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L’électrification de la ligne Liège - Namur

R. Decooman.

dimanche 18 mai 2025, par Rixke

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Le 27 de ce mois, date d’instauration des horaires d’hiver, la traction électrique sera mise en service simultanément sur les lignes Liège - Namur et Anvers Central - Saint-Nicolas.

Grâce à la modernisation de la ligne Liège - Namur, la traction électrique sera continue sur l’itinéraire Paris - Ruhr - Hambourg, dont les autres sections belges avaient été électrifiées : Namur - Jemeppe-s/Sambre en 1957 ; Jemeppe-s/Sambre - Charleroi en 1959 ; Charleroi - Erquelinnes en 1964 ; Liège - Verviers - frontière allemande en 1966.

Nouveau quai à Flémalle Grande

La ligne Liège - Namur est l’une des plus anciennes du réseau belge. Jusqu’à la dernière guerre, elle fut exploitée par la Compagnie du Nord Belge. C’est en 1941 seulement qu’elle a rejoint le giron de la S.N.C.B. Ligne de vallée assurant la liaison des deux bassins miniers et industriels de Charleroi et de Liège, section de l’artère internationale joignant le nord de la France à la vallée du Rhin et à la Ruhr, elle connut dès l’origine un trafic extrêmement intense et varié.

Trains lourds de charbon, de minerais, de coke, de chaux, de produits métallurgiques, de pièces mécaniques, alternent avec les trains de voyageurs de toutes catégories : convois de main-d’œuvre pour les industries riveraines, trains omnibus de desserte locale, trains semi-directs et directs de Liège à Charleroi, trains internationaux comme le Nord-Express de Paris à Moscou, le Paris-Scandinavie Express et, plus récemment, les TEE Paris-Ruhr et Parsifal.

Et pourtant, l’infrastructure, à laquelle l’industrie dispute les surfaces disponibles sur les rives de la Meuse, n’a jamais pu se mettre très à l’aise. Des gares étriquées, des voies de garage insuffisantes, des raccordements multiples en voies principales, une voie unique entre Huy et Statte, accumulent de longue date les difficultés d’exploitation.

La dualité Nord Belge - S.N.C.B. ne fut pas, pendant plusieurs décennies, favorable à la modernisation des gares communes de Liège Guillemins, Flémalle Haute, Statte et Namur, sans parler des triages de Kinkempois et Renory.

Après la Libération, au moment où s’imposait d’urgence le relèvement rapide des ruines accumulées par la guerre, la reprise du Nord Belge plaça la S.N.C.B. devant la tâche supplémentaire de moderniser l’infrastructure Liège - Namur et de l’adapter aux besoins nouveaux.

Après 1950, deux phénomènes devaient encore bouleverser profondément les données du problème. L’essor de l’automobile allait rendre intolérables les multiples passages à niveau qui jalonnent la ligne. D’autre part, le déclin des charbonnages et la reconversion économique survenaient au moment où l’unification européenne ouvrait la voie aux grandes concentrations industrielles.

 Les travaux

La ligne Liège - Namur telle qu’elle apparaîtra dans quatre semaines aux voyageurs des premiers trains électriques est bien différente de ce qu’elle était encore au milieu de la précédente décennie.

Des outrages d’art ont permis de supprimer des P.N., entre outres à Beez, Ampsin et Marche-les-Dames.

Sur une section de 3 km, entre la gare de Flémalle Grande et le point d’arrêt du pont de Seraing, le tracé même du chemin de fer a été modifié. Les voies anciennes, qui sectionnaient la commune de Jemeppe-sur-Meuse et ses grandes usines, et comportaient six passages à niveau en pleine agglomération, ont été déplacées vers le nord au pied de la colline, sur la plate-forme reconstruite de l’ancien chemin de fer Flémalle - Ans.

Une autre section, celle qui traverse Flémalle-Grande, a été relevée de 7 m pour permettre la suppression des passages à niveau et faciliter les relations entre les deux parties de la commune.

Des ouvrages d’art ont été modifiés de façon à rendre la ligne plus rapide ; c’est notamment le cas à Namèche.

La section à voie unique Huy - Statte, en tunnel, a donné lieu à la spectaculaire construction d’un nouvel ouvrage à double voie, de tracé amélioré (vitesse autorisée : 90 km/h au lieu de 50). « Le Rail » a décrit ce travail dans son numéro de juillet 1969.

Les gares importantes de la ligne ont été profondément remaniées. Flémalle-Haute dispose dès maintenant de quais modernes avec couloir sous voies et d’un passage inférieur prêt pour l’accès à l’autoroute de Wallonie. Dans la suite, une courbe de raccord sera construite entre Flémalle Annexe et le point d’arrêt de la rue du Général Léman, la ligne vers Seraing sera déviée et relevée pour supprimer le passage à niveau de la chaussée Wilson et les installations industrielles de Flémalle Annexe seront modernisées.

Huy a vu s’étendre ses quais à voyageurs, et Statte, ses installations à marchandises.

Sur l’ensemble de la ligne, un système cohérent de voies d’évitement de grande longueur a été installé pour permettre une intensification de la desserte « voyageurs » sans nuire à l’important trafic des marchandises.

Block automatique et signalisation de contrevoie règlent maintenant la circulation des trains, tandis que les installations des gares sont commandées par des postes tout relais. Grâce à une installation en cours de réalisation, les trois nœuds de Flémalle, Huy et Namur concentreront dès 1972 la plupart des commandes de toute la ligne.

Vue extérieure du poste « tout relais » de Java.

