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La TBL et son évolution

L. Gillieaux.

vendredi 16 décembre 2022, par rixke

Les applications récentes de l’électronique à la signalisation en ligne

Depuis les origines du chemin de fer, la sécurité a toujours été une des préoccupations essentielles de tous les cheminots, tant ceux qui sont en charge du développement, de l’amélioration des techniques et de l’organisation ferroviaire que les responsables de l’exploitation quotidienne des trains. Au même titre que les efforts portant sur l’accroissement des performances et de la productivité, l’amélioration de la sécurité des circulations a toujours fait l’objet d’une recherche constante de perfectionnements.

TBL : Détail de l’équipement au sol

Ceux-ci ont touché aussi bien les infrastructures que le matériel.

Dans ce cadre, nombre d’efforts ont été consacrés depuis plusieurs années à des recherches en matière de signalisation, dans la double perspective d’accroître encore sa sécurité tout comme ses performances en termes de vitesses autorisées et de débit des lignes. Ces recherches, conjuguées aux possibilités offertes ces derniers temps par l’évolution de l’électronique, ont conduit à développer un nouveau système de signalisation : la TBL ou transmission balise locomotive. Faisons donc le point sur cette importante innovation qui sera progressivement mise en application en plusieurs endroits de notre réseau ainsi que sur notre nouveau matériel.

Équipement à bord du poste de conduite de l’automotrice d’essais
Détails de l’équipement au sol
« Cab-display » : écran visualisant les données transmises par le système de signalisation
Automotrice d’essais

 La signalisation ferroviaire

Ensemble de véhicules guidés par les rails, le train ne peut dévier de sa trajectoire en face d’un obstacle. Cet élément, conjugué au faible coefficient de frottement roue d’acier/rail d’acier (qui représente un atout fondamental du rail en termes d’économies d’énergie) et aux masses importantes mises en mouvement (jusqu’à près de 2 000 tonnes parfois) ont toujours conduit les responsables de la circulation des trains à prévoir des distances d’arrêt assez longues. Et, partant, à prévenir suffisamment tôt les conducteurs pour que ceux-ci prennent les mesures nécessaires en vue de réduire la vitesse de leur train afin de pouvoir s’arrêter à l’endroit requis (gare, approche d’une jonction de deux voies, croisement, etc.).

De plus, lorsque deux ou plusieurs trains attendent le départ vers une même voie, il s’agit de donner à chacun de leurs conducteurs les indications appropriées en évitant toute confusion possible de la part de ceux des autres trains.

L’on comprend dès lors aisément que la signalisation ferroviaire repose sur une organisation fort complexe, laquelle se traduit par des signaux de différentes catégories pouvant présenter diverses indications, à chaque fois bien spécifiques : signaux d’arrêt ou d’avertissement (autorisant le passage à vitesse normale ou indiquant des restrictions, voire l’arrêt au signal suivant), signaux de « grand mouvement » (pour les circulations normales) ou de « petit mouvement » (pour les manœuvres), ralentissements permanents ou temporaires (en cas de travaux, par exemple) à certains endroits, etc.

 Une attention de tous les instants

L’observation des indications de tous ces signaux par le conducteur et l’obéissance stricte qui leur est due sont bien entendu essentielles. Cela suppose, de la part des conducteurs, un excellent niveau de connaissance de la signalisation en général et des caractéristiques spécifiques des lignes qu’ils sont amenés à parcourir. Cela requiert aussi leur attention de tous les instants, compte tenu de la vitesse de leur train et de la charge qu’ils remorquent : de jour comme de nuit, par temps de brouillard, de chute de neige ou lorsque le soleil est bas, que ce soit en pleine ligne ou lors de la traversée de gares pouvant présenter de multiples signaux destinés à différents trains.

Au fil du temps, les signaux à palettes des origines ont été équipés de lentilles de couleurs différentes. La position variable de la palette amenait une de ces lentilles en face d’une lampe à huile, remplacée au cours des années par une ampoule électrique. Vint ensuite, pour les signaux lumineux, la quasi-généralisation des panneaux fixes noirs bordés d’un liseré blanc et comportant plusieurs feux différents, accompagnés ou non d’autres indications en fonction des besoins.

 Répéter les signaux dans les postes de conduite

Toutefois, face à la croissance continue du nombre des trains, à la complexité des mouvements ainsi qu’à l’augmentation des vitesses, on s’efforça de trouver un système répétant les signaux à bord des postes de conduite pour améliorer la sécurité des circulations. Ce besoin se manifestait d’autant plus qu’apparaissait la conduite par agent seul sur les locomotives modernes comme sur les autorails et automotrices, qu’il fallait également faire face à d’éventuelles défaillances du conducteur, au-delà même de la quasi-généralisation de la veille automatique sur les engins de traction. Le fait de coupler cette répétition à certaines réactions obligatoires du conducteur permettait en outre de vérifier que celui-ci avait bien perçu le signal le concernant ainsi que ses indications, et qu’il en déduisait les comportements requis, garantissant en permanence la sécurité de la circulation du train.

Les recherches conduisirent à un premier système créant une interaction entre un équipement dans la voie, relié à un signal et les engins de traction : le « crocodile ».

 Le crocodile

Apparu en 1930 et généralisé progressivement, le crocodile est un appareil métallique allongé, installé dans l’axe de la voie, à proximité immédiate de la majorité des signaux. Il assure entre autres une fonction de répétition des indications de la signalisation à bord du train.

