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Prévention des accidents à la remise de Kinkempois

A. Husson.

mercredi 14 décembre 2011, par rixke

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Vers la sécurité maximale

 Une tache impérieuse et fractionnable

Prémunir les travailleurs contre les accidents n’est pas facile ; la tâche est impérieuse mais immense, et d’autant plus fractionnable que l’on y réfléchit. Elle est impérieuse, même quand elle paraît opposée à d’autres nécessités telles que les exigences de la production. Elle est immense et fractionnable à tel point que, pour chaque geste élémentaire, on peut se poser la question de sécurité.

Un coin du local de soudure. Un dispositif flexible capte les gaz à l’endroit où ils se dégagent et les évacue de force. Un ventilateur, encastré dans le mur, renouvelle l’air du local. Un carreau ouvert assure une aération naturelle de l’endroit. Inutile d’insister sur le caractère rationnel et efficace des trois systèmes en présence.

Dans quelle mesure répondre à cette tâche ? Jusqu’à quel point concilier les nécessités de la sécurité avec les possibilités humaines et matérielles ? Comment, par exemple, assurer la sécurité parfaite de l’ouvrier travaillant sur le toit d’une voiture ? Comment préserver, d’une manière certaine et complète, la vue des agents chargés de l’entretien d’un véhicule moteur, tandis que, sous ce même véhicule, le soudeur opère à l’arc ? Comment empêcher à coup sûr qu’un talon de soulier vienne se coincer, entre les rails et le pavement de l’atelier, dans l’interstice aménagé pour permettre le passage du boudin des bandages ?

 L’esprit de prévention

La difficulté de résoudre définitivement les problèmes de ce genre ne doit pas servir de prétexte pour les esquiver : au contraire, elle doit stimuler l’esprit de prévention, au point d’en faire un véritable principe de vie.

Le souci de sécurité doit se concrétiser en réflexe, en manie, en climat, et l’esprit de prévention, faire appel à la statistique, aux techniques multiples et à la psychologie.

Après le diner, sous le diplôme d’honneur, la leçon de sécurité. Les cheminots de Kinkempois mettent en pratique les conseils de sécurité ; ils portent les chaussures adéquates, pantoufles à semelle de crêpe pour les électromécaniciens de « toitures », chaussures de sécurité pour les autres.

 La statistique

La statistique nous donne la clé d’une première étude. Dans la grande diversité des cas d’accidents, elle permet da détecter ceux qui présentent, à première vue, le plus de régularité et de similitude, du moins dans leurs conséquences. Ce premier examen aboutit à la distribution de moyens de protection (gants, chaussures de sécurité, lunettes, produits de nettoyage...) dont l’efficacité n’est plus à mettre en doute. L’apparition de cette panoplie de sécurité a engendré, dans nos ateliers, une prise de conscience : le cheminot pense au danger et aux moyens de s’en préserver.

 La recherche scientifique des causes

Mais le rôle de la statistique ne se limite pas à ces préliminaires. De la multiplicité des cas d’incidents et d’accidents, il convient de dégager les facteurs communs. Grâce à la méthode analytique, la statistique facilite une étude plus approfondie du terrain de l’accident. Remontant aux sources, elle distingue soigneusement les causes avec toute l’objectivité de la recherche scientifique.

Les passerelles de l’atelier diesel facilitent le déplacement des agents et la manutention des pièces lourdes.

L’ « environnement », le milieu du travail, l’éloignement du lieu de résidence, les conditions de travail, les facteurs personnels constituent autant de données à partir desquelles une statistique évoluée permet de grouper des familles d’accidents, d’émettre des lois, en définitive de serrer le problème de très près.

Sous un de ses aspects, la prévention peut être appelée à étudier des postes de travail établis ou à établir pour améliorer ou prévoir les moyens de protection, les implantations, les méthodes opératoires assurant au mieux la sécurité.

