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PACIFIC 1002 Une reine de la vapeur fait sa rentrée !

J. Thys - L. Gillieaux

mercredi 4 mai 2016, par rixke

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Les 4 et 5 mai dernier, après 28 ans d’inactivité, la locomotive à vapeur Pacific [1] 1002 a lancé à nouveau ses panaches de vapeur dans l’atmosphère ! Pour cette mémorable occasion, des circulations vapeur spéciales ont été organisées durant le week-end tandis qu’à Bruxelles Midi une exposition évoquait le trafic à voyageurs rapide depuis la 1002 jusqu’à la grande vitesse.

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Le type 1 a en effet été un jalon essentiel dans l’histoire de l’augmentation des vitesses ferroviaires en même temps qu’il a démontré la maîtrise de nos inqénieurs et leur étroite collaboration avec notre industrie.

 UN CONTEXTE HISTORIQUE TOURMENTE

Après la période de reconstruction qui suivit la Première Guerre mondiale, la construction de locomotives connut assez vite un coup d’arrêt dans notre pays, Cette situation s’expliquait par le fait que l’Allemagne avait dû remettre 2000 locomotives à la Belgique, à titre de paiement des dommages de guerre. Par ailleurs 551 nouvelles locomotives avaient été acquises aux États-Unis et en Angleterre. Dès lors, aux alentours de 1930, il n’y avait guère de commandes à engranger par nos industries, hormis la livraison de neuf locomotives prototypes destinées à la ligne fort accidentée du Luxembourg.

A ce moment en effet, la SNCB, qui avait été fondée en 1926 s’efforçait de réduire le nombre de locomotives à vapeur. A cette fin, il convenait d’adapter et d’utiliser au mieux le parc de locomotives existant, C’est ainsi, par exemple, que des améliorations furent apportées aux vieilles locomotives Pacific du type 10 qui avaient été construites à partir de 1909-1910 sous la direction de l’ingénieur Flamme.

Il faut encore ajouter que, dans les années trente, des décisions furent prises en vue d’introduire de nouvelles techniques dans le domaine ferroviaire. Dans cette optique, rappelons la décision de ne plus construire à l’avenir que des voitures métalliques et cela tant pour le trafic international que pour le service intérieur. Signalons aussi la mise en circulation d’autorails sur les lignes secondaires afin d’en rentabiliser davantage l’exploitation. Et n’oublions pas l’achèvement de la première ligne électrifiée de notre pays, Bruxelles - Anvers, de même que l’entrée en service de la nouvelle signalisation lumineuse.

Par ailleurs, à cette époque, les pays occidentaux traversaient une grave crise économique. Des mesures commerciales protectionnistes furent prises aux États-Unis ainsi qu’en Grande-Bretagne ce qui mit nos exportations en péril. La Belgique ne pouvait compter que sur elle-même mais, grâce à de nombreuses commandes intérieures il fut possible de faire face à la situation. A vrai dire, cette dépression économique a sans doute elle aussi contribué à l’introduction des nouvelles techniques ferroviaires qui, si elles ont favorisé le redéploiement économique et l’emploi, n’étaient toutefois pas encore à même de remplacer la traction vapeur très bien maîtrisée à l’époque, Et comme le service de l’Exploitation de la SNCB avait décidé d’introduire au service d’été de 1935 des vitesses commerciales de, respectivement, 100 et 80 km/h pour les trains rapides lourds sur les axes Ostende - Bruxelles - Herbesthal d’une part et Bruxelles - Luxembourg d’autre part, la construction de nouvelles locomotives à vapeur s’avéra indispensable. Ce fut le type 1.

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 LA LOCOMOTIVE A VAPEUR TYPE 1

La construction du type 1 fit l’objet d’une étude préalable par l’ingénieur en chef Raoul Notesse, en vue d’atteindre les objectifs qui avaient été définis par le service de l’Exploitation. A cette fin, il entreprit entre autres un voyage d’études en Grande-Bretagne et assura ensuite la supervision de l’ensemble du projet. Parmi les autres techniciens de la SNCB qui s’impliquèrent dans cette opération, citons l’ingénieur Minsart et l’ingénieur en chef Dufour, un spécialiste des chaudières. Les plans provisoires furent dessinés par Fernand Leveau aux « Ateliers métallurgiques » de Tubize. Dans le même temps, différentes marches d’essai furent entreprises en 1934 avec un type 10 adapté. On voulait en effet atteindre un résultat optimal.

La construction finale de 15 locomotives du type 1 fut confiée au « Consortium des Constructeurs belges de Locomotives ». Il s’agissait d’une association de constructeurs de locomotives qui avait été constituée dans les années de crise pour faire face à la situation économique du moment. En effet, cette forme de collaboration permettait d’éviter la concurrence mutuelle et l’éventuel risque de faillite. De plus, ce bloc permettait d’atteindre une meilleure position face à la concurrence étrangère. Les entreprises qui faisaient partie de ce « consortium » étaient ; les « Ateliers métallurgiques de Tubize » déjà cités, la « société John Cockerill » de Seraing, les « Ateliers de construction de la Meuse » à Sclessin et les « Forges, Usines et Fonderies » de Haine-Saint-Pierre.

A côté des apports technologiques anglais et américains, le vieux type 10, également une locomotive Pacific, servit de modèle pour la nouvelle locomotive type 1. Ces locomotives avaient en effet toutes deux dans leur foyer une grille de 5 m2. Celle-ci ne pouvait être agrandie car on aurait alors été forcé de prévoir une alimentation mécanique du foyer. Par contre, la contenance de la chaudière fut accrue, la pression fut portée de 14 à 18 bar et la surface de surchauffe fut augmentée de 75 m2 à 111 m2. En outre, les tuyaux alimentant les cylindres en vapeur reçurent un plus grand diamètre, le volume intérieur de ces derniers fut réduit et le poids adhérent fut porté de 66 à 72 tonnes. Toutes ces modifications de même que l’utilisation d’équipements auxiliaires modernes tels que l’échappement Kylchap et le réchauffeur ACFI permirent de donner au type 1 une puissance de 1877 kW contre 1624 pour le type 10.

