciennes voitures, de poussières lors de travaux de soudage ou de découpage,...

examen microscopique des poussières

Le bon fonctionnement du labo n’est garanti que s’il dispose d’un appareillage de valeur. Cela est d’ailleurs indispensable pour suivre de près l’évolution rapide de la composition des matériaux et des techniques de fabrication.

Analyses des métaux et produits minéraux

En 1964 fut acquis un spectromètre d’absorption moléculaire, grâce auquel la teneur en cuivre et en phosphore de l’acier pouvait être déterminée ; 10 ans plus tard, un coulomètre a été acheté, permettant la mesure de la teneur en carbone des aciers et des fontes.

Le spectromètre d’absorption atomique, acquis en 1975, permet actuellement de réaliser un tiers des analyses : cet appareil est capable non seulement d’analyser les alliages métalliques, mais également de déterminer la teneur en métaux des graisses, des eaux usées ou de l’atmosphère, des pigments de peinture, etc.

Analyses des produits organiques

Des méthodes instrumentales sophistiquées sont utilisées pour l’analyse de matériaux tels que colles, plastiques, caoutchoucs, textiles, huiles et graisses : il s’agit de la chromatographie en phase gazeuse pour la séparation des constituants et de la spectroscopie infrarouge pour leur identification.

chromatographie en phase gazeuse pour la séparation des composants organiques

En 1984, près de 800 mélanges ont été chromatographiés et plus de 1 000 matières identifiées.

Différents problèmes, posés par des services de la Société, ont ainsi été résolus notamment :

  • l’identification des qualités de caoutchouc employé en atelier central pour la réalisation de joints : ceci permet de faire un choix, mieux approprié en fonction de leur utilisation ;
  • la mesure de la teneur des atmosphères d’ateliers en polluants gazeux ;
  • la détermination de la composition de produits dégivrants pour aiguillages, des nouveaux produits de peinture du matériel roulant...

Essais mécaniques sur matériaux

Les métaux sont examinés au point de vue de leur résistance à la traction, de leur résilience (capacité de résistance au choc), de leur dureté, de leur structure microscopique, etc.

Le labo dispose également d’une machine de fatigue, permettant de solliciter jusqu’à 6 fois par seconde des pièces d’épreuve sous une force de traction ou de compression comprise entre 0 et 25 T. Ceci permet de déceler facilement les défauts qui pourraient provoquer, après plusieurs milliers de cycles, la rupture du matériau ou de la pièce.

C’est ainsi qu’ont été testés des traverses en béton, des ressorts, des rondelles élastiques, des tronçons de rails,...

L’importance du laboratoire est souvent mésestimée, parce qu’il n’a pas une production qui peut se mesurer en mètres, kilos ou litres. Il est cependant très utile, non seulement pour la recherche du meilleur compromis qualité/prix et pour ses réalisations permettant d’éviter des avaries, mais aussi, et ce n’est certes pas là sa moindre utilité, pour sa contribution au contrôle ou à l’amélioration de la sécurité du personnel.

Par ses travaux de contrôle, d’étude et de recherche, le laboratoire contribue au développement de nouveaux matériaux ; ceci nécessite une formation permanente du personnel et implique une adaptation constante des techniques utilisées.


Source : Le Rail, mars 1985