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Bruxelles-Paris : 150 ans de trains (III)

P. Vankeer.

mercredi 18 août 2021, par rixke

Du désastre de 1940 à la suppression de la 3e classe

Contrairement à ce qui se passa en 1914-18, l’offensive allemande du 10 mai atteignit rapidement ses objectifs : les Pays-Bas capitulèrent le 15 mai, l’armée belge le 28 et le maréchal Pétain demanda un armistice dès le 17 juin, armistice qui fut effectif dans la nuit du 24 au 25.

Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg ainsi que les 3/5es de la France, Paris y compris, subirent ainsi l’occupation. Le trafic ferroviaire civil reprit faiblement en Belgique vers le 15 août. L’indicateur SNCB du 6 octobre témoignait déjà d’un service intérieur assez étoffé mais ne faisait mention d’aucune liaison internationale. Un indicateur français du 25 octobre 1940 renseignait néanmoins l’existence de trois trains journaliers (dont un annoncé comme devant circuler « ultérieurement ») entre la Belgique et Paris mais les heures au départ de Bruxelles n’étaient pas indiquées.

Paris Nord 1956

La situation se clarifia avec la parution de l’indicateur SNCB du 15 décembre 1940 où figurait la liaison Bruxelles-Paris. Relevons que les trains partaient de Bruxelles-Nord (sauf un), qu’ils portaient un numéro précédé de la lettre D (numérotation allemande), qu’ils offraient les trois classes et que les voitures-lits et voitures-restaurants « bleues » de la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL) étaient remplacées par les « rouges » de la compagnie allemande Mitropa.

Horaire du 15 décembre 1940
D156 D116 D24 D172
Bruxelles-Nord 15.18 23.00 23.50
Bruxelles-Midi 7.50
WR WR WL
Paris 14.30 22.15 6.30 7.13

Le D116 venait de Cologne ainsi que le D172 ; le D24 provenait de Berlin et comportait une ou plusieurs voitures-lits Aix-la-Chapelle-Paris.

Le meilleur temps était de 6 h 40.

En mai 1941 la desserte fut quelque peu modifiée.

Horaire du 4 mai 1941
Bruxelles-Nord 13.52 22.50
Bruxelles-Midi 7.35
WR WR WL
Paris 14.30 21.00 6.30

Le train de 13 h 52 assurait la liaison Amsterdam-Bruxelles-Paris tandis que celui de 22 h 50 – le D24 – avait encore pour origine Berlin.

Cet horaire resta à peu près inchangé en 1942 et 1943 (sauf qu’à partir du 4 mai 1942, le train du matin partait de Bruxelles-Nord à 7 h 54).

L’année 1944 fut celle des grands bouleversements ferroviaires à la suite des restrictions de charbon, des bombardements alliés, de l’activité toujours plus efficace de la Résistance en matière de sabotage.

En avril le train du matin ne circulait plus que trois fois par semaine et à partir du 22 mai (d’après l’indicateur français) les trains Bruxelles-Paris passaient par... Namur, Givet, Mézières-Charleville, Reims... avec Paris-Est comme terminus, la ligne Aulnoye-Paris-Nord ne voyant plus passer qu’un omnibus le matin et l’après-midi.

Le dernier indicateur belge de l’occupation, daté du 3 juillet 1944 (4 semaines après le débarquement), annonçait un départ quotidien pour Paris à 7 h 31 de Bruxelles-Nord mais la marche effective de ce convoi fut très problématique en raison des circonstances.

Au mois d’août, les armées allemandes reculèrent à marche forcée. Paris fut libéré le 25 du même mois, Bruxelles dans la soirée du 3 septembre.

Le trafic ferroviaire entre les deux pays reprit progressivement par des itinéraires détournés étant donné les importantes destructions (à titre d’exemples : pont sur le canal à Hal, viaduc de Chantilly) mais uniquement au service des armées alliées pendant les premiers mois.

Dans l’indicateur français du 1er juin 1945 (trois semaines après la capitulation de l’Allemagne), une relation quotidienne était assurée entre Bruxelles et Paris avec changement à Aulnoye.

Bruxelles-Midi 11.46 [1]
Aulnoye arr. 13.45
dép. 14.25 [2] 15.18 [3]
Paris-Nord 20.00 19.55
Diesel CC 204 Bruxelles-Paris 1959

Dès le 8 octobre 1945, le trafic s’intensifia : l’indicateur renseignait un express toutes classes le matin avec voiture-restaurant, un autorail rapide 1re et 2e classes l’après-midi (sauf les dimanches), un train de nuit avec places assises et voiture-Lits. Ces dernières ainsi que les voitures-restaurants étaient à nouveau celles de la CIWL.

Horaire du 8 octobre 1945
1-2-3 1-2 1-2-3
Bruxelles-Midi 9.15 15.45 22.45
WR N7 WL
Paris 15.21 20.00 6.00

Sans arrêt – du moins à l’indicateur – l’autorail assuré par les rames "Cambrésis" ou "Beauvaisis", qui avaient survécu aux vicissitudes de l’occupation, atteignait une moyenne de 73 km/h, ce qui était fort honorable pour l’époque, compte tenu des nombreux ralentissements imposés par l’état des voies.

