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Le chemin de fer de Matadi à Léopoldville

mercredi 11 janvier 2012, par rixke

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Le rail au Congo (OTRACO)
La gare de Léo.

 Historique

En 1877, après sa mémorable descente du fleuve Congo. Stanley s’était rendu compte que le bassin congolais, qui forme la plus grande partie de l’Afrique centrale, ne pourrait être mis en valeur si un chemin de fer ne reliait le bief supérieur du fleuve au bief maritime. En effet, dans la dernière partie de son cours, le Congo est pratiquement inaccessible à toute navigation sur une distance de près de 400 kilomètres, trente-deux chutes d’eau et rapides formant un obstacle infranchissable.

Après bon nombre de discussions et plusieurs projets, le premier travail productif fut entrepris par une brigade topographique composée d’ingénieurs courageux, sous la direction du major Cambier. Les études du tracé furent effectuées en deux fois, du 15 juin au 3 décembre 1887 et du 25 mai au 18 juillet 1888.

En 1889, le capitaine Albert Thys réussit à créer la Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie, dont le but primordial était l’étude du chemin de fer projeté. Le 31 juillet de la même année, la Compagnie du Chemin de fer du Congo voyait le jour, et le premier coup de pioche était donné à Matadi, le 16 mars 1890.

De très grosses difficultés surgirent immédiatement : la vallée de la M’Pozo, la « vallée de l’enfer », et le massif de Palabala, où, du km. 9 au km. 16, l’altitude passait de 67 à 258 m. Avec les moyens dont on disposait à l’époque, ces obstacles étaient presque insurmontables. Quinze mois après le commencement des travaux, la voie atteignait à peine le km. 2,5.

Comme la main-d’œuvre faisait défaut, il fallut faire appel aux ouvriers des colonies voisines et même recruter du personnel à Zanzibar, en Guinée, à la Côte d’Or, en Chine et aux Indes orientales. Mais le manque d’expérience des travailleurs et le climat meurtrier provoquèrent les désertions et la maladie.

Les travaux étaient loin d’être terminés alors que le capital de la Compagnie du Chemin de fer (dix millions) était dépensé. Grâce à l’énergie de Thys, fortement encouragé par le roi Léopold II, de nouveaux capitaux furent rassemblés.

En 1892, la ligne arrivait péniblement à Kenge, au km. 22, et ce premier tronçon était inauguré au mois de décembre. Les deux années suivantes furent encore très dures. La ligne parvint seulement au km. 60. A partir de 1895, le rythme s’accéléra, et, le 23 juillet 1896, la section Matadi-Tumba fut ouverte à l’exploitation. En août 1897, l’Inkissi fut atteint (km. 264), et, au mois de mars suivant, le dernier boulon fut posé à N’Dolo, sur le Stanley Pool. Il avait fallu franchir un nombre considérable de ravins et de rivières au moyen de 99 ponts et de 1.250 aqueducs ! Enfin, le 6 juillet 1898, la ligne Matadi-Léopoldville était officiellement inaugurée.

La voie, à l’écartement de 0,765 m., avec des inclinaisons de 45 mm. par mètre et des rayons de courbure de 50 mètres, était très imparfaite. Au début de l’exploitation, la charge utile d’un train ne dépassait pas le poids d’une locomotive, soit 28 tonnes, c’est-à-dire trois wagons de 10 tonnes environ. La vitesse maximum autorisée était de 25 km/h., et la vitesse commerciale n’atteignait pas 20 km/h.

Cette ligne rendit pourtant d’immenses services. Mais, comme la mise en valeur du territoire s’accélérait et nécessitait un outil économique mieux approprié aux exigences d’un trafic sans cesse grandissant, il fut bientôt décidé de reconstruire la ligne, d’après un nouveau tracé. Les travaux, entamés en 1923, ont été achevés en 1932.

 Caractéristiques de l’exploitation

La longueur de la ligne a été réduite à 365 km., et la voie a été portée à l’écartement de 1 m. 067, adopté par les principaux chemins de fer africains. Les rampes sont de 17 mm. par mètre au maximum. Les rayons de courbure ont 250 mètres, exceptionnellement 150 mètres. Le rail pèse 33 kg. 400 au mètre ; il est posé sur des traverses métalliques de 47 kg., à raison de 1.500 traverses au kilomètre.

II s’agit toujours d’une ligne à voie unique, mais toutes les gares possèdent leurs voies de garage, ce qui permet d’accélérer la circulation des trains.

L’élégant bâtiment de la gare de Léo.

En outre, la signalisation a été modernisée : elle est déjà automatique et lumineuse sur une section de 90 km.

Outre la ligne de Matadi à Léopoldville, il existe deux embranchements :

  • Le premier, long de 7 km., relie Matadi à Ango Ango, avant-port réservé aux marchandises inflammables ;
  • Le second (16 km.) dessert Thysville (via Marchal), siège de la direction générale du réseau et des ateliers de réparation du matériel roulant.

Le 23 avril 1936, conformément aux conventions qui prévoyaient la reprise du chemin de fer de Matadi à Léopoldville, la Compagnie du Chemin de fer du Congo a été mise en liquidation et l’exploitation du réseau ferré a été confiée à un organisme parastatal, l’Office d’Exploitation des Transports coloniaux (O.T.R.A.C.O.), dont le siège est à Bruxelles [1].

Le matériel en service comprend :

  • 63 locomotives diesel de route et de manœuvre ;
  • 62 locomotives à vapeur Mikado et Décapod ;
  • 56 voitures ;
  • 48 fourgons ;
  • 3.473 wagons.
La cabine de la gare de Léo.

Bientôt, trois autorails rapides, avec bar et conditionnement d’air, sillonneront la ligne.

En 1958, le trafic marchandises s’est élevé à 2.460.000 tonnes et 610.000.000 tonnes-kilomètres.

Le nombre de voyageurs payants transportés a été de 625.000, représentant 70.000.000 voyageurs-kilomètres.

 Personnel et Service social

L’effectif du personnel s’élève à 5.800 agents congolais et 300 européens.

L’O.T.R.A.C.O. a fait ériger pour ses cheminots de vastes cités aux habitations confortables, notamment à Léopoldville et à Matadi. Des dispensaires, des centres médicaux et chirurgicaux, des maternités, prodiguent les soins les plus attentifs aux agents et à leur famille.

L’O.T.R.A.C.O. a créé aussi des foyers sociaux comportant des salles de fêtes et de réunions, des salles de cinéma et de lecture ; des cours de puériculture, de coupe, d’économie domestique y sont organisés pour les épouses des travailleurs.

Signalons enfin que le personnel dispose aussi de plaines de sports et de jeux.


Source : Le Rail, mars 1960


[1L’O.T.R.A.C.O. a été créé en 1935, dans le but de réunir, sous une direction unique, diverses entreprises de transport installées au Congo belge. Une loi du 12 juillet 1952 a fait de l’O.T.R.A.C.O. un établissement public ayant pour objet l’exploitation, pour compte du Congo, de tous services de transport, de manutention et de services accessoires.

L’O.T.R.A.C.O. exploite actuellement : le chemin de fer Matadi-Léopoldville, le chemin de fer du Mayumbe (Boma - Tshela), la navigation fluviale sur le Haut Congo-Kasaï et affluents, la navigation fluviale sur le bief maritime (Banane - Boma - Matadi), la navigation lacustre sur le lac Kivu, les ports maritimes de Borna et Matadi, les ports fluviaux de Léopoldville, Coquilhatville et Stanleyville (rive droite), les ports lacustres de Kalundu, Bukavu et Goma, le service routier Kalundu - Usumbura - Bukavu.