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Nos conducteurs européens

V. d. E.

mardi 15 juin 2010, par rixke

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Dans la renaissance actuelle de l’Europe, les chemins de fer occidentaux sont au premier rang, en s’adaptant, avec souplesse, aux impératifs des temps actuels et en appliquant judicieusement des techniques nouvelles. C’est ainsi qu’ils assurent des relations internationales de jour, entre la plupart des grandes villes de l’Europe, au moyen d’autorails rapides, appelés TEE (Trans-Europe-Express), et de trains remorqués par des locomotives diesel-électriques. Pour la Belgique, il s’agit des liaisons Amsterdam-Paris, Dortmund-Ostende, Amsterdam-Zurich, Bruxelles-Paris et Bruxelles-Cologne.

Depuis le deux juin, des cheminots belges conduisent les autorails français l’ « Ile de France » et l’ « Etoile du Nord » et l’autorail hollandais l’ « Oiseau bleu » entre Rosendael et Aulnoye, ainsi que les autorails hollandais et suisses « Edelweiss » de Rosendael à Luxembourg. D’autres, depuis Herbesthal, mènent à Ostende et à Maubeuge les autorails « Saphir » et « Paris-Ruhr » des chemins de fer allemands. N’oublions pas, enfin, que des locomotives diesel-électriques (CC type 204), de la remise de Schaerbeek, assurent journellement un train lourd sur Paris et deux trains légers rapides entre la capitale belge et Cologne.

Ces nouveaux services ont pu être effectués par notre personnel, grâce à sa grande capacité d’adaptation, grâce aussi à la bonne volonté qu’il a montrée pour devenir... polyglotte.

D’abord, trois machinistes de la remise de Herbesthal s’en furent à Dortmund, où ils reçurent une initiation... en allemand. Heureusement, leur instructeur belge est bilingue et eux, frontaliers, le sont un peu aussi.

Ensuite, huit mécaniciens de la remise de Schaerbeek, encadrés par deux machinistes-instructeurs, se sont rendus au dépôt d’attache des autorails TEE français (à transmission hydraulique), à Noisy-le-Sec, où (faut-il le dire ?) ils ont rencontré chez leurs collègues une compréhension totale. Les instructeurs français se sont efforcés de ne pas utiliser les expressions argotiques qui leur sont chères et de mettre un frein... à leur faconde proverbiale. Cette étrange méthode, du genre « Berlitz », réussit, au-delà de toute espérance. Grâce à une bonne volonté réciproque, on vit ce spectacle « européen », de machinistes flamands interrogés à Paris devant un jury composé de leur instructeur français et de leur chef belge en s’aidant d’un vocabulaire pour le moins original.

Après, ce fut l’apprentissage des mêmes agents à la conduite des nouveaux autorails hollandais et suisses (à transmission électrique), encore tout surpris d’avoir quitté leur plaine natale pour se voir lancés, par monts et par vaux, entre Bruxelles et Luxembourg. Là aussi, nos huit gaillards s’initièrent rapidement, guidés par les instructeurs hollandais et suisses. Les conversations qui s’ébauchèrent ne furent pas toujours académiques, et, comme en Italie, les mains jouèrent un rôle essentiel. Mais on s’est compris, parce qu’on a voulu se comprendre, et c’est là l’essentiel.

Nous avons gardé pour la fin l’initiation des 28 machinistes de Schaerbeek qui roulent entre Bruxelles, Paris et Cologne, à bord de locomotives qui sont les premières machines belges à atteindre la Seine et le Rhin. La première partie de leur instruction a duré neuf semaines et a comporté des leçons de mécanique, d’électricité, de conduite et de dépannage théorique, sans négliger le chauffage. La seconde a surtout consisté à familiariser les nouveaux conducteurs avec la conduite en ligne et le dépannage pratique. Les essais effectués respectivement vers Paris et Cologne ont été sans histoire. Les résultats obtenus ont dépassé ceux que l’on pouvait raisonnablement espérer. N’est-ce pas tout dire ?

Ainsi, une poignée de « vaporistes », entourés d’agents de maîtrise d’élite, ayant à cœur d’améliorer les relations ferroviaires européennes, ont apporté leur modeste mais efficace collaboration à l’effort commun.


Source : Le Rail n° 11, juillet 1957