Ces Pacific qui furent livrées à la SNCB à partir de 1935 avaient, en ordre de marche, un poids de 126 tonnes et étaient accouplées à des tenders d’une masse de 88 tonnes en ordre de marche. Ceux-ci avaient été construits par les « Forges. Usines et Fonderies » de Haine-Saint-Pierre et pouvaient emporter 38 m³ d’eau et 10,5 tonnes de charbon pour l’alimentation de la locomotive.

Du fait de leur énorme masse - 24 tonnes par essieu moteur - les types 1 ne pouvaient pas parcourir toutes les lignes du réseau. Outre les axes Ostende -Bruxelles - Herbesthal et Bruxelles - Luxembourg déjà mentionnés, les type 1 furent utilisés sur les lignes Bruxelles Midi - Mons - Aulnoye, Libramont - Bertrix -Virton - Athus - Arlon, Bruxelles Nord - Anvers Central - Essen et Gand - Termonde - Malines - Louvain. Initialement, elles pouvaient rouler à 140 km/heure, là où cette vitesse leur était autorisée. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, leur vitesse fut ramenée à 120 km/heure.

Après la livraison des 15 locomotives, un second lot de 20 exemplaires fut commandé. La SNCB posséda donc un parc de 35 locomotives du type 1.

 LA PACIFIC 1002

La 1002 fut livrée le 19 mars 1935 à la SNCB - à l’époque sous le numéro 102-, en même temps que le tender 38 102. La locomotive reçut l’indication 1002 en 1946, quand l’ensemble du parc des locomotives de la SNCB fut renuméroté. Quasi immédiatement après sa livraison, la 1002 fut prise en charge par la remise de Schaerbeek. Elle changea cependant plusieurs fois de dépôt au cours de sa carrière. Ainsi, après Schaerbeek, elle eut successivement comme remises d’attache Stockem (1939 - 1940), Bruxelles Midi (1940 - 1941), Schaerbeek (1941 - 1946), Ostende (1946 - 1954), à nouveau Schaerbeek (1954 - 1956) et enfin Bruxelles Midi (1956 - 1962). En 1944, la locomotive fut gravement endommagée et on la transféra alors de Schaerbeek à Bruxelles Midi. Les réparations furent effectuées en 1946, après la guerre, à l’atelier central de Salzinnes. Pendant cette période, la locomotive reçut la nouvelle numérotation 1002. Lorsque les réparations furent terminées, la locomotive fut transférée à la remise d’Ostende.

La 1002 subit d’autres grandes révisions en 1947 - 1948, 1953 - 1954, 1956 et 1957. Et bien que la locomotive conserva toujours la même chaudière, qui porte le numéro 1716, elle changea plusieurs fois de tender. Ceci explique que lors de son retrait du service, elle était accouplée au tender 38 134.

Le 29 septembre 1962, pendant son dernier parcours, la locomotive tomba en panne et il fallut la remplacer. Un mois plus tard elle était retirée des écritures. Toutefois, il était déjà prévu de la conserver pour un futur musée des chemins de fer. La locomotive resta alors à Bruxelles Midi à partir de 1962. Six ans plus tard elle émigra à Tournai jusqu’en 1975. Elle fut alors entièrement rafraîchie avant d’être transférée à Louvain pour une exposition. Après celle-ci, la locomotive fut conduite à la remise de Louvain qui sert de magasin pour le musée. La 1002 fut exposée une deuxième fois en 1985, à l’occasion du 150e anniversaire des chemins de fer, cette fois à Bruxelles Nord.

La même année, il fut décidé de remettre cette locomotive en état de marche. Ces travaux de restauration viennent d’être menés à bonne fin, ce qui a permis à la SNCB de présenter officiellement la 1002 sous pression au grand public ce 4 mai.
BIBLIOGRAPHIE

  • Dagant, A. Les locomotives à vapeur de l’Etat Belge à la SNCB (1835 - 1966) ; (Souvenirs de la vapeur, 8), Tielt, (1982).
  • Dambly, P. Nos inoubliables vapeurs, Bruxelles (1963).
  • Jacops, P. 1002 levensloop en inzet.
  • Mathieu, J. et Cuyt, S., Stoomlocomotief 1 002 van de NMBS dans Rail-Revue, 6, 1991, 23, p. 83 - 93.
  • Notesse, R. Locomotives « Pacific » et tenders type 1 de la Société nationale des chemins de fer belges, dans Bulletin de l’association internationale du congrès des chemins de fer, 18, 1936, p. 269 - 296.
  • De Pacific-locomotief type 1, dans Het Spoor, 1, 1939, 9. p. 7-9.
  • Van Audenhove, M. De grote economische crisis van de jaren dertig, sans place, 1980.
Pacific 1002 : une reine de la vapeur lait sa rentrée !
Exposition et circulation de la belle locomotive à Bruxelles Midi.

Source : Le Rail, mai 1991


[1« Pacific » est le nom du type de locomotives à vapeur possédant une répartition d’essieux dite « 2C1 » où le chiffre 2 signifie deux essieux porteurs (formant bogie) à l’avant, la lettre C indique les trois essieux moteurs au milieu et le chiffre 1 correspond à l’essieu porteur à l’arrière.