Accueil > Le Rail > Histoire > Les cheminots ont bien servi l’ « Expo 58 »

Les cheminots ont bien servi l’ « Expo 58 »

L. Verelst, inspecteur en chef, adjoint.

mercredi 12 octobre 2011, par rixke

Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]

1685 TRAINS SPÉCIAUX

1.312.000 tickets « tram-Expo » délivrés par nos gares

4.000.000 DE « VOYAGEURS EXPO »

Longtemps avant l’ouverture de l’Exposition internationale de Bruxelles, les organismes de transport public étudièrent comment ils pouvaient collaborer au succès de cette manifestation exceptionnelle. En plus de leurs participations en tant qu’exposants [1], les chemins de fer, et plus particulièrement notre Société, devaient, en tant que transporteurs de masses, jouer un rôle de premier plan. Aussi, les cheminots belges, en accord avec leurs collègues des réseaux voisins, ont-ils recherché, dès 1957, les mesures les plus appropriées pour transporter les milliers d’usagers du rail qui, chaque jour, allaient converger vers un point précis de la capitale.

 Quelle était l’ampleur du service à rendre ?

Les organisateurs de l’ « Expo 58 » se rappelèrent que 103.000 visiteurs en moyenne par journée avaient visité l’Exposition de Bruxelles de 1935. Il était évident que ce chiffre allait être largement dépassé en 1958, à la suite de divers facteurs tels que l’accroissement des populations, l’augmentation des revenus et l’engouement que manifestent, depuis quelques années, les travailleurs de toutes conditions pour les voyages hors frontières. Cet engouement était d’ailleurs avivé par une propagande, très bien menée, qui, dans le monde entier, familiarisait le thème de l’Exposition et faisait miroiter ses promesses.

Suivant des critères raisonnables, on estima que le nombre de visiteurs atteindrait une moyenne journalière de 175.000, soit près de 75 % de plus qu’en 1935, au total 35 millions. Ce chiffre parut fantastique ; les uns l’acceptaient difficilement, les autres n’y croyaient pas du tout. La S.N.C.B. estima que les prévisions avaient été rationnelles et s’organisa en conséquence.

La question qui se posait ensuite concernait les points de départ de ces 35 millions de visiteurs escomptés. D’où viendraient-ils ? Pour déterminer leurs origines respectives, on appliqua la loi de l’attraction universelle [2], qui se révéla applicable à un tel déplacement de personnes, compte tenu :

  • pour le visiteur étranger, d’un coefficient réducteur traduisant l’obstacle constitué par la frontière ;
  • d’un prolongement du séjour à Bruxelles suivant les distances ;
  • d’une visite quotidienne à l’Exposition.

De cette façon, on estima que, journellement, 157.000 visiteurs viendraient de Belgique et 18.000 de l’étranger.

Il va sans dire que cette masse de visiteurs allait se rendre à l’Exposition par toutes sortes de moyens, privés et publics. Des estimations, basées sur des hypothèses plausibles, établirent que le chemin de fer pouvait être choisi par une moyenne journalière d’environ 10.000 voyageurs belges et 2.300 étrangers, moyenne qui serait largement dépassée les samedis, les dimanches, les jours de fête et pendant la période des congés payés.

Telles furent les données sur lesquelles la S.N.C.B. put baser son programme d’action et de publicité.

 Les mesures d’organisation prises avant l’ouverture

Le transport supplémentaire de quelque 10.000 voyageurs belges et 2.300 étrangers par jour, avec des pointes marquées çà et là, ne pouvait être laissé à l’improvisation ; il devait se faire suivant un plan réfléchi et judicieusement établi. La Direction de l’Exploitation s’en occupa dès mars 1957, en collaboration avec tous les services intéressés.

Trafic international

Dans ce domaine, l’étude menée avec le concours des administrations voisines conclut à la nécessité, non seulement d’augmenter la composition normale des trains existants, mais aussi de prévoir des trains supplémentaires en relation avec Amsterdam, Cologne, Bâle et Paris. Dès octobre 1957, une organisation internationale « Expo » était au point.

Trafic intérieur

Il fut prévu que les trains ordinaires seraient renforcés au maximum, surtout aux heures précédant et suivant les heures normales d’ouverture des pavillons de l’Exposition.

De plus, la Direction de l’Exploitation et la Direction commerciale se concertèrent sur l’opportunité d’organiser des trains supplémentaires les samedis et les dimanches, avec heures d’arrivée et de départ appropriées, pour permettre aux populations des régions éloignées de passer une journée entière à Bruxelles.

Un point capital ne fut pas perdu de vue : la coordination entre la S.N.C.B. et la S.T.I.B. (Société des Transports intercommunaux de Bruxelles), dont les lignes arrivaient aux portes mêmes de l’Exposition. La S.T.I.B. étant soumise, en tant que transporteur urbain, à des impératifs majeurs, la gare de Schaerbeek fut choisie comme centre principal de jonction entre les moyens de transport des deux sociétés.

A partir de la mi-mai, avec des billets « Expo » à prix réduit...

Il fut donc décidé que, pendant la période d’été, presque tous les trains de passage à Schaerbeek s’arrêteraient dans cette gare et que les trains spéciaux y aboutiraient et en repartiraient, étant entendu qu’ils s’arrêteraient dans les autres gares de l’agglomération s’il y avait lieu et si c’était possible.

En conséquence, on libéra et on adapta certains faisceaux de garage à Schaerbeek (Formation) en vue d’y faciliter la réception et le séjour des rames « Expo ».

