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La ligne Manage - Mons électrifiée !

Georges Finet.

mercredi 2 février 2011, par rixke

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L’électrification du tronçon Mons-Manage va entraîner la destruction du bâtiment de la gare d’Obourg.
Or sur la façade dudit bâtiment est apposée une plaque commémorative, rappelant que le 23 août 1914, près de cet endroit, le 4e Bataillon du Régiment de Middlesex a engagé la « Bataille de Mons » et qu’un soldat britannique, juché sur le toit de la gare, a sacrifié sa vie pour couvrir la retraite de ses camarades. La gare démolie, on conservera le pan de mur où se trouve scellée la plaque.
Le mur se transformera ainsi en monument commémoratif.

 Historique.

Voici les dates qui marquent l’histoire de la ligne Manage - Mons, ouverte au trafic en trois épisodes : le 20 janvier 1848 entre Manage et Bracquegnies en même temps que le tronçon La Louvière - Bascoup via Mariemont ; le 1er juin 1849 entre Bracquegnies et Nimy ; et entre Nimy et Mons le 20 octobre 1849. Elle a attendu cent trente et un ans (jusqu’au 23 septembre 80) donc avant d’être modernisée et de profiter à son tour des grands avantages de l’électrification.

Gare de La Louvière

L’étude et la réalisation de cette ligne avaient dû vaincre de multiples difficultés d’ordre politique et économique. Après la mise en exploitation des lignes de chemin de fer de Bruxelles à Mons (inaugurée le 28 décembre 1842) et de Braine-le-comte à Namur via Manage, Luttre et Charleroi (inaugurée le 2 août 1843), les patrons charbonniers de la région du Centre s’estimèrent défavorisés vis-à-vis des houillères du Borinage et du Pays de Charleroi qui, toutes, au fil du temps s’étaient reliées aux nouvelles lignes par des embranchements particuliers. Elles se trouvaient ainsi avantagées pour l’acheminement de leurs produits, plus rapide et moins cher, vers les industries et clients utilisateurs.

Le 14 avril 1845, un projet de loi fut déposé par le ministre des Travaux Publics M. Dechamps, originaire de Manage. Il défendait l’idée de la construction d’une ligne de Mons à Manage - deux gares du réseau Etat - à concéder, selon lui, à une société privée, ce qui évitait toute mise de fonds et partant tout risque de la part de l’Etat.

Ce projet fut vivement combattu par les parlementaires élus à Mons et à Charleroi, soucieux de maintenir les avantages économiques dont bénéficiaient les charbonnages de leurs régions respectives. Mais finalement, le projet, mis aux voix, fut adopté par 58 voix contre 5 à la Chambre et 10 abstentions et au Sénat par 33 voix contre 1. L’intérêt général l’avait finalement emporté sur un régionalisme exacerbé.

Pont de La Louvière

La concession fut accordée à M. Georges Robert d’Harcourt de Londres qui signa la convention avec le ministre des Travaux Publics au nom de sa compagnie dénommée la « Compagnie du Centre ».

Le trafic de cette ligne était alors grosso modo celui que nous connaissons aujourd’hui ; un embranchement quittait la ligne à La Louvière pour se diriger vers la future gare de Haine-St-Pierre (antérieurement Baume) et de là vers Bascoup via Mariemont. Le raccord de la bifurcation de Bois d’Haine à Manage qui aboutissait devant la gare ne fut dévié à son emplacement actuel qu’en 1891. La courbe de La Paix reliant directement Mons à Haine-St-Pierre fut inaugurée en 1923. Le centre névralgique de la ligne, avec remise, dépôt VT, services administratifs, fut, au début, situé à La Louvière dont la gare d’origine fut démolie en 1966.

La ligne à ses débuts était prévue exclusivement pour le service des marchandises ; plus tard, la compagnie organisa des services de voyageurs et marchandises, selon une mode qui se généralisait sur le réseau belge. Elle avait un certain temps organisé des trains mixtes comportant du matériel « voyageurs » et des wagons. Le 29 octobre 1854, la Société des chemins de fer de Namur à Liège usant d’une faculté prévue dans ses statuts avait cédé à bail, à la Compagnie française du Nord, la ligne de Namur à Liège.

Le 3 avril 1856, la Société du Centre donna à bail, à son tour, à la Compagnie du Chemin de fer du Nord, la section de chemin de fer de Mons à Manage qui devait prolonger la section Feignies - Mons déjà sous l’égide de la compagnie française.

Le gouvernement belge s’opposa à cette cession et racheta la ligne. En effet cette ligne prolongée vers Bruxelles via Nivelles et Groenendael était de 2 km plus courte que la ligne Mons - Bruxelles via Braine-le-Comte. Par ce rachat, le gouvernement obtenait ainsi trois grands avantages : « il empêchait, sans nuire aux concessionnaires, une extension qui pouvait avoir ses dangers de l’exploitation exagérée en Belgique d’une puissante compagnie étrangère ; il détruisait à jamais la possibilité d’une fusion ou d’une coalition de sociétés concessionnaires, nuisible aux recettes des chemins de fer de l’Etat ; il acquérait enfin une ligne ferrée, enclavée dans son exploitation déjà productive par elle-même et qui sous sa direction est susceptible de donner des résultats meilleurs encore. » (extrait du discours du ministre des Travaux Publics à la Chambre le 28 avril 1858).

Le 1er août 1858, la ligne Mons-Manage passait donc définitivement sous la direction « Etat ».

Non seulement tous les charbonnages furent embranchés sur la nouvelle ligne, mais les industries métallurgiques les plus diverses trouvèrent dans le chemin de fer un indispensable collaborateur. En 1862, le trafic « marchandises » de la ligne était de 61 333 tonnes. En 1879 il atteignait 364 143 tonnes. Grâce à l’apport des Usines Gustave Boël à La Louvière, fondées en 1850, et qui furent immédiatement reliées au réseau, des Cimenteries d’Obourg et de Thieu, on manœuvrait à Haine-St-Pierre formation, - gare principale et nœud ferroviaire du Centre, vers 1955-60 -, à l’époque de la splendeur des charbonnages, entre quinze cents et deux mille wagons par jour.

Ajoutons qu’en 1965, une courbe de raccord était posée entre Bois d’Haine et Familleureux pour pallier la suppression de la ligne Haine-St-Pierre - Houdeng - Ecaussines Carrières, déposée pour permettre la construction d’une autoroute. L’électrification de la section Manage - Mons ajoute un nouveau jalon à l’électrification de la transversale wallonne, exploitée via Manage - Luttre en attendant sa déviation par Haine-St-Pierre - Piéton, trajet plus court de 12 à 13 km que l’itinéraire via Luttre, et, partant, plus rapide puisque la vitesse autorisée atteindra 140 km/h sur une ligne nouvelle à créer entre Piéton et Marchienne-au-Pont. Pour la « petite histoire », ajoutons qu’en 1849 la ligne Manage - Mons fut armée de rails de 24 kg par mètre et qu’une firme de La Croyère - la firme Dupont non embranchée encore à la ligne et qui à partir de 1837 fabriqua des rails, en même temps que Cockerill - en fut le principal fournisseur. A partir de 1855, la firme Gustave Boël intervint également pour ce genre de fourniture [1].


Source : Le Rail, décembre 1980


[1Nous remercions M. Paul Van Bellingen, auteur, entre autres, de l’ouvrage « Haine-St-Pierre, nœud ferroviaire du Centre », qui nous a autorisé à nous inspirer de ses livres pour rédiger ce court historique de la ligne.