En mai 1946 cet autorail fut remplacé par un train à vapeur en provenance d’Amsterdam, qui renouait avec le luxe d’avant-guerre en combinant des voitures Pullman avec des voitures "ordinaires", chacune étant composée de 1re et 2e classes.

Le service de l’été suivant offrait quatre trains de jour dont trois comportaient des voitures Pullman ainsi que des voitures ordinaires. (Il n’y aura plus jamais de trains composés exclusivement de Pullman sur la ligne Bruxelles-Paris).

Horaire du 4 mai 1947
1-2-3 1-2 1-2 1-2-3 1-2-3
Bruxelles-Midi 9.10 10.45 16.05 19.00 22.30
P 1-2 WR P 1-2 P 1-2 WL
WR  [4] WR
Paris 13.15 16.51 20.05 23.00 6.42

Dès le mois d’octobre 47 le train de soirée disparut des horaires.

En 1949 un rapide toutes classes en milieu de journée (origine : Amsterdam) fut mis en service.

En revanche le premier train de la matinée ne comportait plus de 3e classe, disposition à peine compensée par la mise en service d’un train toutes classes quadrihebdomadaire en plein été et par la réapparition du train de soirée (sans Pullman) à la même période, et durant les fêtes. Un « express » Mons-Paris fut créé en fin d’après-midi.

Horaire du 15 mai 1949
1-2 1-2-3 1-2-3 1-2 1-2-3 1-2-3 1-2-3
Bruxelles-Midi 9.05 11.05 13.55 16.05 16.42 18.56 23.00
P 1-2  [5] P 1-2  [6]  [7] WL
WR WR
Paris 13.15 16.44 18.05 20.05 23.05 23.10 5.55

En été 1951 l’offre se démocratisa : tous les trains comportaient désormais des voitures de 3" classe.

La desserte de Mons fut améliorée : tous les trains, sauf un, s’arrêtaient à Mons, Aulnoye et Saint-Quentin. Les contrôles de police et de douane s’effectuaient entre Mons et Aulnoye. Le train de l’après-midi

fut retardé de plus de deux heures permettant une relation de soirée toute l’année. Le seul train « sans arrêt » (départ de Bruxelles à 11 h) effectuait le trajet en 3 h 31 minutes, ce qui se rapprochait des performances d’avant-guerre. Le même horaire fut reconduit en 1952.

Horaire du 18 mai 1952
1-2-3 1-2-3 1-2-3 1-2-3 1-2-3 1-2-3
Bruxelles-Midi 8.00 11.00 13.40 14.00 18.40 0.15
P 1-2
WR
 [8]  [9] P 1-2
WR
WL
Paris 12.02 14.31 17.35 18.02 22.42 6.31

À signaler qu’à partir de l’hiver 1952, la jonction Nord-Midi fut opérationnelle et que les trains vers Paris l’utilisèrent au fur et à mesure de la mise en exploitation des pertuis et en fonction des conditions techniques de traction.

En 1955 le créneau laissé vide par le report vers 19 heures du train de l’après-midi fut occupé par un autorail « 2e classe avec supplément » avec service de restauration. Cet autorail quittait Bruxelles-Midi à 16 h 05 pour arriver à Paris à 19 heures (sans arrêt intermédiaire). Pour la première fois, le temps de parcours tomba au-dessous des trois heures et le record d’avant-guerre fut (légèrement) battu.

Une petite révolution tarifaire intervint le 3 juin 1956 : les réseaux européens avaient renoncé au système des trois classes et le nouvel horaire ne parlait plus que de 1re et 2e classes. En fait la nouvelle « seconde » remplaça la 3e classe et la nouvelle première, selon le réseau, remplaçait l’ancienne 2e classe ou constituait une classe intermédiaire entre les précédentes 1re et 2e classes.

Les Pullman de 2e classe disparurent et ce service de luxe se limita en général à une voiture Pullman de 1re classe accouplée à la voiture-restaurant côté cuisine, ce qui permettait de desservir au départ d’une seule installation culinaire les convives « ordinaires » de la voiture-restaurant et les « privilégiés » voyageant en Pullman.

Le graphique des trains lui-même resta pratiquement inchangé par rapport à l’année précédente.

A suivre...


Source : Le Rail, août 1996


[1autorail SNCB 2e et 3e classes

[2express toutes classes avec voiture buffet-bar

[3autorail SNCF 2e classe

[4Ce train marquait des arrêts de 45 minutes à Quévy et à Feignies (douane) et était retardé par des manœuvres de fusion avec le Nord-Express à Aulnoye

[5Circule les vendredis, samedis, dimanches et lundis du 8 juillet au 5 septembre

[6Changement de train à Mons ; dimanches et jours fériés, départ de Bruxelles-Midi à 15.45

[7Circule du 2 au 7 juin et du 1er juillet au 5 septembre

[8Circule les 30 et 31 mai et tous les jours du 5 juillet au 7 septembre

[9Ce train achemine une voiture-couchettes de 2e classe Amsterdam-Bruxelles-Vintimille. Cette voiture est l’embryon des futurs trains saisonniers Benelux-Côte d’Azur.