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Le chantier de bétonnage de Roulers
L. De Jongh.
mercredi 17 août 2011, par
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Depuis quelques années, une partie importante des ponts et la plupart des gros bâtiments sont construits en béton armé. Mais, en plus de ces ouvrages massifs, pesant des centaines de tonnes, qui sont érigés sur place, la Société fabrique, dans un même chantier, des milliers d’objets en béton, dont le poids varie entre quelques kilogrammes et une tonne. Ce travail se fait en régie, à Roulers.
La matière première
Un simple raccordement à la distribution de la gare fournit l’eau nécessaire.
Le concassé [1], le gravier, le ciment et les fers sont amenés par wagons.
Pour diminuer les frais d’approvisionnement, ces matières premières devraient être mises en œuvre dès leur arrivée. D’ailleurs, le ciment s’abîme vite. Mais il faut tenir compte, d’autre part, que les 120 agents du chantier ne sont bien utilisés que si la fourniture des matières n’est pas interrompue. Aussi, sur une aire en béton d’environ 2.000 m2, du sable et du concassé sont déposés pour pallier les difficultés d’approvisionnement.

Le ciment est fourni soit en vrac, soit en sac. Le ciment en vrac doit être consommé immédiatement. Une réserve de ciment en sac pour quelques jours de consommation est stockée dans un hangar spécial.

La fabrication du béton
Pour cette fabrication, on mélange, dans une bétonnière, des quantités déterminées de ciment, de sable, de concassé et d’eau (actuellement : 360 litres de concassé, 270 litres de sable, 150 kilos de ciment, avec la quantité d’eau nécessaire). Au total, 700 litres environ de matières solides sont introduits dans la bétonnière.

Avant 1950, le dosage se faisait au moyen de brouettes à volume connu (par exemple, 360 et 270 litres). Actuellement, ce système est encore utilisé pour le ciment en vrac. Mais, comme la distance entre les aires de déchargement et de stockage, d’une part, et la bétonnière, d’autre part, est assez considérable, les frais de transport par brouette du sable et du concassé revenaient trop cher : aussi a-t-on adopté une solution plus économique : une batterie de silos, que remplit un truck élévateur.






Le dosage se fait de façon semi-automatique : on laisse couler le sable et le concassé du silo dans des bacs de capacité donnée ; ceux-ci s’ouvrent sur un tapis roulant, qui déverse ces « granulats » dans la bétonnière.
Les 700 litres de matières solides sont mélangés avec 60 litres d’eau pendant quelques minutes et sont déversés, sous forme de pâte, dans des wagonnets Decauville. Les 760 litres primitifs se sont tassés pour ne plus faire que 500 litres. L’explication est facile : les concassés originaux ne s’emboîtent pas comme des cubes ; le sable a rempli les vides, tandis que les cristaux de ciment ont lié les concassés et le sable.
Cette pâte, nommée « béton frais », doit être mise en œuvre endéans les deux heures, sinon elle perd la faculté de se lier. C’est pourquoi on en remplit tout de suite cinq à huit wagonnets Decauville, que l’on dirige aussitôt vers les tables de travail.
Simple comme un jeu
Vous rappelez-vous comment vous faisiez des pâtés de sable ? Vous remplissiez un moule de sable humide, que vous battiez et lissiez, puis vous retourniez le moule, vous lui donniez quelques légères tapes et vous l’enleviez : le pâté était prêt.
Au chantier de bétonnage, on ne fait pas autrement.
On se sert de moules métalliques, dont les dimensions intérieures correspondent aux dimensions extérieures de la pièce à fabriquer.
On pose le moule sur une table vibrante, on le huile et on y introduit les armatures (voir le titre suivant).
La table vibrante est mise en marche, pendant que deux agents remplissent le moule de « béton frais », auquel un moteur électrique transmet 3.000 coups par minute jusqu’à ce qu’un lait de ciment grisâtre apparaisse à la surface. A ce moment, la vibration est arrêtée ; on lisse le béton, on retourne le moule et, après quelques coups légers, on l’enlève : la pièce de béton est prête.
Le ciment commence son œuvre et lie le concassé au sable. Après quelques heures, le béton possède déjà une résistance telle qu’il peut être déplacé prudemment.
La pièce en béton est ensuite stockée et peut, une semaine plus tard, être transportée vers sa destination.
Les dimensions des tables ne permettent pas la fabrication de pièces très longues (exemple : des poteaux). Pour en faire, on utilise deux tables vibrantes, en prenant soin que les deux vibreurs soient en phase, c’est-à-dire que les coups sur chacune des tables soient donnés juste au même moment.
Les tables vibrantes ne permettent pas non plus la fabrication de pièces très lourdes (exemple : des conduits d’égout). Dans ce cas, un vibreur de forme spéciale est attaché directement au moule, et ce dernier est enlevé après la fin de la vibration, tandis que la pièce achevée reste à durcir sur place.
Les armatures
A part quelques-unes de dimensions réduites, toutes les pièces en béton sont pourvues d’armatures. Normalement, nous faisons usage d’un treillis constitué de barres d’un diamètre de 5 à 8 mm. Il va de soi que les agents chargés du remplissage des moules ne peuvent pas s’occuper de la confection du treillis ; celui-ci doit arriver tout préparé. Une division spéciale se charge de cette préparation.

Supposons que nous devions réaliser une armature en cage, composée de barres d’un diamètre de 5 mm. La cage consiste en quatre barres, pliées en forme de U. réunies par cinq barres longitudinales. Les barres, fournies en longueur de 6 m., sont coupées au moyen de ciseaux mécaniques.
- Si nous n’avons besoin que de quelques treillis de même espèce, les quatre barres sont pliées en forme de U ; ensuite, chaque barre longitudinale est attachée à chacune des barres U au moyen d’un fil de fer mince. Cette opération exige beaucoup de temps et ne peut être appliquée qu’exceptionnellement ;
- Pour les treillis des produits normalisés (fabrication de quelques dizaines à des dizaines de milliers de pièces par an), on dispose d’un cadre en bois, pourvu d’ornières, adaptées au diamètre des barres ; on y dépose les armatures transversales et longitudinales ; on place les points d’intersection entre les deux électrodes d’une machine à souder par résistance, et, en quelques secondes, chaque barre longitudinale est soudée aux barres transversales. Le treillis plan est mis sur une table plieuse, et, d’un seul mouvement de bras, les quatre barres transversales sont pliées en forme de U. Le treillis parachevé est envoyé aux tables vibrantes.
Expédition
Le chargement des pièces de béton ne pose pas de problèmes spéciaux. Les pièces légères sont chargées à l’aide d’un truck à fourche. Les pièces mi-lourdes sont poussées, à la main, sur une pente à rouleaux, tandis que les pièces lourdes sont chargées au moyen d’une grue.
Et, dernière opération, on indique la destination sur le wagon, à côté de l’étiquette représentant un verre rouge et portant la mention « Fragile, à ne pas lancer ».
Tard dans l’après-midi, dix à quinze wagons s’en vont vers leur destination.
Source : Le Rail, janvier 1958
[1] Le concassé est une pierre naturelle qui, avant usage, a été cassée en petits morceaux. Le ballast de porphyre, utilisé dans la voie, est un concassé provenant de roches porphyres.