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Mortimer Pullman voulait dormir allongé dans son wagon

René Dupuy, Le Roman du Rail (éd. P. Horay).

mercredi 1er février 2012, par rixke

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Voyageant un jour par le train, un « Monsieur » portant la barbiche à l’américaine, ayant les joues et les lèvres rasées, la tête classique du vieux Yankee, trouva ridicule la façon de faire de ses contemporains. Cet homme qui croyait en Dieu, lisait la Bible, parlait du nez à l’image de centaines de milliers d’Américains, s’appelait George Mortimer Pullman.

« Comment ! disait-il, vous inventez pour votre domicile tous les moyens du confort, et dès que vous prenez place dans un wagon de chemin de fer, vous acceptez d’être serrés, cognés, coude à coude. Vous passez du rang d’homme à celui de colis. Pourquoi le train n’aurait-il pas le même confort que le home ? »

Pour Mortimer Pullman, il était inadmissible de passer une nuit à voyager plié en chien de fusil. Il voulait dormir allongé, dans son wagon, comme dans son lit, manger chaud, boire frais, fumer son cigare à l’aise et lire son journal.

Idée d’homme qui aime le luxe...

Précurseur du tourisme, il fit du transport un plaisir. Il débuta en 1859, avec l’autorisation de transformer deux wagons du Chicago and Alton Railway. Il y aménagea des couchettes comme dans une cabine de navire. Ce fut un triomphe. Les voyageurs se disputèrent les places.

Au prix de 18.000 dollars, il construisit, en 1863, le Pioneer. Ce fut le premier véritable Pullman-car. Quatre ans après, la Pullman-Palace-Car Company était fondée. Ses ateliers de construction formèrent, en 1880, la ville de Pullman, dans l’Illinois. Neuf ans plus tard, elle devint un faubourg de Chicago.

Quand Pullman exposa une de ses voitures à Londres, en 1873, les Anglais le proclamèrent bienfaiteur de l’humanité au même titre que Gutenberg ou Stephenson.

Les quatre wagons Pullman achetés par la compagnie anglaise Midland Railway Company arrivèrent en pièces détachées et furent assemblés à Derby avant de rouler pour la première fois entre Saint-Pancras et Bedford, le 21 mars 1874.

Mais les wagons-lits passèrent la « mare aux harengs » grâce à Georges Nagelmackers. A la suite d’une déception amoureuse, cet ingénieur belge fit un voyage en Amérique du Nord. Il y découvrit les fameuses voitures « inventées » par Mortimer Pullman. Mais ces dortoirs en wagon le choquèrent. Pour lui, ils manquaient par trop d’intimité. Alors, à son retour en Belgique, il fit construire les premières voitures-lits à quatre, puis deux places, et même le « single ». Un an après, Liège assista à l’éclosion d’une société pour l’exploitation de ces voitures qui circulèrent d’abord entre Paris et Ostende, puis entre Paris et Cologne ou Vienne.

Devant ce succès, Georges Nagelmackers créa, le 4 décembre 1876, à Bruxelles, la Compagnie internationale des Wagons-Lits, dont le roi Léopold II fut l’un des principaux actionnaires.

En quinze ans, le système de Pullman s’était étendu au monde entier...


Source : Le Rail, juillet 1960