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Le nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne

Albert Doppagne.

vendredi 14 avril 2023, par rixke

Au sujet des dictionnaires, les avis sont très partagés : méprisés par les uns, portés aux nues par les autres. Il s’agirait de s’entendre. Et d’abord, peut-être, savoir de quoi l’on parle, car il y a dictionnaire et dictionnaire. Celui qui va nous retenir a toute une histoire : une histoire d’un demi-siècle bien compté. C’est le Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne dont la deuxième édition vient de paraître et qui a pour auteur notre concitoyen le professeur Joseph Hanse. [1]

Son titre est explicite et clair : ce n’est pas un dictionnaire du type Larousse ou Robert. Son but est de ne retenir que ce qui peut faire difficulté.

Chacun le sait, le français est une langue difficile et pour nous en convaincre constatons tout simplement que ce seul dictionnaire des difficultés dépasse en volume le classique Petit Larousse !

Pas de définitions, sauf quand elles sont nécessaires, mais le doigt mis sur ce qu’il y a de « difficile » dans un mot ou dans une expression : l’orthographe, la prononciation, le genre, la formation du pluriel, le sens, l’emploi, son caractère plus ou moins régional, le niveau de langue...

En voici quelques exemples choisis parmi les plus brefs :

  • A posteriori, locution adverbiale ou adjective, s’écrit sans accents : a posteriori.
  • Suggestion, nom féminin (prononcer « g + j + è + st » ; ne pas confondre suggestion et sujétion).
  • Tranquille, adjectif, rime avec ville.
  • Aphte, nom masculin. Un aphte.
  • Boute-en-train, nom masculin. Invariable : Des boute-en-train.
  • Contondant, adjectif, qui blesse, meurtrit sans couper, par choc.
  • Moutarde, nom féminin. On dit fort bien : La moutarde lui monte au nez, mais non, comme en Belgique, « envoyer quelqu’un à la moutarde », l’envoyer au diable.
  • Jatte, nom féminin, désigne non pas n’importe quelle tasse (comme le croient trop de Belges), mais un bol, un récipient arrondi, évasé, sans anse, ou son contenu : une jatte de lait.
  • Barloquer, verbe intransitif, est du wallon : pendiller, vaciller.
  • Soif, nom féminin. Avoir grand-soif, très soif. Il fait soif est très familier (on a soif).

Et, bien entendu, je renonce à donner des exemples de pages entières d’explications grammaticales sur tous les points qui « font difficulté » : le pluriel des noms composés, l’accord des participes, le pluriel des noms étrangers, l’orthographe des adjectifs de couleur, etc., etc.

La chance que nous avons de disposer de ce volume repose sur plusieurs points.

Les dictionnaires usuels omettent souvent de traiter de la difficulté pratique qu’il y a à employer tel mot, telle tournure. Parfois, la remarque intéressante est noyée dans un long article que l’usager doit lire avant de trouver ce qu’il cherche.

Comparé à une grammaire, cet ouvrage s’en distingue par la présentation alphabétique des faits. Le profane n’a pas à craindre de devoir entreprendre de longues recherches.

Pour les Belges, le Dictionnaire de Hanse a cet avantage énorme d’avoir un Belge pour auteur car si les dictionnaires de difficultés existent en France ils sont composés par des Français qui ignorent les hésitations auxquelles le Belge est régulièrement confronté.

Joseph Hanse a délibérément voulu aider les Belges aussi bien que les Français. Il multiplie les remarques relatives à la prononciation régionale, aux sens particuliers que prennent chez nous certains mots, aux belgicismes lexicaux, ces mots courants en Belgique mais totalement inconnus en France et, par conséquent, absents des dictionnaires français.

Un premier état de cet ouvrage avait paru en 1949 sous le titre de Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques. En 1983, après plus de trente ans d’observation et de recherche, paraissait ce Nouveau dictionnaire dont l’incendie criminel des Editions Duculot à Gembloux devait brutalement détruire le stock et interrompre la distribution.

Joseph Hanse a eu le merveilleux courage d’entreprendre une nouvelle édition « mise à jour et enrichie ». Plus de onze cents remarques nouvelles y ont trouvé place.

Le côté sur lequel je désire insister le plus, c’est le caractère éminemment pratique de cet instrument de travail.

Les meilleures volontés sont souvent découragées, aujourd’hui, par l’aspect pédant et rébarbatif de la langue même des ouvrages qu’elles veulent consulter : le jargon savant se répand partout, jusque dans nos écoles élémentaires...

Ici, rien de tout cela : une science honnête et sûre qui s’exprime dans une langue accessible à tous. Une attention constante de ne pas dérouter le consultant.

Le renseignement souhaité se trouve à son rang alphabétique et exprimé sans détour.

En bref, un ouvrage qui, à côté d’un dictionnaire usuel en un volume, doit se trouver dans toutes les classes et sur le bureau même de tous ceux qui, régulièrement ou occasionnellement, doivent écrire et ont le souci de le faire correctement.


Source : Le Rail, novembre 1987


[1Hanse, Joseph, Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, un vol. in-8°, 1 032 pp., Gembloux, Duculot.