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Ostende

Frans Waeyaert.

mercredi 13 novembre 2024, par Rixke

Terminus de la « ligne occidentale » (1)

Au siècle passé, lorsque les plans d’un chemin de fer en Belgique ont été dressés, la ville de Malines a été choisie comme noyau de ce nouveau réseau de communication. Le 5 mai 1835, le premier train s’y est arrêté. En ce qui concerne la branche occidentale dudit réseau, c’est Ostende qui a été désigné comme terminus (loi du 1er mai 1834). La mobilité devenait tout à coup une réalité en Belgique !

 De Malines vers Ostende

Les plans pour la construction d’une voie ferrée entre Malines et Ostende ont été approuvés au Sénat en mars 1836. Le train à vapeur s’avérait en effet un atout supplémentaire dans le rapprochement avec l’Angleterre !

Un an plus tard, les arpenteurs se mettent à l’ouvrage entre Bruges et Ostende pour déterminer le passage de cette nouvelle ligne. Les premières voies sont posées à Jabbeke et un pont enjambant le canal Plassendale - Nieuport est construit.

Le 17 mai 1837, la « Gazette de Bruges » publie ceci : « Les plans de construction du chemin de fer à Ostende ont été envoyés au gouvernement ainsi qu’à la Chambre de commerce de la ville. Le chemin de fer court le long du nouveau canal à Ostende et s’arrête près du Quai du commerce, au lieudit Oesterput de la veuve Van der Heyde ».

L’hiver 1837-1838 particulièrement rude retarde malheureusement les travaux. Le 26 avril 1838, le bourgmestre Henry Serruys ainsi que l’échevin J. De Knuyt-Douwer et le conseiller Devanderleep se rendent à Bruxelles pour plaider auprès du roi Léopold 1er l’accélération des travaux. Ils reçoivent de Sa Majesté la promesse que la ligne sera prête pour l’été. L’entrepreneur liégeois, Borguet, engage alors quelques centaines d’ouvriers pour terminer le chantier avant cette date. La nouvelle ligne de chemin de fer constitue en effet un atout bienvenu en faveur du tourisme côtier naissant.

 Premier voyage

Le dimanche 5 août 1838, le premier train roule vers Ostende. C’est un parcours d’inspection. La nuit auparavant, on a encore érigé une digue non loin du canal de Plassendael. L’équipe revient à Bruxelles dans l’après-midi.

La ligne quitte Bruges en suivant presque parallèlement le canal Bruges-Ostende, traverse les communes de Varsenare, Jabbeke, Ettelgem, Oudenburg et Zandvoorde pour aboutir à la digue sud de l’ancienne scierie. Étant donné que l’autorité militaire n’a pas autorisé la destruction de l’enceinte de la ville, la ligne s’arrête sur le territoire de la commune de Stene. Quelques petits bâtiments en bois sont aménagés pour les voyageurs ainsi que pour les services de la gare.

 Inauguration solennelle

Le samedi 11 août 1838, les premiers voyageurs venant de Bruxelles arrivent à Ostende : le roi Léopold 1er, la reine et leur suite. Ils quittent le convoi à hauteur de Plassendaele et continuent en carrosse.

Dans la semaine précédant les festivités inaugurales, règne à Ostende une intense activité. Les habitants rivalisent d’imagination pour décorer des façades de leur maison. D’aucuns plantent même des arbres. Des guirlandes sont suspendues pour donner un air de fête aux rues. Le coup d’envoi officiel des festivités est donné par un tir de canon et le tintement des cloches.

Les invités au train inaugural se rassemblent le 28 août à 12h30 à la maison communale d’Ostende. À 13h30, le convoi s’ébranle en direction de Bruges où il arrive à 14h30. Un peu plus tard, le rejoignent les invités d’honneur venant de Gand et de Bruxelles. À 16h15, tout ce petit monde embarque pour la côte. Après un trajet d’une durée de trente-six minutes, le train s’arrête et la locomotive est détachée : elle continue seule pour annoncer l’arrivée du train à Ostende. À 17h, le premier train officiel pénètre dans la gare, en présence de leurs Majestés. Le moment des discours, du banquet et de la fête est venu. Seule fausse note : la pluie.

À 21h, l’affluence au bal est telle qu’il faut en interdire l’accès. La liesse dure jusqu’au 9 septembre.

Ostende, terminus de la ligne occidentale, a enfin son train !

 Une gare provisoire

À partir du 2 septembre 1838, la ligne est officiellement ouverte au trafic voyageurs. Au début, ne circulent que deux trains dans les deux sens. Ce nombre augmente d’une unité à partir de l’été 1839 et le 10 juillet de la même année, cinq trains parcourent la ligne dans les deux sens.

