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La ligne de Nice à Coni

mercredi 19 janvier 2011, par rixke

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Nous n’avons pas l’habitude de nous étendre sur les lignes de chemin de fer situées à l’étranger : ce n’est pas le rôle de notre revue.

Si nous faisons une exception pour Nice-Coni (Cuneo en italien), c’est que cette ligne, après une interruption de plus de trente années, vient d’être à nouveau ouverte au trafic. Le fait est suffisamment rare pour qu’on s’y arrête. En outre, il se fait que sur cette ligne, juste près de la frontière en territoire italien, il y a un village du nom de Limone qui, chaque année, accueille des enfants de cheminots belges, venus là pour se livrer, pendant les vacances de Noël et de Pâques, aux joies du ski sur les pentes du col de Tende, pendant juillet et août à celles de la montagne. Il n’est peut-être pas indifférent aux parents de ces enfants-là de faire la connaissance de la ligne et de la région, ne serait-ce qu’en les survolant.

 La route du sel

Après que Nice et la Savoie eurent été, en 1860, rattachées à la France et que, dès 1864, la riviera française eut été reliée à Paris par chemin de fer, on songea à la nécessité de construire une liaison vers le nord et Turin.

Les projets de tracé ne manquèrent pas mais il apparut que la vieille route du sel, empruntée par les caravanes de mulets depuis des siècles et qui mettait la Méditerranée en communication avec la capitale du Piémont, était l’itinéraire le plus commode, le plus logique et celui où l’établissement d’une voie ferrée s’avérait le moins difficile.

De leur côté, les Italiens, il y a cent ans déjà - en 1879 exactement - avaient décidé la construction d’une ligne de chemin de fer de « Coni à la mer » avec Nice comme terminus « si l’on parvenait à s’entendre avec les Français » ; sinon ce serait Vintimille.

Les travaux de cette ligne, créée tout d’abord de Coni juqu’à Vievola, furent entamés en 1883 et achevés en 1900 après qu’eut été franchi l’écueil naturel le plus redoutable, celui du fameux col de Tende.

Ensuite, pour poursuivre vers le Sud, l’itinéraire par la vallée de la Roya fut choisi parce qu’il permettait la traction par simple adhérence alors que les autres tracés envisagés auraient exigé la pose de crémaillère sur certaines portions.

Il y avait un hic : le tracé choisi traversait le territoire français sur un parcours de dix-sept kilomètres. Pour obtenir l’autorisation de passage vers Vintimille, les autorités du Piémont entamèrent des pourparlers avec le gouvernement français. Ce n’était pas simple.

En fait, le gouvernement français pouvait difficilement autoriser le passage d’un chemin de fer italien sur son territoire sans prévoir que les communes traversées par la ligne en question : Breil, Fontan et Saorge, aient un débouché vers quelque centre ferroviaire français. D’où nécessité d’un chemin de fer français desservant les trois localités de la vallée de la Roya. Depuis 1879, la création d’une ligne Nice - Breil était à l’état de projet. Sous la pression italienne, et pour que les 3 communes françaises de la moyenne Roya ne soient pas isolées, on décida donc, après maints palabres, de construire entre Nice et Breil une voie ferrée se raccordant dans cette localité à la ligne « italienne » Coni - Breil - Vintimille et créant de fait la liaison Nice - Coni, Bien entendu, par le fait même, la France accordait aux chemins de fer italiens l’autorisation de traverser son territoire pour aller rejoindre Vintimille.

 Le 30 octobre 1928

La convention internationale du 6 juin 1904 définit les modalités de construction de Nice - Breil, les conditions d’exploitation et la durée des travaux.

La ligne devait pouvoir être exploitée vers 1914/15... mais le PLM - compagnie qui avait obtenu la concession de la partie française de Nice - Coni - dut vite déchanter. Les formalités administratives - notamment celles qui touchaient aux expropriations - furent laborieuses. Les premières adjudications n’eurent lieu qu’en 1909. C’est cette même année qu’on commença la construction d’une nouvelle gare sur la rive gauche du Paillon, celle de Nice-Saint-Roch, qui serait pratiquement la tête de ligne du Nice - Coni. Elle ne fut achevée que vers 1926. En 1912 on effectua les premiers terrassements du côté de Sospel et on attaqua le fameux tunnel du col de Braus. Du côté italien, après avoir poursuivi les travaux au-delà de Vievola vers le Sud, on put en 1913 saluer l’entrée d’un premier train en gare de Tende.

De 1914 à 1921 les travaux furent arrêtés à cause de la guerre et de ses séquelles.

Néanmoins en 1915, les trains italiens arrivaient à St-Dalmas. Plus au Sud la voie ferrée partant de Vintimille desservait Airole en 1914 et Breil en 1921. Dès 1921, en France, les travaux reprirent à un rythme soutenu et la ligne put être ouverte enfin le 30 octobre 1928. Le projet de Coni était réalisé : « la mer et deux rivieras au bout de la voie » ! !

« Les Alpes vaincues par l’effort humain se sont inclinées devant la volonté franco-italienne » dira-t-on lors du banquet d’inauguration. Quelques précautions avaient été prises par les autorités militaires qui avaient eu leur mot à dire, vu la proximité de la frontière : des fortins avaient été établis dans un certain nombre de galeries pour tenir les points névralgiques de la ligne sous leur feu.

La gare de Breil

 Douze ans d’exploitation

A l’horaire de 1929, deux trains express circulaient quotidiennement dans chaque sens entre Nice et Turin via Coni : le plus rapide mettait 4 h 40 pour effectuer le parcours. D’autres express reliant Turin à Vintimille comportaient des voitures directes Berlin - San Remo. Quelques omnibus circulaient en outre sur les trois sections formant ce qu’on pourrait appeler « l’étoile de Breil ». Dès 1930, la traction électrique fut inaugurée sur le parcours italien. En 1935, sur la section française. L’électrification permit de réduire la durée du parcours.

L’exploitation se poursuivit jusqu’en 1940, année de l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Allemagne contre la France. Pour protéger son territoire d’un éventuel envahissement, l’armée française en 1940 procéda à des destructions de ponts, de viaducs, de têtes de souterrains, d’installations électriques.

En 1943, ce fut au tour des Italiens de manipuler la dynamite. En 1944, les bombardements alliés détruisirent encore un peu plus la voie et les installations.

Enfin, quand elles se replièrent vers l’Italie du Nord, les troupes allemandes sabotèrent systématiquement tous les ouvrages d’art des territoires qu’elles abandonnaient.

Bref, la ligne Nice - Coni avait eu 12 ans d’exploitation !

La gare de Fontan Saorge

Source : Le Rail, avril 1980