 Organiser le travail en conséquence

Toute prévention s’accordant avec une véritable organisation du travail est vouée au succès, pour autant qu’elle s’exerce avec bon sens.

Quand les problèmes de prévention sont résolus par des applications techniques, celles-ci peuvent modifier ou ne pas modifier le mode de travail.

Si l’on ne change rien à la façon de faire, les solutions apportées sont des solutions passives, et normalement le personnel les accueille fort bien.

Si le mode de travail est modifié, les solutions apportées sont des solutions actives ; en général, celles-ci ne suscitent l’intérêt que dans la mesure où elles facilitent et améliorent les conditions de travail. Toute solution pratique renforçant la sécurité, mais créant des sujétions supplémentaires (montage d’un échafaudage, déplacements allongés...), ne sera, la plupart du temps, acceptée qu’après maintes interventions, maintes recommandations de la part du personnel de maîtrise. C’est à celui-ci qu’il appartient de faire apprécier le degré de sécurité obtenu en regard de l’importance des sujétions nouvelles.

 La formation du personnel

C’est un aspect très important de la prévention. Elle exige de la patience, du dévouement et du tact de la part de ceux qui la pratiquent.

Plate-forme aérienne dons l’atelier électrique. Plus d’échelles mobiles pour accéder aux toitures des véhicules. Quelle sécurité accrue pour l’agent chargé de l’entretien des pantographes ! Par ailleurs, la réparation des raquettes et des autres organes s’effectue sur place (voyez le banc sur la plate-forme) et non plus, comme précédemment, à quelque cent mètres du véhicule.

Toute formation « sécurité » doit s’épanouir et trouver ses fruits dans la prise de conscience de l’incident possible et dans la mise en application immédiate des mesures de prévention. Elle réclame l’adhésion totale de chacun, mais, comme l’accident guette davantage les ouvriers, ce sont eux surtout qu’il convient de protéger et de mettre en garde.

LES SERVICES RENDUS PAR LA REMISE DE KINKEMPOIS

La remise de Kinkempois est l’une des grosses remises M.A. du réseau. Les trois modes de traction s’y rencontrent : vapeur, diesel et électrique.

Quoique battue en brèche par ses deux consœurs, qui lui enlèvent les parcours les plus rentables, la traction vapeur se défend admirablement, conservant en ligne 66 locomotives et un kilométrage mensuel de 160.000 km. ; elle assure surtout des trains de bassin, la desserte de quelque 30 raccordés, de nombreux services de manœuvres, ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion, de remorquer maints trains lourds vers l’Allemagne ou vers la France.

La traction diesel met en service non seulement des autorails, dont le parcours actuel mensuel d’environ 26.000 km. est appelé à doubler dans un proche avenir, mais aussi une vingtaine de locomotives de route type BB, lesquelles n’avalent pas moins de 215.000 km. par mois.

Quant à la traction électrique, elle se trouve représentée par quelque 20 automotrices type 1954, d’un parcours mensuel d’environ 185.000 km., et 13 locomotives T. 122 desservant en ordre principal l’axe Liège - Bruxelles - Ostende, et accomplissant quelque 165.000 km. tous les 30 jours.

Ainsi la remise de Kinkempois totalise-t-elle un parcours mensuel de 750.000 km., avec un ensemble en ligne d’environ 120 véhicules.

Afin d’assurer la desserte, la préparation, l’entretien, la réparation, la révision de cet effectif moteur polyvalent, la remise de Kinkempois emploie un personnel de près de 1.000 agents, à raison de 550 au service roulant et 410 au service sédentaire (employés et ouvriers).

