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L’installation de peinture de l’A.C. Malines

K. Suls, ingénieur en chef.

lundi 20 septembre 2021, par rixke

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 A chacun son métier

Qui ne peut se vanter d’avoir peint quelque chose en sa maison ? Tout le monde a manipulé la brosse, voire le rouleau, et plusieurs même sont calés en matière de couleurs : couleur à l’huile, couleur émail, couleur plastique... Mais tout peintre amateur se rappelle aussi quelques déboires, peut-être même un échec qui frôla le tragique. Parce qu’il manque d’expérience et de métier, l’amateur obtient des résultats qui ne sont pas toujours en rapport avec son effort et sa patience.

Une vue générale sur l’installation de peinture. On remarque : à l’avant-plan, le portique de pistolage ; à l’arrière-plan, le portique de séchage ; au-dessus des portiques, une gaine d’évacuation d’air.

Dans une entreprise, il ne peut être question de revers. Les peintres doivent connaître toutes les ficelles de leur spécialité. Pour chaque travail, il faut que la méthode, la couleur et l’outillage conviennent. A chacun son métier...

 Méthodes modernes de peinture

Dans les entreprises, on ne peint plus à la brosse : cette méthode est très coûteuse, étant donné qu’elle exige beaucoup de temps. Presque partout, on peint au pistolet. Ce procédé, grâce auquel la couleur est pulvérisée au moyen d’air comprimé, est plus rapide que la méthode avec la brosse, même en considérant qu’il faut doubler le nombre de couches, pour obtenir avec une couleur, contenant plus de produit diluant, la même protection qu’avec la peinture à la brosse. On peut encore accélérer l’opération en chauffant préalablement la couleur. Comme la couleur chauffée doit contenir moins de produit diluant, on obtient, dans ce cas, une couche de couleur plus épaisse, ce qui permet d’appliquer exactement le même nombre de couches qu’avec la brosse. Le temps d’exécution peut être réduit davantage en déplaçant automatiquement le peintre et en accélérant le séchage au moyen de rayons infrarouges porteurs de chaleur.

Le portique de pistolage est mis en marche

Pour augmenter la productivité, et en tenant compte de l’évolution rapide des différentes sortes de couleurs et de leurs possibilités d’application, la peinture des voitures à voyageurs à l’A. C. Matines a été appropriée aux nouvelles méthodes de travail. La qualité du travail, condition essentielle, doit être obtenue au prix de revient le plus bas et sans nuire à la santé des ouvriers peintres : des précautions spéciales doivent être prises pour éviter que des nuages de couleur se répandent dans l’atelier.

L’installation ultra-moderne qui a été conçue comprend un portique de pistolage et un portique de séchage, qui peuvent se déplacer le long de deux voitures, sur chacune des trois voies juxtaposées du chantier de peinture. Les deux portiques ont une armature métallique dont la longueur, la largeur et la hauteur sont les suivantes : 4 200 mm., 5 400 mm. et 5 900 mm.

 Le portique de pistolage au point de rue technique

Le portique de pistolage comprend :

  1. Un mécanisme de déplacement grâce auquel le portique peut, à volonté, se mouvoir dans le sens longitudinal (le long d’une voiture à peindre) et transversal (vers l’une des trois voies parallèles) ;
  2. L’installation de pistolage proprement dite :
    • Un groupe-moteur compresseur, qui fournit l’air comprimé nécessaire pour actionner l’agitateur dans les réservoirs de couleur, pousser celle-ci dans les conduites qui l’amènent aux pistolets et la pulvériser dans ces derniers.
    • Quatre réservoirs à couleurs (« filling », « surfacer », émail et un réservoir de secours) alimentant les quatre pistolets placés sur chacune des deux plates-formes de travail. Celles-ci ont été aménagées dans les montants du portique et se déplacent comme des ascenseurs. Avant d’aboutir aux pistolets, la couleur traverse un réchauffeur électrique, placé sur la plate-forme et qui la porte à une température de 70° C.
  3. Une alimentation en courant électrique au moyen d’un câble dont la fiche mâle se trouve dans une cavité située à mi-chemin du trajet de travail du portique.