Une sous-station de traction a été construite à Statte, deux postes de sectionnement à Flémalle-Haute et Sclaigneaux, deux sous-stations de signalisation à Flémalle-Haute et Huy-Nord, deux cabines de signalisation à Beez et Java. De nombreux bâtiments à voyageurs ont été restaurés et aménagés.

 Accélération

Grâce à la modernisation de l’infrastructure dont elle s’est accompagnée et aux puissances accrues qu’elle met à la disposition de l’exploitation, l’électrification permet une sérieuse refonte du service des trains de voyageurs.

Les gains de temps de parcours en trajet direct sont appréciables. Quatorze trains Liège - Paris et retour verront leurs horaires raccourcis en moyenne de 30 minutes. Les plus rapides assureront dorénavant la relation à la vitesse moyenne de 110 km/h.

La ligne Liège - Namur bénéficiera dorénavant d’une desserte rapide et cadencée. Chaque heure, un semi-direct avec quatre arrêts intermédiaires reliera Liège à Namur en 45 minutes au lieu de 56. Il sera en correspondance à Liège avec le train de Verviers, à Namur avec celui d’Arlon. Il sera prolongé jusqu’à Mons et, une fois sur deux, jusqu’à Mouscron.

Chaque heure encore, un omnibus reliera Liège à Namur en 70 minutes au lieu de 100. Il sera en correspondance aux extrémités avec le semi-direct de Bruxelles.

 Planification

L’électrification Namur - Liège a requis la collaboration de nombreux services de la S.N.C.B. et de multiples entreprises privées de travaux publics, sans parler des organismes officiels et privés impliqués dans des travaux connexes : Ponts et Chaussées, Urbanisme, administrations communales, grandes sociétés industrielles.

L’action des services du chemin de fer et de leurs entrepreneurs a pu être coordonnée avec suffisamment de bonheur pour que la date d’inauguration, fixée il y a quatre ans, soit scrupuleusement respectée. Cette coordination est l’œuvre du bureau de planification de la Direction générale de la S.N.C.B. Ce bureau a d’emblée appliqué les méthodes les plus modernes, vulgarisées sous le nom de planification PERT.

Une analyse approfondie des multiples tâches à exécuter, tant administratives que techniques (études et constructions), de leur durée, de leur succession obligée, a conduit à l’établissement, en octobre 1966, d’un planning qui, tout au long du travail, a guidé le déroulement des opérations.

La nouvelle passerelle de la rue des Vignes à Huy.

Ce n’était pas chose aisée que de transformer aussi profondément une infrastructure de transport maintenue en exploitation intensive. Rien de commun avec la construction d’une autoroute, qui peut s’opérer en site vierge, en dehors de toute circulation. Ici, il a fallu non seulement faire passer les nombreux trains de marchandises et de voyageurs, mais encore ne leur infliger que le moins possible de retard. La clientèle de la ligne a stoïquement supporté pendant quatre ans les allongements de temps de parcours qui lui étaient imposés, mais, comme on l’a vu, l’épreuve touche à son terme, et la récompense est imminente, sous forme d’une desserte nettement accélérée et intensifiée.

 La conduite des trains électriques

L’électrification Liège - Namur astreindra le personnel de conduite des trains à se soumettre, pour la seconde fois en quinze ans, à une reconversion du mode de traction.

Ce personnel a déjà manifesté, lors du passage de la vapeur au diesel, une parfaite compréhension de la loi du progrès, compréhension dont il saura, on ne peut en douter, faire à nouveau preuve à l’occasion de la mutation diesel-électricité.

 L’avenir

L’électrification Liège - Namur sera suivie de celle de ses deux antennes principales : Flémalle - Kinkempois - Bressoux et Liège-Guillemins - Liège-Palais - Herstal - Ans.

Flémalle - Kinkempois - Bressoux intéresse au premier chef le trafic des marchandises remanié dans l’important triage de Kinkempois où, depuis la Libération, a été concentré le trafic dispersé avant-guerre dans une demi-douzaine de gares différentes du bassin. L’électrification de cette section comporte également un volet « voyageurs » consistant principalement dans le transport de la main-d’œuvre des grandes usines métallurgiques.

Liège Guillemins - Liège Palais - Herstal - Ans est une véritable pénétration souterraine urbaine que nous a providentiellement léguée le passé, et dont l’électrification seule permettra de tirer tout le parti possible pour instaurer une desserte ferroviaire fréquente du centre de la ville : le point d’arrêt de Liège Palais est à 100 m à peine du cœur urbain que constitue la place Saint-Lambert ; il est du reste inclus dans le programme d’aménagement général envisagé pour ce nœud vital de communications de l’agglomération.

Vue de la gare de Huy vers Liège.

L’électrification de la section à double voie en souterrain au pied de la colline pose un problème technique particulier d’agrandissement préalable de l’ouverture du tunnel pour pouvoir y installer les fils d’amenée du courant de traction. Encore un problème où nos techniciens et nos entrepreneurs sauront montrer leur savoir-faire.

L’électrification Liège-Guillemins - Liège-Palais - Herstal - Ans va doter l’agglomération du complément indispensable à la construction d’un réseau ferré électrique suburbain cohérent.

De Liège-Palais rayonneront des antennes électrifiées : Herstal - Ans - Hesbaye ; Flémalle - Huy ; Chênée - Verviers, avec l’embranchement vers Spa.

La voie sera ouverte à une nouvelle étape de modernisation de la desserte de l’agglomération. Ainsi, le chemin de fer pourra-t-il apporter sa collaboration à la solution du problème de la circulation dans le centre de la ville, en connexion étroite avec les transports en commun urbains, eux-mêmes en voie de profonde réorganisation.


Source : Le Rail, septembre 1970