Accueil > Le Rail > Techniques > Réservation électronique de places
Réservation électronique de places
L. Maenhaut, ingénieur en chef, adjoint au directeur E.S.
dimanche 23 février 2025, par
Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]
Le voyageur qui va prendre le train pour un long trajet entend pouvoir le faire avec un minimum de confort : il désire s’asseoir, voire s’étendre. Aussi, sur tous les réseaux, réserve-t-on des places « assis » ou « couché » dans les trains rapides à long parcours. Dans les petits pays, ce service se limite aux trains internationaux.
Jusqu’à présent, toutes les places à réserver dans les trains internationaux au départ de la Belgique sont attribuées par un bureau central, situé à Bruxelles-Midi.
Dans un avion ou un autobus, la compagnie peut se contenter d’assurer au client une place non précisée ; le personnel de bord accueille les voyageurs et les répartit pour un mieux. Au chemin de fer, il s’agit d’attribuer des réservations bien localisées dans de nombreux trains qui comportent jusqu’à seize voitures et douze cents places de différentes catégories (première et deuxième classes, places « couché » ou « assis », compartiment « fumeurs » ou « non fumeurs »...). Le voyageur doit pouvoir lui-même trouver sa place, dans son compartiment et dans son train (train régulier ou dédoublement).
Si, par malheur, à la suite d’une erreur, une place a été louée deux fois, le personnel du convoi a pas mal de peine pour arranger les choses. Le client fait valoir qu’il s’est déplacé deux fois (une première fois pour introduire sa demande ; une deuxième, pour retirer sa réservation), qu’il a payé d’avance, que le service auquel il s’est adressé a bien fait le nécessaire en écrivant ou en téléphonant à temps à Bruxelles, au bureau en question...
En période de pointe, quand tout se fait à la main par un personnel sollicité de toutes parts, il n’est pas facile de suivre le rythme accéléré des demandes. On ne peut pas non plus adapter au mieux la composition des rames à des besoins qui se modifient jusqu’au moment du départ ; dans le système actuel, on est d’ailleurs obligé de mettre fin aux réservations au moins vingt-quatre heures avant le départ.
Quand il s’agit d’un train qui a son point de départ dans un pays étranger, la réservation est encore plus lente et moins sûre. Les demandes doivent être adressées par la poste au bureau central du pays intéressé, parfois même à la gare de départ du train en question ; la réponse se fait souvent attendre...
Depuis plus de dix ans, on est persuadé que les ordinateurs, dont les mémoires sont sûres et qui peuvent répondre quasi instantanément quand on les interroge, sont à même d’apporter la solution idéale au problème.
Les installations centrales coûtent d’autant plus cher que leur appareillage doit être dédoublé afin d’éviter, en cas de dérangement d’un appareil, une mise hors service complète.
Un système autonome belge aurait été peu rentable, du fait que la réservation est limitée aux trains internationaux, soit une cinquantaine par jour. Aussi, pour diminuer les frais, a-t-on envisagé d’emblée l’utilisation en commun d’un même centre électronique par deux ou plusieurs administrations ferroviaires.
Il s’indiquait donc d’attendre le moment où l’un des réseaux avec lesquels nous échangeons le plus de trains internationaux, l’Allemagne ou la France, se déciderait à installer chez lui la réservation électronique des places.
Au début 1968 déjà, la Deutsche Bundesbahn proposa de raccorder, dès le 1-2-1971, le réseau de réservation belge à l’ordinateur de Francfort. Après examen, la proposition fut acceptée.
L’Autriche et le Luxembourg ont également décidé de se raccorder au même centre électronique.
Il résulte de ces accords qu’on pourra réserver instantanément des places dans tous les trains internationaux, T.E.E. compris, au départ de la Belgique, de l’Allemagne (R.F.), du Luxembourg ou de l’Autriche, quelle que soit leur destination (donc aussi dans les trains Bruxelles - Paris, mais pas dans ceux Paris-Bruxelles). Il en sera de même dans tous les trains à places réservées du service intérieur des réseaux qui assurent un service plus étendu de location.
