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Le Remorqueur
Th. Weustenraad.
mercredi 30 avril 2008, par
Théodore Weustenraad (1805-1849) n’a pas laissé une empreinte indélébile dans l’histoire des lettres françaises de Belgique, pour la bonne raison que notre littérature n’a pas alors encore pris son essor, qu’elle se pousse du col en imitant Paris et que, d’ailleurs, la plupart du temps elle le fait mal.
Weustenraad, ce sous-romantique partagé entre Lamartine et Saint-Simon, a eu le mérite néanmoins de mettre en scène, dans un poème qui fut célèbre en son temps, la locomotive qu’on appelait alors « Le Remorqueur » et en quoi il salue - en 1841 - l’annonciateur d’une nouvelle civilisation, sinon d’une nouvelle religion.
Certes, le ton de ce morceau, son emphase nous font un peu sourire aujourd’hui. Oserait-on s’adresser encore ainsi, même au TGV ? Bien sûr, les mots y eussent gagné à être quelque peu « refroidis » avant l’usage : ainsi surchauffés, ils placent le sujet en dehors des normes d’une stricte réalité.
Mais l’enthousiasme de Weustenraad, tout naïf qu’il soit, fait plaisir à voir.
Et puis, c’est un ancêtre, qui chante une ancêtre dont le souvenir nous fait chaud au coeur : la loco vapeur !
A.T.
Le Remorqueur
Symbole intelligent de force créatrice,Du canon détrôné sublime successeur,Héraut d’un avenir de paix et de justice,Salut, ô noble Remorqueur !Salut, géant d’airain aux brûlantes entrailles,Dont un souffle suffit pour relever du solTout empire écroulé sous ses mornes muraillesQue tu rencontres dans ton vol !Sous l’arche d’un tunnel sonoreIl s’est englouti, le géant,Emportant d’un pas de CentaureUn peuple muet et béant,Noir convoi de spectres funèbresQu’aux feux croisés de ses éclairsIl semble, au milieu des ténèbres,Mener en hurlant aux enfers.Sous un ciel vif et splendideIl reparaît à l’horizonDéroulant sa crinière humideAutour des arbres du vallonRépandant à flots sur l’argileL’or de ses rubis sulfureuxEt lassant par son vol agileLe vol de l’oiseau dans les cieux.
Source : Le Rail, novembre 1985