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Ostende
Frans Waeyaert.
mercredi 18 décembre 2024, par
Terminus de la « ligne occidentale » (2) |
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Dans cette seconde et dernière partie, il sera question d’Ostende à la charnière des XIXe et XXe siècles. La ville s’affirme de plus en plus comme un nœud ferroviaire tant pour le transport des marchandises que pour celui des voyageurs du fait de la multiplication des lignes maritimes qui y aboutissent. De nouvelles installations sont construites tandis que les anciennes sont réaménagées. Ce développement se poursuit jusque dans les années cinquante, quand l’auto et l’avion deviennent concurrentiels.

Réaménagement d’Ostende-Quai
En 1870, les quais en bois des Quais du Commerce 1 et 2 sont remplacés par une construction en maçonnerie, laquelle permet la pose d’une voie ferrée pour les marchandises côté sud.
Entre 1877 et 1879, un nouveau marché aux poissons voit également le jour, côté sud du quai de la marée, actuellement le quai Montgomery. Il est relié à la gare d’Ostende-Ville. Cette liaison ferrée est prolongée plus tard jusqu’à l’actuel « vistrap », ce qui permet d’allonger la composition des trains de poissons. Les transbordements sont facilités par différents aiguillages, système indispensable quand on sait le nombre croissant de bateaux accostant à cet endroit. La fabrique de gaz qui se trouve à la place de l’actuel palais de justice bénéficie également d’un raccordement ferroviaire.
Extension de la gare d’Ostende-Ville
Cette extension est décidée par arrêté royal (1871). Parmi toutes les propositions, le conseil communal privilégie celle de l’architecte Félix Laureys. Les travaux commencent en 1880. Le nombre de voies est porté de trois à quatre et elles sont recouvertes d’un auvent. L’entrée de la gare se situe rue des Polders (aujourd’hui rue du Perron) tandis que la sortie se trouve du côté du 2e quai du Commerce à hauteur du pont de la Chapelle.
Les cochers peuvent ainsi emmener les voyageurs à l’intérieur même de la gare. Le sommet de la tour de quarante mètres de hauteur est équipé, sur ses quatre côtés, d’une horloge éclairée. Bien qu’Ostende-Ville soit une gare de tête de ligne, deux voies sont prolongées vers Ostende-Quai. Comme un train est susceptible de traverser la place de la gare, celle-ci est fermée par des tourniquets.
La nouvelle gare de marchandises
Le bâtiment de la gare à marchandises a été commencé dans les années quatre-vingts du XIXe siècle. De nouvelles voies de triage et des entrepôts sont installés. Il apparaît très vite que c’est insuffisant. La gare ne peut s’étendre en largeur : elle est coincée entre les rues du Chemin de fer et des Polders. L’extension en longueur est limitée par l’accès étroit du pont de l’avenue de la Reine.
Au sud de ce pont est construit un dépôt de locomotives avec plaque tournante et réservoir d’eau pour l’approvisionnement des machines. Pour le garage des locomotives et des wagons de charbon, quatre voies accessoires sont posées.
Une nouvelle installation portuaire
En 1893, le gouvernement approuve une extension des installations portuaires pour faire face au trafic croissant des paquebots. Les plans prévoient un réaménagement du port mais offrent surtout de nouvelles perspectives au chemin de fer. Ils envisagent ainsi l’érection d’une nouvelle gare maritime sur le quai même des paquebots, une liaison directe avec la ligne vers Bruges, l’installation de faisceaux pour le port ainsi que la pose de voies de marchandises pour les industries du canal Ostende-Bruges.
Le 3 novembre 1896, la liaison directe avec Bruges est réalisée et les trains internationaux empruntent cette nouvelle ligne, débarquant ainsi leurs voyageurs au pied des paquebots. Le 3 février 1898, les premières adjudications sont approuvées et le 19 juin suivant, S.M. Léopold II pose la première pierre des nouvelles installations. Fin 1903, une gare provisoire en bois est construite à Ostende-Maritime du côté occidental de l’emplacement de la gare. La liaison avec Ostende-Ville est interrompue en 1904.
Nouvelle gare : Ostende-Quai
En 1907, cette gare provisoire est démontée pour faire place à la nouvelle gare dessinée par les architectes ferroviaires Otten et Seulen. Les travaux commencent en 1910 et l’inauguration officielle a lieu le 1er août 1913. Tant la gare que l’hôtel « Terminus » sont de style néoclassique. C’est un mélange de classicisme baroque propre à l’architecte du XVIIe siècle, Mansart, complété par des éléments Louis XVI et même « art nouveau ».
La nouvelle gare s’étire le long des voies. Elle présente sur sa façade avant, vers la ville donc, deux imposantes tours. Elles comptent trois étages chacune et leur toit est pyramidal. Entre les deux, se trouve la salle d’attente surmontée d’un arc en fonte. La coupole en verre est agrémentée de deux pinacles. L’horloge de la gare est rehaussée de motifs art nouveau. À côté des tours, au-dessus de la sortie se trouve également une coupole du même style. À peine un an plus tard, au début de la Première Guerre mondiale, elle est irrémédiablement endommagée.
Dans l’aile droite, on trouve le restaurant de première classe dans lequel on peut pénétrer depuis le hall d’entrée. Comme la gare est devenue un carrefour international important, un salon luxueux est aménagé pour accueillir les dignitaires et les familles royales. Cette suite est dessinée par Clément et est aujourd’hui le bureau du chef de gare. Du côté du chenal du port, est érigé un hall d’embarquement et de débarquement, recouvert d’un toit en verre formé de trois arcs. Ceux-ci et les coupoles de la façade de la gare sortent des ateliers de construction d’Enghien-Saint-Éloi. En plus du verre et de la fonte, d’autres matériaux sont utilisés, comme la pierre bleue de Soignies, le granit rouge ou la pierre blanche d’Euville. Dans l’aile gauche de la gare, se trouve l’hôtel « Terminus », remarquable pour son ascenseur métallique de marque Jaspar type GM504. Au bout de cette aile sont installés les bureaux de la Marine.
