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« Rue de France, 85 » à Bruxelles-Midi

mardi 22 avril 2025, par Rixke

Alors qu’une bonne partie des cheminots – le personnel du mouvement en particulier – est habituée à passer d’un lieu de travail à un autre, les agents de la direction changent peu souvent de résidence administrative. Il est exceptionnel qu’ils doivent le faire pour des raisons de service à la suite d’un déménagement collectif. Des bureaux de la direction vont quitter le 21 rue de Louvain, le 23 Putterie, le 47 B avenue Fonsny, le 76 rue Belliard, le 80 rue du Progrès, pour se retrouver au 85 rue de France. Un tel changement méritait quelques commentaires ; nous sommes allés les demander à M. Bibauw, ingénieur en chef, dirigeant le service 34 (Bâtiments) de la direction V.

– Monsieur l’Ingénieur, le jour où paraîtra notre entretien, les responsables du débarquement « rue de France » auront pu se rendre compte si, après une minutieuse préparation, l’opération qui a fait l’objet de leur souci pendant de longs mois « s’effectue suivant le plan prévu ».

– En effet, il faut transborder 800 agents et leur paquetage ! Et la bataille s’engage sur deux fronts : envahissement du nouvel immeuble d’une part, redistribution interne rue de Louvain d’autre part.

– Quelles sont les directions qui débarquent rue de France ?

– Les directions V., P.S. et C, ainsi que l’agence commerciale de Bruxelles.

– Leurs services respectifs seront-ils tous regroupés sans exception ?

– En principe, oui, mises à part des unités comme la masse d’habillement et l’école professionnelle, dont les besoins en locaux particuliers ne pouvaient être satisfaits dans le nouvel immeuble de la rue de France.

– Et le service médical ?

– Tout le service médical de la direction P.S. passe rue de France.

– Tant pour ce service que pour notre revue, nos abonnés sont habitués à s’adresser 76 rue Belliard, à l’ancien bâtiment du Grand Central. Eux aussi devront s’adapter au changement.

– Peut-être serait-il bon d’ajouter que le centre régional du groupe de Bruxelles reste, lui, rue du Progrès.

– Voilà qui est fait. Et qui de meure à la rue de Louvain ?

– Outre la direction générale, les directions E., M.A. et E.S. De plus, les services de ces directions qui sont actuellement disséminés dans Bruxelles viennent se regrouper dans le même bâtiment.

– Il y aura sans doute aussi des exceptions ?

– Oui, mais rares, et toujours en raison de besoins particuliers. C’est ainsi que tous les bureaux des services 23, 25, 26 et 72 seront réunis désormais rue de Louvain, mais que l’imprimerie centrale restera à la Petite-Ile et que le laboratoire E.S. ne quittera pas encore la rue Masui prolongée.

– Toutes ces précisions nous amènent aux raisons de ces déménagements.

– On les aura déjà comprises. En prévoyant un nouveau bâtiment rue de France, il s’agissait de regrouper les fragments des services qui, faute de place à l’Hôtel des Chemins de fer, ont dû supporter depuis plus de 25 ans les inconvénients d’une dispersion, sans compter quelques pérégrinations accomplies pendant la période d’achèvement de la Jonction ; d’autre part, une décompression devenait indispensable à la rue de Louvain, où une redistribution rationnelle des locaux pourra enfin s’accomplir pour le plus grand bien du personnel, dont les conditions de travail seront ainsi améliorées.

– Une première chose est assurée. Ceux qui resteront rue de Louvain seront mieux lotis que précédemment, et le regroupement des directions E., M.A. et E.S. est certainement opportun.

– Il en sera de même pour ceux qui déménageront rue de France.

– Le regroupement des services V., P.S. et C. s’imposait aussi, mais quelle sera l’ambiance, comme on dit, des nouveaux bureaux ?

– La question serait délicate si l’esprit d’adaptation des cheminots n’existait pas. Sans doute, des réactions personnelles seront influencées par d’autres facteurs que ceux qui résultent des aménagements modernes prévus pour les nouveaux pensionnaires du quartier du Midi.

– Nous avons entendu dire que ceux-ci étaient tels qu’ils feraient vite oublier les inconvénients qui résulteront pour certains de déplacements plus longs, pour d’autres d’habitudes acquises. Mais avant d’aborder ces aménagements, parlons, si vous le voulez bien, d’une question qui a effleuré les esprits depuis la tragédie de la rue Neuve. Quelles sont les mesures prises contre l’incendie ?

– Rien n’a été négligé ni épargné. Les services des pompiers ont imposé d’ailleurs des mesures draconiennes qui débordent largement du cadre des législations parues au Moniteur. L’immeuble comporte une vingtaine de « compartiments » séparés par des sas coupe-feu ; chaque local a son « détecteur », chaque compartiment ses responsables d’alerte et son signal d’alarme. Nuit et jour, un veilleur reste à portée du tableau synoptique de contrôle qui, à l’instar du T.C.O. bien connu des signaleurs, indique immédiatement dans quel compartiment un détecteur a « reniflé » quelque chose. Aussitôt, le préposé coupe le courant des électro-aimants qui retenaient les portes coupe-feu en position ouverte : elles se referment en isolant les cages d’escaliers, qui peuvent ainsi être mises en surpression. Les portes peuvent cependant s’ouvrir sous une simple poussée venant de l’extérieur pour permettre à quiconque d’accéder aux escaliers. L’alerte a déjà été donnée aux responsables des « compartiments détectés » au moyen d’un appareil téléphonique spécial émettant une sonnerie d’alerte ; un voyant lumineux s’allume en outre. Si l’alerte n’est pas démentie en un temps-record, l’alarme se déclenche et, en deux ou trois minutes, les pompiers prendront la relève du gardien au poste de commandement du rez-de-chaussée, véritable Q.G. d’où l’on peut diriger toute la manœuvre : ordres d’évacuation, éclairage de secours, mise en position de sécurité de tous les clapets coupe-feu dans les gaines de ventilation (pour autant que des dispositifs automatiques ne l’aient déjà fait), et j’en passe.