Restaurée au lendemain de la guerre, la remise de Kinkempois a absorbé successivement les remises de Liège, Renory, Visé et Ans ; elle s’est magnifiquement adaptée aux modes de traction modernes, diesel et électrique. L’expérience acquise porte à croire qu’elle participera, avec tout autant de facilité et de souplesse, à l’évolution future des chemins de fer.
Echafaudage à dresser pour accéder au dôme et au corps cylindrique de la chaudière. L’échelle ne peut pas glisser : elle est maintenue à l’aide de cordes et de crochets à la partie supérieure. Le passage du tablier sur la plate-forme de l’échafaudage est facilité par deux marches existant à l’avant de la locomotive.
Le tourneur donne de la vie à la photo. Mais ne manquez pas d’observer le garant, à feuille plastique transparente et amovible, devant la poulie étagée.

 Le rôle des agents de maîtrise

Le rôle primordial d’un chef est de montrer l’exemple de la prudence, avec le souci de la faire appliquer. Montrer l’exemple, c’est prendre et faire prendre conscience du danger.

En ce qui concerne plus particulièrement les agents de maîtrise, leur mission est de première importance. Ce sont eux qui connaissent le mieux l’atelier, son climat, ses traquenards. Ce sont eux qui connaissent le mieux les agents et leurs préoccupations. Ils sont Je mieux à même de faire respecter les règles élémentaires de sécurité, d’éloigner des travaux dangereux les ouvriers prédisposés à l’accident, et surtout de déceler, parmi les activités normales de leurs hommes, les gestes néfastes, ces gestes qui sont autant de mauvaises habitudes et qui se concluent tôt ou tard par l’accident. Ceci met en évidence l’importance de la formation « sécurité » à pied d’œuvre et indique combien cette formation sociale est solidaire de la formation professionnelle.

La formation « sécurité » est une affaire de chantier, mais aussi d’instruction en salle. L’instructeur doit posséder des qualités de pédagogue, mais avant tout manifester personnellement un intérêt particulier pour tout ce qui touche à la sécurité, à l’hygiène et au secourisme. L’instructeur se doit d’avoir cette tournure d’esprit de la prévention qui le prédispose naturellement à faire de la sécurité un principe de vie.

Application technique « active » pour charger le gazogène. On remplit le seau de carbure, puis on le fait monter, le long de deux rails, à l’aide d’une corde tirée du sol. A la partie supérieure, le seau bascule et se vide grâce à une savante disposition des rails. Enfin, le seau vide descend par simple gravité. Auparavant, le préposé devait grimper à la partie supérieure du gazogène et verser le seau de carbure à bout de bras.

Les leçons en salle, courtes, répétées inlassablement, traitent de sujets généraux et importants intéressant tous les cheminots. Mais elles sont aussi l’occasion de replacer chacun dans son milieu familier, de faire revivre les accidents récents et de souligner les moyens de les éviter. Et pourquoi ne pas adopter franchement la méthode active et procéder, par exemple, à des exercices de respiration artificielle ou de premiers soins ?

Voilà, brossés rapidement, quelques aspects du problème de la prévention.

Répétons-le, tout doit être mis en œuvre pour obtenir l’adhésion de chacun. Pourtant, des infractions contre la sécurité sont encore commises, infractions involontaires pour la plupart et aisément contrées, mais infractions volontaires aussi de la part de natures plus rebelles. Rien d’étonnant d’ailleurs : quand on analyse des groupes de personnes accidentées, on trouve une forte proportion de tempéraments ayant une propension marquée pour la « révolte ». Devant les infractions volontaires, il faut être à même d’expliquer, de dissuader, de blâmer, mais aussi, en désespoir de cause, de sanctionner.

Moyen direct et facile d’évacuer les gaz d’échappement.

Il faut prévenir toute imprudence et protéger les tempéraments rebelles, mais aussi tous ceux que l’accident guette à cause d’autres facteurs personnels : fatigue, prédisposition temporaire ou permanente, spontanéité irréfléchie des gestes, retard de la perception...

Dans cet état d’esprit, laissons surtout le champ libre aux règles simples et précises ainsi qu’aux contacts directs en salle et sur le tas.


Source : Le Rail, novembre 1959