Sa partie centrale est constituée de plusieurs lamelles ondulées placées côte à côte. C’est peut-être cette forme, liée à l’aspect allongé et bas de cet appareil qui lui a valu ce surnom bien imagé ! Il est mis sous tension positive, négative ou hors tension en fonction de l’aspect du signal auquel il est couplé. Au passage du train, un balai métallique situé sous l’engin de traction frotte sur le crocodile et perçoit sa position, ce qui entraîne certaines conséquences dans le poste de conduite :

  • Tension négative : celle-ci correspond au feu vert et déclenche un coup de gong en cabine, ce qui signifie que le conducteur peut continuer normalement sa route.
    Dans le même temps, cela provoque une inscription particulière sur la bande d’enregistrement de l’engin de traction ;
  • Tension positive : elle correspond à une indication restrictive sur le signal. Double jaune, indiquant que le signal suivant est rouge, ou combinaison de vert et de jaune (horizontal ou vertical), ce qui signifie certaines restrictions de vitesse au signal suivant. Outre l’inscription d’un autre signe sur la bande d’enregistrement, cette tension déclenche un sifflet en cabine et provoque l’allumage fixe d’une lampe jaune sur le tableau de bord.
    Le conducteur doit alors appuyer sur un bouton-poussoir particulier (dit « de vigilance ») pour marquer le fait qu’il est attentif.
    S’il ne le fait pas, la lampe jaune clignote sur son pupitre de conduite et, après quatre secondes, le freinage d’urgence du train se déclenche automatiquement. Il évite celui-ci par l’appui sur le bouton de vigilance et en effectuant lui-même le freinage que les indications du signal lui ont données. La lampe jaune clignotante devient alors fixe et reste allumée jusqu’au passage devant un signal vert suivant accompagné d’un crocodile ;
  • Absence de tension : cela correspond au feu rouge. Il n’y a pas d’indication spécifique en cabine car, au vu de ce qui précède, le système a été conçu pour que les fonctions de ralentissement et d’arrêt soient commandées et exécutées avant d’arriver au feu rouge.

 Vers la TBL

Bien que très utile, ce système comporte cependant certaines limites liées à ses caractéristiques techniques. Ainsi, ne donnant que deux indications, il ne permet pas de distinguer entre les diverses restrictions pouvant être présentées par un signal avertisseur. De plus, il ne peut intervenir en cas de dépassement d’un feu rouge et ne contrôle pas la vitesse du train. Or, la densification des circulations dans plusieurs zones ou nœuds du réseau tout comme les augmentations de vitesse réalisées ou en prévision sur certaines sections de ligne rendaient hautement souhaitable la mise au point de systèmes plus performants pour la répétition des signaux à bord des engins de traction.

Des recherches menées dans cette direction débouchèrent, dans les années 80, sur un nouveau système de répétition des signaux, appelé TBL, pour transmission balise locomotive. En outre, les progrès récents de l’électronique ont

permis de développer le système de base – appelé TBL 1 – et de l’enrichir de nombreuses informations très utiles, entre autres pour la pratique des grandes vitesses (200 km/h et au-delà). Ces développements ont alors été appelés TBL 2 et TBL 3, en fonction des caractéristiques des équipements intervenant dans le système.

La TBL 1

Comme le dispositif « brosse/crocodile », il s’agit d’un système d’aide à la conduite, mais plus performant. Il est basé sur le principe de la transmission d’un signal électrique codé entre une balise, en fait installée dans la voie, et une antenne logée sous la locomotive, qui reçoit le signal et le dirige vers l’équipement de bord assurant son décodage et sa traduction en informations utiles pour le conducteur.

La balise et l’équipement au sol

La balise est constituée d’un cadre en acier inoxydable, de 80 cm de long, recouvert à ses extrémités de deux plaques métalliques de protection. Elle est placée entre les rails, à hauteur du signal qu’elle répète et elle est décentrée par rapport à l’axe de la voie pour tenir compte du sens de circulation.

Via un câble, elle reçoit les informations traitées par un codeur situé dans une loge de signalisation. Ce codeur obtient lui-même ses informations au niveau des lampes du signal dont il assure la répétition. Les informations codées en fonction de l’état du signal sont alors transmises via la balise qui émet en permanence un signal électrique d’une fréquence bien déterminée, contenant les informations spécifiques.

Les équipements de bord

Le message capté par l’antenne de l’engin de traction est envoyé vers un appareillage de décodage (des micro-calculateurs travaillant en parallèle, pour une sécurité maximale) qui identifie les informations reçues, les valide, les traite et les transmet au poste de conduite. Le conducteur les reçoit alors et adopte les comportements prescrits. En l’absence de réaction adéquate, divers équipements de bord, qui ont aussi reçu ces informations, réagissent eux-mêmes en provoquant entre autres, le cas échéant, l’arrêt du train.

Les informations de la TBL 1

La qualité des équipements TBL 1 permet de réaliser les opérations suivantes avec une fiabilité plus élevée que celle offerte par le système « brosse/crocodile » :

  • Le contrôle de la vigilance du conducteur face à un signal ouvert, mais avec des restrictions (fonction de contrôle) ;
  • La mémorisation et l’affichage sous une forme déterminée (voyant) de l’aspect présenté par les signaux (fonction MEMOR) ;
  • La mise à l’arrêt automatique du train en cas de franchissement non autorisé du signal (fonction STOP).

De plus, toutes ces informations provenant de la signalisation et les actions sur la marche du train sont mémorisées sur les enregistreurs graphiques de bord (équipements TELOC).


Source : Le Rail, décembre 1997