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Il y a toujours un passage à niveau

P. Pastiels.

mercredi 5 juin 2013, par rixke

Dans notre évocation des bouleversements apportés par le chemin de fer aux sites paisibles ou fiévreux de nos campagnes et de nos villes, nous retiendrons aujourd’hui les passages à niveau. Qui se souvient encore de ces barrières roulantes (il y en avait 4.265 en 1902), flanquées de deux réverbères, qui semblaient couper le monde ferroviaire du quotidien des choses ? A l’époque, la circulation n’offrait pas tous les dangers d’aujourd’hui : la plupart du temps, bon nombre de barrières restaient fermées ; on ne les ouvrait alors que pour laisser passer un attelage tranquille... La garde-barrière connaissait tous ses clients, le degré de patience de chacun, le mot qu’il fallait dire à celui-ci, la réserve dont il fallait se garder face à celui-là... Les histoires locales ont conservé le souvenir de quelques attrapades homériques. C’était l’époque où l’on prenait tout son temps, même pour s’invectiver, dans un patois savoureux et moins vulgaire, somme toute, que la banale pauvreté des injures, toujours les mêmes, d’aujourd’hui...

Grammont

Quelle aimable Porte, ne trouvez-vous pas, que celle d’Audenarde à Grammont ? Les barrières roulantes sont au premier plan d’un coin de rêve que l’on croirait copié d’un décor de théâtre d’opérette... Le rideau se lève ; à gauche, le chœur entonne un air guilleret ; on entend le train qui arrive... Quelle belle blonde en descendra ?

Rhode-Saint-Genèse

Il y a déjà plus de vingt ans que le P.N. de Rhode-Saint-Genèse est supprimé et bien plus de temps encore que le lampiste, sur son échelle, n’entretient plus les quinquets de cuivre des réverbères... A propos de ce poteau et du café proche, saviez-vous que le mot « estaminet » vient d’un vieux mot wallon (stamon, poteau) et désignait une salle à poteaux ?

Lessines

A Lessines, nous sommes un jeudi après midi : les écoliers peuvent s’ébattre à tout vent, sauf peut-être celui-là dont la brouette est sans doute autre chose qu’un jouet... Pendant que tous les jeunes regards se concentrent vers le photographe, une femme s’éponge rapidement le front : habillée comme elle l’est, avec ses nombreux dessous... Vous remarquerez qu’on a invité discrètement les conducteurs à ne pas rater le passage : de solides bornes de pierre rappellent à l’ordre tout véhicule qui doit prendre le virage de la rue de l’Hôtellerie.

Ottignies

Décidément, notre photographe a fort à faire. Le voici déjà à Ottignies. Cette fois-ci, il ne recueille pas tous les regards des badauds. A l’approche d’une belle représentante du sexe dit faible, de sa petite sœur et de son petit chien, le vélocipédiste retarde l’instant où il enfourchera sa machine. Peut-être le petit chien avait-il de quoi être préféré à l’objectif...

Heyst-op-den-Berg

A Heyst-op-den-Berg, des barrières supplémentaires étaient nécessaires pour régler le passage du tram à vapeur vicinal. Voyez celui-ci qui attend patiemment l’heure du départ devant le sémaphore Etat belge ! La carrure de la garde-barrière venait à point pour la surveillance de ce double P.N.

Walcourt

Les petits P.N. de campagne s’intègrent facilement dans le paysage : blotti au creux d’un doux vallon, voici celui de Walcourt avec tout son charme champêtre... et sa lanterne.

Paul Vanbellingen, dans son intéressant ouvrage Haine-Saint-Pierre, nœud ferroviaire du Centre, nous a rappelé dernièrement, à propos de l’éclairage des barrières, qu’une pétition du 21 novembre 1864, due au sieur Martin Vannespen, de Charleroi, demanda que les barrières qui se trouvaient aux passages à niveau fussent éclairées la nuit lors de leur fermeture à cause des dangers qu’elles présentaient... Aujourd’hui, il existe des barrières lumineuses. De toute façon, ce ne sont plus les barrières que l’on considère comme un danger, mais ces gens pressés de gagner une minute qu’ils vont le plus souvent perdre ailleurs...


Source : Le Rail, mars 1970