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Faut-il mettre au rancart le mot « cheminot » ?

lundi 14 avril 2025, par Rixke

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Dans la revue Railway Age, G. Welty a publié un article consacré aux transports du XXIe siècle. Il rêve d’un réseau national des transports, en étant certain que ce rêve se réalisera « parce qu’il le faut » : les transports devront être coordonnés pour faire face aux besoins.

Pour l’auteur, il faudra oublier des dizaines d’années de disputes entre modes de transport ; les routiers devront changer leur mentalité ; les hommes du rail aussi. « Les générations précédentes de cheminots, dit-il, étaient des hommes de chemin de fer. Certains ont négligé les occasions de développement dans d’autres formes de transport alors qu’il était possible de le faire. La plupart d’entre eux étaient avant tout intéressés à se bâtir une réputation de bon cheminot. Ils opéraient à une époque absolument différente. »

Aujourd’hui, fait remarquer l’auteur, les cheminots abordent les problèmes du rail d’une façon plus commerciale. Il faut d’abord être transporteur avant d’être homme du rail, et notamment s’intéresser au transport de bout en bout. « La containérisation, dit G. Welty – qui n’est plus seulement un mot ronflant –, a apporté une aide à cette sorte de développement, comme l’a fait le rail-route conventionnel. Mais, même les transports par containers n’ont pas atteint le rendement maximal, et d’autres essais de coordination sont restés en deçà du but – peut-être en raison de ce qu’un observateur appelle la répulsion naturelle d’un mode de transport à partager son activité avec un autre. »

II ne nous appartient pas de prendre position en suivant ou non l’auteur de l’article dans toutes ses conclusions. En restant à notre place d’informateur, nous pensons bien faire en recopiant encore les considérations que voici : « Le temps est donc venu de laisser de côté les inimitiés, les guerres, les escarmouches et les médisances passées. Le temps est venu pour tous les dirigeants des transports – rail, route, voies navigables, maritimes, pipe-lines ou aviation – de considérer leurs entreprises et eux-mêmes comme une part de l’ensemble, et non comme des entités séparées et isolées. Le mépris est une chose qui ne peut être tolérée plus longtemps entre un mode de transport et un autre. La lutte doit cesser. La concurrence doit être redéfinie. C’est un constructeur de routes qui a dit : Tous les modes de transport sont complémentaires, on devraient l’être, plutôt que concurrentiels. »

Pour G. Welty, les transporteurs par rail sont au premier plan : jusqu’à présent, ils sont les seuls avocats sincères des transports « multimodaux ».

« Cheminot » a désigné à l’origine le manœuvre qui allait de chantier en chantier de terrassements. Loin d’être mis au rancart, ce terme, qui s’est enrichi au cours des âges, va-t-il désigner demain le transporteur qui, tantôt, de l’expéditeur au destinataire, fait tout le chemin, tantôt, du lieu de départ au lieu d’arrivée, fait faire tout le trajet ?


Source : Le Rail, mai 1970