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1835 -1966 : Adieu Vapeur !

A. Vanden Eynde, inspecteur technique principal.

lundi 18 mars 2024, par rixke

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« Le mardi 20 décembre 1966, un train de voyageurs sera, pour la dernière fois dans notre pays, remorqué par une locomotive à vapeur. Il s’agit du train 8155 partant de Ath à 14 h 07’ et arrivant à Denderleeuw à 15 h 15’. » C’est ainsi que, très simplement, la Direction générale de la S.N.C.B. annonça à ses invités l’ultime voyage...

Le départ du dernier train à vapeur

L’événement fut rehaussé par la présence de M. Bertrand, ministre des Communications, de représentants du Conseil d’administration, de M. Lataire, directeur général, de MM. les Directeurs de la S.N.C.B. et de nombreuses personnalités.

Même le temps voulut collaborer à la réussite de cette manifestation. Les nuées grises des jours précédents avaient été chassées et un ciel printanier à la « Sisley » éclaira la scène. En bon banlieue, le train siffla une dernière fois à toutes les gares, où des enfants brandissaient des fanions marqués du (B) traditionnel. Pour le voir passer, beaucoup de personnes avaient abandonné pendant quelques instants leurs machines ou leurs champs et elles agitaient la main, avec un peu de regret peut-être, pour le temps révolu...

Deux cérémonies ont eu lieu, l’une avant le départ à Ath, l’autre après l’arrivée à Denderleeuw, avec force cuivres de nos fanfares de Cuesmes et de Bruxelles. M. le Ministre, M. le Directeur général et M. le Directeur M.A. remirent, en toute simplicité, de petits cadeaux et un certificat-souvenir au chef instructeur Van Dessel, au machiniste Van Oost et au chauffeur D’Hocker, tous trois visiblement émus.

Le hasard a fait que c’est une type 29, la « 29013 », qui a remorqué ce dernier train. Elle commença sa carrière à Ottignies, puis passa par Kinkempois, Louvain, Monceau et Merelbeke avant de finir à Alost.

Au lendemain de la Libération, notre parc de locomotives se trouvait dans un état précaire. Manquant de presque tout, sans pièces de rechange, le personnel de la S.N.C.B. fournit alors un gros effort pour assurer, vaille que vaille, les trains nécessaires au ravitaillement de la population et à la remise en route de l’industrie. Un an après l’offensive von Rundstedt, la situation n’était pas encore reluisante. C’est alors que 300 type 29 sont providentiellement arrivées : 220 d’origine canadienne, qui nous sont parvenues en caisses, et 80 d’origine américaine, qui ont été fournies toutes montées. Cette opération eut lieu de la Noël 1945 à l’automne 1946. Les premières ont été montées à l’atelier d’Anvers-Dam, tandis que les secondes ont rallié leurs dépôts respectifs immédiatement après leur débarquement.

Le débarquement à Anvers

Les engins portant les nos de 29001 à 29160 ont été livrés par la Montréal Locomotive Works, ceux numérotés de 29161 à 29220 par la Canadian Locomotive Cy, et les derniers de 29221 à 29300 par l’American Locomotive Cy. La dernière, la 29300, a été baptisée « Ambiorix » à sa sortie de construction ; le nom du roi des Eburons a été malheureusement perdu au cours de la traversée de l’Atlantique... Ces locomotives, pratiquement identiques, ne possédaient cependant pas toutes une pompe d’alimentation : 15 machines, de la 29168 à la 29182, étaient munies d’un injecteur à vapeur d’échappement.

La dernière pelletée

Les type 29 furent les bienvenues car elles étaient très robustes et se contentaient d’un entretien plus réduit que les engins rescapés de la guerre. Elles ont très souvent sauvé l’une ou l’autre situation tendue, comme par exemple la 29140 qui remorqua parfaitement pendant quelques mois les trains internationaux sur la ligne du Luxembourg.

La 29013 aurait encore pu, pendant de longues années, faire des ronds de fumée dans la campagne alostoise, mais hélas ! le couperet de la guillotine du progrès technique I’a brusquement arrêtée sur sa lancée. C’est en excellente forme qu’elle a terminé sa carrière, en atteignant un parcours avoisinant un million de kilomètres. Pour parcourir cette distance, elle a consommé ± 20.000 t de combustible, soit, pour fixer les idées, 20 trains de charbon ou encore cent fois son propre volume.

Un long chapitre de la traction ferroviaire belge s’est achevé en beauté.

La « vapeur » n’est plus, vive les nouveaux engins de traction !


Source : Le Rail, février 1967