Toutefois Ostende n’est pas très satisfait de sa gare provisoire à l’extérieur de l’enceinte de la ville. En janvier 1839, le conseil communal adopte un plan pour la construction d’une gare intra muros en concertation avec l’ingénieur en chef des chemins de fer de l’État, M. Noël. Deux moulins, une maison et quelques magasins doivent être expropriés. Dans les canaux, des digues sont élevées avec, au milieu, de petits ponts en bois qui peuvent être facilement supprimés ou démolis. Il faut attendre le dimanche 1er décembre 1839 pour que le premier train s’arrête à l’intérieur de la ville d’Ostende. La population pauvre reçoit pour cette occasion exceptionnelle vêtements, bois et vivres.

 La gare définitive

Entretemps, les plans de la gare définitive ont été signés. Ils prévoient de la construire du côté sud du deuxième Quai du commerce, parallèlement aux quais. Auguste Payen (1801-1877), remarqué pour la construction de la première gare de Bruges, est désigné comme maître de l’ouvrage.

Plus grande que celle de Bruges, la gare, de style néoclassique, présente un aspect symétrique. Elle se compose d’un bâtiment central, entouré de deux ailes sans étages. Dans l’aile est, sont installés les services de la gare ; dans celle de l’ouest est aménagé plus tard un bureau de télégraphie. À côté de la gare, sont encore érigés un entrepôt à marchandises ainsi que des pavillons d’octroi. Un double auvent recouvre les voies. L’inauguration officielle a lieu le 1er juillet 1844.

 Communication avec l’Angleterre

En 1815, un service de paquebot assure les liaisons avec l’Angleterre. Quand la ligne de chemin de fer Douvres-Londres est mise en service, elle permet l’ouverture du trafic vers l’Allemagne. Ostende s’affirme alors comme une plaque tournante importante. Une position qui est encore aujourd’hui remarquée.

Les paquebots accostent cependant dans le chenal à hauteur du Quai des bateaux à vapeur, très éloigné de la gare. Les voyageurs en provenance ou à destination de l’Angleterre doivent donc parcourir cette distance à pied ou en carrosse, avec leurs bagages.

Les politiciens ostendais sont bien conscients de la nécessité de faire accoster les bateaux plus près de la gare ou de prolonger les voies ferrées jusqu’au quai d’embarquement. Mais une autre solution est trouvée : établir une liaison ferrée depuis Bruges jusqu’à une nouvelle gare côtière à construire.

Il faut donc démolir les murs d’enceinte de la ville qui ne sont plus seulement un obstacle au chemin de fer mais également au développement d’Ostende en tant que station balnéaire. Cet ouvrage militaire est une fameuse épine au pied. En mai 1865, un accord est toutefois conclu et une partie de l’enceinte peut être abattue.

 Ostende-Maritime

Fin 1866, les premiers ajustements du tracé de la ligne de chemin de fer sont entrepris. L’« Anse américaine » est comblée et un pont tournant de chemin de fer est installé pour enjamber le canal Ostende-Bruges. Un nouveau quai ainsi qu’une nouvelle gare en bois sont construits pour les paquebots. Elle est baptisée « Ostende-Maritime » et reliée à l’une des trois voies de la gare d’Ostende-ville. La ligne traverse l’actuelle place de la Gare qui reçoit le nom de place Vander Sweep en hommage à l’ingénieur en chef des chemins de fer. La liaison ferroviaire et la gare côtière sont mises en service en juin 1871. Les trains ne s’arrêtent plus qu’à une dizaine de mètres du quai d’embarquement.

 Transport de marchandises

Tant dans les premiers plans de 1839 que dans ceux de l’urbanisation de 1866, il a toujours été prévu d’aménager une gare de marchandises. Il s’agit d’un simple hangar avec un raccordement ferroviaire. Sur les plans définitifs de 1883, on retrouve à nouveau l’actuelle rue du Chemin de fer. En 1868, le nouvel entrepôt d’Ostende est construit au côté sud du 1er Quai du commerce, en relation avec le chemin de fer. Sur la rive ouest du canal Ostende-Bruges, une voie marchandises est posée en 1870.

 Nouvelle ligne de chemin de fer

En 1868, la nouvelle ligne de chemin de fer Armentières-Torhout-Ostende est établie et exploitée par la « Société anonyme du chemin de fer d’Armentières à Ostende ». Cette société s’intéresse surtout aux liaisons rapides entre Paris, le nord de la France et la côte belge. La ligne se raccorde à celle sortant de Bruges et juste avant l’enceinte, elle forme une large boucle pour rejoindre Snaaskerke et Gistel.

Mais les trains supplémentaires encombrent la gare et il devient urgent de trouver des solutions d’extension. Aux environs de 1870, les voies sont déplacées sur un nouveau tracé, les emplacements de garage agrandis et un entrepôt à marchandises construit. Les murs d’enceinte sont cette fois complètement abattus et quelques parcelles expropriées. Après les travaux, les voies de la gare sont rallongées pour permettre, dès 1873, l’accès aux trains de nuit en provenance notamment de Berlin. Ostende devient un carrefour dans le trafic international.


Source : Le Rail, novembre 1999