– Dans ces conditions, le développement d’un incendie est impossible. Toute crainte à ce sujet est écartée. Mais certains redoutent de devoir vivre en espace clos.

– Quand un bâtiment est équipé d’un système à température contrôlée, cela implique des fenêtres fermées en permanence. Mais la possibilité d’ouvrir les fenêtres en cas de nécessité subsiste : on élimine dès lors toute psychose du genre « claustrophobie » et en même temps on facilite les opérations de nettoyage extérieur. Et puisque nous parlons des fenêtres, ajoutons que l’expérience acquise a conduit à l’installation de stores vénitiens extérieurs pour combattre l’excès de chaleur solaire quand nous sommes gratifiés d’un été du type 1969.

– Pourquoi a-t-on choisi le réglage de la température au moyen d’éjecto-convecteurs ?

– Il y a un double motif. Tout d’abord, les fenêtres à double vitrage peuvent rester fermées en tout temps, ce qui atténue très fortement les bruits provenant de la rue. Ensuite, on ne dispense pas uniquement de l’air chaud : on a aussi la possibilité de contrôler la température en envoyant de l’air frais et filtré en période de fortes chaleurs. Tout cela se passe automatiquement car il y a un thermostat pour chaque groupe de deux fenêtres. Le système utilisé rue de France, qui s’est révélé excellent, ne provoque aucun courant désagréable, élimine de l’air tout ce qui est nuisible et est parfaitement silencieux.

– Le confort, c’est aussi une question d’ouïe.

– Malgré les plafonds bas – nécessité économique impérieuse –, l’acoustique est bonne grâce aux revêtements absorbants : plafond revêtu d’un vinyle épais, cloisons absorbantes et isolantes, et ce tapis plain dont tous les bureaux seront dotés pour le confort de tous et le plaisir des yeux.

– A ce propos, quels seront l’éclairage et les couleurs ?

– L’éclairage par tubes fluorescents au plafond est conforme en tous points aux normes récemment imposées par le législateur ; il s’agit donc d’un éclairage général d’une intensité amplement suffisante pour permettre la suppression des lampes de table. Quant aux couleurs, on a joué avec les contrastes : tapis foncé vert olive, cloisons et plafonds blanc cassé, armoires et plateaux de bureau aux tons chauds et dorés du bois de teck.

– Tout cela contribuera au confort général. Mais chacun sera-t-il bien servi individuellement ?

– Un atout majeur nous a été donné pour gagner la bataille de l’« ambiance » : le nouveau mobilier. On espère que la disparition de la « table » de commis, doté maintenant d’un « bureau » à tiroirs et classeurs de modèle élégant, surface de bois, sera unanimement appréciée. Finis le simili-cuir, les sous-main gênants, les vieux tiroirs : on fait confiance à l’employé en lui donnant un outil de choix, robuste, élégant, fonctionnel. Sa vieille chaise est remplacée par un siège pivotant rembourré.

– Serait-ce du luxe ?

– Détrompez-vous : quand on est conscient de la valeur locative d’un mètre carré de bureau, on ne gaspille pas l’espace vide sous les tables ; mieux vaut les équiper de spacieux tiroirs-classeurs que de poser de coûteuses et encombrantes armoires le long des murs. Car malgré les 2.000 m d’armoires-cloisons, on n’a jamais trop d’espace pour travailler « dossiers présents » et éviter au maximum les courses aux dépôts d’archives.

J’ajoute en passant, pour clore cette précision à propos du mobilier, que cette étude de rationalisation des équipements s’est révélée très efficace et a dépassé de loin les premières perspectives ébauchées dans ce domaine.

– En somme, le bureau n’est pas le reflet d’individualismes juxtaposés mais d’un esprit d’équipe.

– Tous ceux qui l’ont compris applaudiront à l’abolition d’un excès de cloisons et à la généralisation des bureaux collectifs que les esprits jeunes adoptent d’emblée.

– Cela va de soi. Mais l’esprit a besoin de reconstituants matériels. Outre un air pur, un éclairage agréable et une ambiance dénuée de bruits énervants, le corps demande des aliments dégustés dans un cadre reposant.

– Nous avons prévu une cuisine ultra-moderne et un restaurant des plus accueillant. Les installations sont appropriées pour recevoir en même temps 350 personnes. Un système d’autoservice permettra à chacun d’être servi très vite et copieusement.

– Merci, monsieur l’Ingénieur, pour vos précisions. Nous aurons encore l’occasion de reparler de la rue de France à propos des installations du Service médical, des installations remarquables, nous a-t-on dit, sur lesquelles tous les bénéficiaires du F.O.S. aimeront en savoir plus.


Source : Le Rail, juin 1970