Pour la plupart des trains, la réservation sera ouverte deux mois à l’avance ; le délai sera de trois mois pour les trains T.E.E., de six mois pour les trains autos-couchettes.
En France, la mise en service d’un équipement central est actuellement prévue pour le service d’été de 1972. Un accès ultérieur à cet équipement sera possible.
L’installation de réservation électronique comprend essentiellement :
- deux ordinateurs centraux à Francfort ;
- des postes d’interrogation-réponse répartis sur les territoires desservis, et reliés à l’ordinateur par un réseau spécial de transmission ;
- quelques téléscripteurs spéciaux, installés dans les gares de formation.
Les deux ordinateurs de Francfort travaillent simultanément en permanence, avec une série de programmes différents, et sous le contrôle d’un programme de coordination.
Sont reliés aux ordinateurs par voie d’une série de commutateurs :
- les unités nécessaires pour l’introduction et la reproduction des données : une imprimante, un lecteur-perforateur de bandes et un lecteur de cartes ;
- une série double de quatre groupes de disques magnétiques de mémoire, capables d’enregistrer toutes les données concernant les places disponibles et réservées de mille trains par jour.
Quand une demande de réservation arrive aux ordinateurs, elle est tout d’abord vérifiée ; s’il y a erreur, un numéro de code indiquant ce qui ne va pas est immédiatement renvoyé.
Si la demande est recevable et qu’il reste des places, le nombre et le genre des places désirées sont enregistrés dans la machine, et la réponse, établie sur-le-champ, donne les numéros de la voiture et des places.
Si la demande ne peut plus être satisfaite, la réponse est négative et le motif du refus est joint.
Eventuellement, le client peut alors modifier sa demande et faire reconsulter la machine.
Il ne faut pas plus d’une demi-seconde à la machine pour réserver une place dans n’importe quel train.
Sur notre réseau, onze gares importantes, ainsi que seize agences de voyage, seront équipées de postes d’interrogation-réponse, qui seront toujours à même d’entrer immédiatement ou après un court délai en relation avec le centre de Francfort.
Ces postes de desserte (voir figure) présentent l’aspect d’une machine à calculer de table ; ils comportent un clavier numérique et, sur le côté supérieur, une « imprimante » qui communique la réponse de l’ordinateur sur une carte appropriée.
La demande de réservation est établie par un employé au moyen du clavier et elle est reprise en mémoire dans le poste ; l’employé vérifie s’il n’a pas fait d’erreur, introduit une carte en blanc dans l’imprimante et pousse sur un bouton spécial pour envoyer le télégramme. L’envoi prend environ six secondes. Dix secondes plus tard, l’impression de la réponse est terminée.
Environ trois heures avant le départ, les souches de réservation sont imprimées dans la gare de formation du train par un téléscripteur spécial, actionné par l’ordinateur de Francfort. La seule intervention de personnel se limite à la mise en place dans les compartiments des souches de réservation.
Nous avons dit que le nouveau système entrera en vigueur le 1-2-1971. La plupart des autres réseaux européens instaureront eux aussi la réservation électronique, avec des relations réciproques entre les différents systèmes nationaux.
On peut raisonnablement escompter l’élimination quasi complète des erreurs et des doubles réservations. Le client s’en réjouira. Les délais d’attente seront supprimés. Au surplus, il aura plus de choix pendant plus longtemps ; les réservations ne seront closes que très peu de temps avant le départ des trains.
Le chemin de fer y trouvera aussi son avantage : il pourra connaître à tout instant l’état des réservations et aménager en conséquence le programme des trains en période de pointe. Quant à la comptabilité, elle aussi sera automatique.
Source : Le Rail, novembre 1969
Rixke Rail’s Archives