Après les ravages de la Première Guerre mondiale, il faut attendre quelques années pour voir la gare restaurée, mais pas dans son état d’origine. Le recouvrement des voies n’est pas réparé, les restes de la charpente métallique sont démontés tandis que de nouveaux auvents ne sont installés, qu’en 1930. Le hall de sortie est recouvert d’un toit plat et l’ancien hall d’embarquement est remplacé par une simple construction. La majesté de la gare d’Ostende-Quai semble bien avoir fait les frais du conflit.
Extension des installations portuaires
En 1906, les installations portuaires sont étendues jusqu’au Vlotdok et au Diepwaterkaai par de nombreuses voies et faisceaux de triage dont un relie le port et la ligne ferrée vers Bruges. La Compagnie internationale des Wagons-lits, propriétaire des wagons-lits, y construit un atelier d’entretien raccordé au réseau ferré. Et toutes les industries installées le long du port vers Bruges sont potentiellement raccordées au réseau ferré.
Fusion des gares
En 1919, l’idée de fusionner les gares d’Ostende-Quai et d’Ostende-Ville et de concentrer le trafic dans la première commence à mûrir. Cela signifie une économie importante en frais d’exploitation ainsi que l’occasion pour la ville d’Ostende d’aménager les abords de la gare. Les plans ressortent du placard en 1934. En octobre 1935, tous les trains de la ligne Bruges-Ostende sont déviés sur Ostende-Quai. La gare est réaménagée : le nombre de voies est porté de six à onze et à côté des trois quais existants en sont construits quatre autres adaptés aux transbordements.

Outre ces extensions, les installations ferrées existantes sont agrandies. Au sud-est du pont De Smedt-De Naeyer, deux faisceaux de garage sont posés, l’un de 17, l’autre de 10 voies. Leur longueur totale atteint environ 10 km. Entre la gare de voyageurs d’Ostende-Maritime et le nouveau dépôt de locomotives d’Ostende, cinq kilomètres de voies de circulation sont installées. À côté du pont, une cabine de signalisation électrique est construite avec quatre-vingts manettes, l’actuel bloc 63. Un nouvel atelier de voitures est érigé ainsi qu’une remise pour les locomotives en remplacement du vieux dépôt. Ostende dispose alors de vingt-quatre locomotives. Le 13 septembre 1934, un nouveau marché aux poissons accueille les clients au quartier du phare. Non loin de celui-ci, une halle à marchandises est construite pour le chargement des wagons de poissons : elle compte deux voies. Les trains de poissons rejoignent ainsi, via le Voorhavenbrug, la ligne vers Bruges. Le quai de la Marine est aussi agrandi et modernisé. Des voies sont posées le long de celui-ci et sur la rive est. Celles-ci sont nécessaires pour le ravitaillement des paquebots.
Les nouveaux quais reprennent le service des vieux quais du Commerce et marché au poisson, rendant inutiles désormais les voies de la ville. Après la démolition du « Cierk » (l’ancien marché au poisson de 1879), les voies sont démontées en 1936. Après la Deuxième Guerre mondiale, tout est mis en œuvre pour résorber le retard de la fusion des gares.
À partir du 5 avril 1946, Ostende-Ville est fermé au trafic voyageurs. Entre Snaaskerke et Ostende-Maritime un nouveau tracé est dessiné pour la ligne vers Torhout. Sur l’ancien tronçon de voie entre Ostende-Ville et Snaaskerke circulent encore quelques trains de marchandises. En 1951, la nouvelle gare de marchandises est ouverte au trafic, la fusion est terminée. La gare d’Ostende-Ville est démolie en 1956 et les voies reliant la gare à la ligne de Torhout démontées. À leur place est construite l’autoroute vers Ostende. Le 26 juin 1954, l’électrification de la ligne Ostende-Bruges est terminée et en septembre ne circulent plus que des rames électriques.
Concurrence
Le développement spectaculaire de la voiture représente un grave mécompte tant pour le trafic voyageurs que pour celui des marchandises. A partir de 1955, ne circulent plus qu’un train le matin et un le soir sur la ligne vers Torhout. Cette ligne est définitivement fermée en 1963. Le port accueille de moins en moins de wagons et les voies de marchandises sont supprimées. Le 6 mars 1988, le dernier train de poissons quitte le port et l’infrastructure ferroviaire du marché aux poissons est démantelée.
Dans les années septante, les trains internationaux sont confrontés à une autre concurrence : l’avion. Les voitures auto-couchettes vers Milan et Munich ainsi que les trains de nuit aux noms évocateurs de « Tauern Express », « Ostende-Vienne-Express », « Dalmatia Express ».... doivent renoncer au succès ou être joints à des trains existants. Ostende maintient seulement sa liaison avec Cologne et, pendant la saison estivale, avec Vienne. La fondation du service des petits colis ABX signe l’arrêt de mort de la gare de marchandises du quai Conterdam. En septembre 1994, cette partie de la gare ferme aussi ses portes. Le 17 décembre 1997, Ostende s’inscrit dans le réseau européen de la grande vitesse : la reine des plages est reliée à Paris par le train Thalys et ce, deux fois par jour, en 2 heures 48 minutes ! |
Source : Le Rail, décembre 1999