De son côté, la Direction commerciale, pour attirer le plus de voyageurs et pour obtenir le meilleur rendement des mesures prises par la Direction de l’Exploitation, entreprit une vaste campagne de publicité et mit au point, en accord avec les organismes intéressés, la question du ticket combiné « tram (ou autobus) et entrée à l’Expo » [3].

D’autres mesures, tout aussi nécessaires à la régularité du service et au confort des voyageurs, furent prises par les autres directions. Dans cet ordre d’idées, on peut citer :

  • Le retrait du service régulier, pour les besoins des trains de l’Expo, d’un certain nombre de rames métalliques et leur remplacement par des rames à remettre en état de circulation ;
  • L’accélération de l’entretien régulier du matériel à voyageurs ;
  • Les efforts pratiqués pour rafraîchir et orner les installations, les décorations florales, etc. ;
  • L’amélioration des éclairages ;
  • La campagne de courtoisie, dont les résultats allaient être particulièrement appréciés par les voyageurs, conquis par l’empressement et la serviabilité de nos agents.
A la fin septembre, l’engouement redoubla...

 Les mesures prises pendant l’exposition

A peine l’Exposition fut-elle ouverte que, déjà, la S.N.C.B. fut sollicitée, soit directement, soit à l’intervention d’agences spécialisées, pour mettre en marche, tant en service intérieur qu’en service international, de nombreux trains spéciaux à l’occasion d’excursions scolaires, de congés payés, de jours de fête, de manifestations diverses à l’Exposition même. A la fin de l’Exposition, 1.685 trains spéciaux avaient transporté 684.000 voyageurs.

A partir de la mi-mai déjà, la Direction commerciale eut l’heureuse idée d’accorder, les mardis, jeudis, samedis et dimanches, des réductions sur les billets « Expo », allant de 35 à 50 %, selon les distances. Le succès de cette mesure fut immédiat : certains trains des « heures creuses » durent être sensiblement renforcés, voire dédoublés.

Notons que nos gares ont délivré plus de 668.000 billets « Expo » à prix réduit et environ 1.320.000 tickets combinés « tram-Expo ».

Gare de Schaerbeek, centre principal de jonction entre la S.N.C.B. et la S.T.I.B.

On aurait pu croire que la reprise des classes, la fin des vacances et le commencement de l’arrière-saison allaient faire diminuer le nombre des visiteurs et particulièrement le nombre des usagers du rail. Il n’en fut rien, bien au contraire. Le 28 septembre, l’engouement redoubla, non seulement à Bruxelles, mais aussi en province et à l’étranger, au point que des mesures tout à fait exceptionnelles s’imposèrent pour ce jour-là. Ce phénomène se poursuivit et augmenta même les samedis et les dimanches suivants. Le 19 octobre, jour qui vit le maximum de visiteurs - n’a-t-on pas cité le chiffre de 900.000 ? - les trains spéciaux (vers et de Bruxelles) atteignirent le chiffre de 13 en service international et de 69 en service intérieur, soit au total 82.

C’est sur cette activité débordante, cet autre « feu d’artifice », que se termina la tâche difficile, mais allègrement portée, des cheminots.

 Mission accomplie

La Société avait estimé à 10.000 en moyenne, soit plus de 1.800.000 pour la durée de l’Exposition, le nombre de visiteurs à transporter en service intérieur. Compte tenu du nombre de tickets « Expo » vendus et du fait qu’une foule considérable de voyageurs ont pu se procurer des tickets d’entrée à d’autres sources et à d’autres conditions, il est certain que le chiffre de 1.800.000 a été atteint. Il a même été dépassé, si l’on tient compte du personnel de province occupé à l’Exposition qui utilisait le rail pour se rendre au travail.

Quant au service international, le nombre de voyageurs débarqués à Bruxelles pendant les mois de juin, juillet et août a dépassé journellement de 2.800 la moyenne journalière des mois correspondants de 1957. C’étaient sans aucun doute des visiteurs pour l’Exposition. Si le trafic des autres mois a été inférieur, il n’a pu ramener le chiffre au-dessous de la moyenne de 2.300, qui avait été escomptée.

Finalement, on peut, sans exagération, admettre que nos chemins de fer ont transporté, pour l’Expo 1958, quelque 2 millions d’usagers munis d’un titre de transport aller et retour, ce qui correspond somme toute à 4 millions de voyageurs.

Si la S.N.C.B. s’est ainsi acquittée de sa tâche avec brio, c’est grâce à la prévoyance, à l’initiative, à la vigilance et à la courtoisie de son personnel. Tous les agents du réseau ont participé solidairement à cet effort supplémentaire. Les uns ont eu un rôle de premier plan ; les autres, une mission plus effacée, mais l’ensemble de notre corporation s’est donné entièrement à la tâche, avec un cœur admirable, et a rendu, avec désintéressement, le service que le pays attendait.


Source : Le Rail, décembre 1958


[1Voir Le Rail n° 17, 20, 23et 24.

[2Quotient du produit des masses par le carré de la distance.

[3Ce ticket, délivré aux guichets des gares en même temps que le billet aller et retour (ou sur la présentation d’un titre de transport), comportait des souches détachables et couvrait le coût de l’entrée à l’Exposition ainsi que celui d’un trajet aller et retour en tram (ou en autobus) entre une des gares de l’agglomération bruxelloise et les abords immédiats de l’Exposition.