Accueil > Le Rail > Techniques > Le contrôle des moteurs diesel par l’analyse spectrographique des huiles (...)

Le contrôle des moteurs diesel par l’analyse spectrographique des huiles de graissage

J. Rigaux.

mercredi 16 novembre 2011, par rixke

Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]

Une installation unique en Europe

 Le moteur diesel

Vous savez que, dans une chambre, appelée cylindre, ce moteur « à combustion interne » transforme l’énergie contenue dans le combustible en travail mécanique, par la détente des gaz résultant de la combustion du gas-oil. Ces gaz agissent sur une pièce mobile, le piston, qui se déplace dans le cylindre et décrit un mouvement rectiligne alternatif. Le piston est relié à un arbre, appelé vilebrequin, au moyen d’une bielle, et ce système mécanique transforme le mouvement alternatif du piston en une rotation continue du vilebrequin.

 Nécessité et utilité du graissage

Un tel ensemble ne pourrait pas fonctionner si les pièces en mouvement (piston, cylindre, coussinets de bielle, paliers de vilebrequin...) n’étaient abondamment graissées. D’autre part, la chaleur dégagée par la combustion soumet les différents organes, spécialement le cylindre et le piston, à des températures élevées. Tandis qu’un circuit d’eau de refroidissement limite la température du cylindre, la circulation de l’huile de graissage refroidit le piston.

Cette huile sert encore à autre chose : les organes en mouvement, quelle que soit l’intensité du graissage, sont soumis à une usure progressive, et c’est l’huile de graissage qui entraîne les particules métalliques provenant de cette usure ; or, les huiles utilisées actuellement ont la propriété de maintenir ces particules « en suspension », comme on dit, de sorte qu’il n’y a pas d’usure abrasive par frottement de ces particules sur les organes du moteur.

Un filtre à huile joue, dans le moteur, le rôle du rein dans l’organisme humain ; il arrête les particules les plus grosses et purifie l’huile pour que celle-ci puisse effectuer un grand nombre de cycles avant d’être remplacée.

 Pourquoi analyser les huiles ?

Les huiles de graissage, venons-nous de dire, entraînent les particules métalliques provenant de l’usure des organes du moteur. On comprend, dès lors, que si l’on parvient, en analysant les huiles, à déterminer la nature et la quantité des déchets qu’elles contiennent, on arrivera, par le fait même, à détecter l’usure anormale de certains organes sans qu’il ait fallu ouvrir le moteur. Voulez-vous un exemple ? Si l’on trouve de l’aluminium dans les huiles, on pourra diagnostiquer une usure anormale des pistons. On pourra aussi, si l’on trouve du bore, détecter des fuites d’eau provenant du système de refroidissement. En suivant ainsi le comportement des huiles, il devient possible d’intervenir, en atelier, avant que l’usure ait atteint un niveau dangereux et d’apporter au moteur le remède à temps.

Mais si, suivant la nature des filtres à huile employés, la concentration des particules « en suspension » dans l’huile peut varier notablement, cette concentration est toujours faible et se calcule en part par million ou p p m ; 1 p p m correspond à 1 gr. de matière active par 1.000 kg. d’huile. Les concentrations varient dans la pratique entre 10 et 100 p p m. Aucune méthode d’analyse chimique ne permet de doser, avec précision et rapidité, des quantités aussi faibles.

Seule l’analyse spectrographique résout élégamment le problème.

 En quoi consiste l’analyse spectrographique ?

L’analyse spectrographique consiste à décomposer la lumière produite par la combustion de l’huile à analyser. Chaque élément se trouvant dans l’huile concourt à produire des radiations lumineuses. Le spectrographe isole les radiations qui proviennent des matières métalliques. En mesurant la quantité de radiations émise par chaque élément, il est possible de doser la teneur de chacun de ces éléments dans l’huile.

Les photos représentent l’installation spectrographique telle qu’elle fonctionne à l’A.C. Salzinnes.

 Eléments analysés

Les neuf éléments à analyser sont : le silicium, le chrome, le bore, le fer, le cuivre, l’étain, le plomb, l’aluminium et l’argent. Le tableau ci-après indique, au regard de chaque élément, son origine et le but que l’analyse doit poursuivre.

ELEMENT ORIGINE BUT
Silicium Poussières en suspension dans l’air. Contrôler l’efficacité des filtres à air et l’entretien périodique de ces filtres.
Chemises en fonte au silicium. Contrôler l’usure des chemises.
Chrome Chemises chromées. Mesurer l’usure des chemises chromées.
Chromate dans l’eau de refroidissement du moteur diesel. Détecter les fuites d’eau dans le moteur diesel.
Segments chromés. Mesurer l’usure des segments chromés.
Bore Borate dans l’eau de refroidissement des moteurs diesel. Détecter les fuites d’eau dans les moteurs diesel.
Fer Poussières des blocs de frein. Contrôler l’efficacité de la filtration.
Chemises non chromées. Mesurer l’usure de ces organes.
Segments.
Vilebrequin.
Cuivre, Plomb, Etain Paliers et coussinets. Détecter les usures anormales de ces organes.
Aluminium Piston en aluminium. Détecter l’usure anormale des pistons.
Argent Pivots argentés. Détecter l’usure excessive des pivots.

Le laboratoire de spectrographie est complété par un laboratoire ordinaire, où l’on effectue les analyses classiques (mesure de viscosité, point-éclair, etc., etc.).

Les échantillons d’huile sont envoyés de toutes les remises diesel du pays. Il ne s’écoule guère plus de trois jours entre l’envoi de l’échantillon et le résultat de l’analyse. Celui-ci est communiqué aux remises, sous forme d’instruction, de manière qu’elles retirent le plus rapidement possible le bénéfice de l’analyse.

Le laboratoire est en service depuis un an environ. La spectrographie seule a permis d’intervenir dans plus de 350 cas. Au moins vingt de ceux-ci ont permis de détecter une avarie grave aux moteurs.

 Conclusion

Ce moyen de contrôle, qui est à la pointe du progrès technique, améliore l’exploitation ferroviaire en réduisant les risques d’accident grave en ligne ; il réduit le prix de revient en évitant les avaries coûteuses ; il aide enfin tout le personnel technique à mieux connaître le fonctionnement des moteurs diesel.


Source : Le Rail, août 1959