 Le portique de pistolage au point de vue social

Des ventilateurs, soufflants et aspirants, encastrés dans le portique, créent un courant d’air constant devant les ouvriers peintres. D’un côté, l’air pur est introduit à travers des volets ; de l’autre, l’air pollué est évacué. Ainsi les nuages de couleur n’ont pas l’occasion de s’étendre autour de l’ouvrier, ni de pénétrer dans le chantier. L’air pollué aspiré traverse, par essorage latéral, un rideau d’eau et passe, par évacuation à la partie supérieure, sur des fibres de bois qui retiennent les pigments de couleur. Sous l’action d’un puissant aspirateur, l’air quitte le portique par des gaines d’évacuation aménagées dans le toit du chantier. Les gaines d’évacuation d’air s’étendent sur toute la longueur de travail des portiques et sont fermées par des volets dont l’ouverture est commandée par le portique même.

Deux peintres, protégés de vêtements spéciaux, sont prêts à commencer leur travail. On remarque les quatre réservoirs à couleur et une des deux plates-formes de travail.

Le système de protection contre l’incendie se trouve à portée de main. Il suffit d’enfoncer un des deux boutons-poussoirs, montés sur chacun des ascenseurs, pour mettre en action sept extincteurs qui dégagent du gaz CO² au-dessus des réservoirs de couleur, au-dessus de chaque ascenseur et dans la cabine électrique, de façon à éteindre immédiatement tout début d’incendie.

 Le portique de séchage

Dans des conditions normales de séchage à l’air libre, il faut attendre au moins seize heures avant de mettre une deuxième couche de couleur. La mise en service du portique de séchage a permis un gain considérable de temps. La couleur est pratiquement sèche en une demi-heure, et, après une période de durcissage naturel de quatre heures, la couche suivante peut déjà être appliquée.

Un peintre à l’œuvre

Comme le portique de pistolage, le portique de séchage se déplace dans les sens longitudinal et transversal.

Le portique de séchage

L’installation de séchage proprement dite comporte 216 éléments de chauffe – résistances électriques incorporées dans des tubes de quartz – qui engendrent une radiation infra-rouge. Il y a trois sortes d’éléments de chauffe ; ceux-ci varient selon leur capacité. Les plus puissants occupent la partie inférieure du portique, afin de tenir compte du fait que l’air chaud monte et apporte un complément de chaleur aux zones supérieures. La température de séchage est de 110° C. Elle peut être réglée automatiquement au moyen de thermostats.

L’air pollué quitte le chantier par cette gaine d’évacuation d’air grâce à un puissant aspirateur.

Les matières volatiles dégagées disparaissent par ventilation naturelle dans des gaines d’évacuation et sont aspirées ensuite pour être conduites à l’air libre.

M. Van Craenenbroeck, électromécanicien, devant le système de guidage qu’il a mis au point pour prévenir, lors des déplacements du portique de pistolage, la détérioration du câble d’alimentation en énergie électrique.

Etant donné la mobilité du portique sur une distance de 53 mètres et la puissance du courant (170 kW), le transport de l’énergie électrique posait un sérieux problème. Il fallait un système spécial ; le tambour à câble était exclu à cause de ses dimensions, de même que la conduite aérienne à cause des dangers qu’elle aurait engendrés. A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle ! On adopta un système d’alimentation composé d’un « transporteur » d’une longueur égale à la moitié du déplacement du portique et pouvant se déplacer dans un caniveau. Ce transporteur est entraîné par le portique de façon que les lourds câbles d’alimentation suivent constamment, sans heurt, sans frottement et sans être soumis à un effort de traction, le mouvement du portique (voir schémas).

Le schéma montre comment les câbles d’alimentation du portique de séchage se déplacent.

Grâce aux deux portiques, le temps nécessaire à l’achèvement de la peinture extérieure d’une voiture à voyageurs a été raccourci considérablement. Aujourd’hui, on exécute quatre à cinq couches par jour et l’installation permettrait, le cas échéant, de doubler cette production.

L’installation peut être considérée comme un modèle, et c’est à ce titre sans doute qu’elle a suscité souvent déjà l’admiration des visiteurs, tant belges qu’étrangers.


Source : Le Rail, décembre 1960