Accueil > Le Rail > Histoire > La reprise du trafic international voyageurs après la fin de la seconde (...)

La reprise du trafic international voyageurs après la fin de la seconde guerre mondiale

P. Vankeer.

mercredi 2 septembre 2020, par rixke

  Sommaire  

Dès la Libération, la SNCB s’est efforcée de remettre en exploitation toutes les lignes du pays et cela dans un contexte très difficile, la guerre continuant de faire rage à nos frontières du nord et de l’est. Le réseau ferroviaire devait donc satisfaire prioritairement les besoins de transport de troupes et de matériel des armées alliées, les transports civils ne pouvant être mis en place qu’après exécution des transports militaires. Par ailleurs de nombreux ouvrages d’art avaient été détruits, ce qui obligeait à des transbordements ou à utiliser des itinéraires de détournement. Et surtout n’oublions pas que, pendant que l’offensive dite « von Rundstedt » ravageait nos Ardennes, les V1 et V2 s’abattaient par centaines sur nos villes, en particulier sur Anvers et Liège.

Notre propos est de retrouver sur la base des indicateurs et — cinquante ans après — comment le trafic « civil » des trains internationaux de voyageurs a été progressivement rétabli après ces temps de malheur.

4090

 1945

Dans l’indicateur du 2 janvier 1945 — paru en pleine bataille des Ardennes — on ne relève qu’une seule relation internationale : un autorail qui, par Courtrai et Mouscron, relie Bruxelles à Lille d’où il est possible de gagner Paris. En juillet de la même année, la relation vers Paris est assurée par la voie normale Quévy-Feignies mais avec transbordement d’autorail SNCB en autorail SNCF à la frontière.

Ce n’est qu’en automne que le trafic international voyageurs reprend quelque consistance. L’indicateur du 8 octobre 1945 (cinq mois après la cessation des hostilités en Europe) signale trois trains directs Bruxelles-Paris, dont un express toutes classes — il y avait trois classes à l’époque ! — et avec voiture-restaurant, un autorail 1re et 2e classes, assuré par les splendides autorails triples SNCF baptisés « Le Cambrésis » ou « Le Beauvaisis » et un express de nuit toutes classes avec voitures-lits.

Le trajet entre les deux capitales dure six heures pour l’express de jour, quatre heures quinze (sans arrêt) pour l’autorail et près de 8 heures pour le train de nuit. Il y a aussi un express de jour Liège-Paris avec voiture-restaurant. Sauf pour l’autorail rapide, les arrêts aux gares-frontières sont importants : trois quarts d’heure, voire une heure à Quévy Feignies, Erquelinnes, Jeumont.

La relation Bruxelles-Lille est reprise par un train quotidien semi-direct via Tournai-Blandain.

Pour le grand-duché on trouve deux trains journaliers « semi-directs » de Bruxelles à Luxembourg avec 13 arrêts intermédiaires, soit un trajet en six heures à une vitesse moyenne de 35 kilomètres à l’heure !

On peut continuer vers l’Alsace et la Suisse mais il faut passer la nuit à Luxembourg car on n’y trouve qu’un seul « express » quittant la capitale grand-ducale à 7 h 55 pour arriver à Bâle à 18h15. Pendant quelques semaines la SNCB mettra en marche un autorail de nuit quittant Bruxelles Nord à 0h35 pour être à Luxembourg au petit matin et donner correspondance pour Bâle. Le service est également rétabli avec l’Angleterre à partir du 22 octobre par une « malle » trihebdomadaire Ostende-Folkestone. La SNCB met en correspondance un autorail quittant Bruxelles Midi à 7h40, autorail ne comportant — dit l’indicateur — que des places de 1re et 2e classes, ce qui nous a fort intrigués, la SNCB ne disposant que d’autorails de 2e et 3e classes.

La reprise des relations avec les Pays-Bas est particulièrement lente et difficile. Le viaduc du Moerdijk n’est pas encore reconstruit et il faut passer par Tilburg, Nimègue et Utrecht. On part de Bruxelles Nord à 10h30 pour arriver à Amsterdam à 19h24 après changement à Anvers et Roosendaal.

7 octobre 1945
1-2-3 1-2 1-2 1-2-3  ?  ? 1-2-3 1-2 1-2-3 1-2
Pullm. Pullm. WL WL Pullm. Pullm.
7.00 10.35 16.05 22.00 BRUXELLES MIDI 6.03 13.29 20.24 21.38
13.27 15.05 20.05 6.00 PARIS-NORD 22.20 9.30 14.00 17.15

L’indicateur précise que "les horaires du réseau néerlandais sont donnés sans garantie ; ils sont sujets à des modifications fréquentes".

Ne quittons pas l’année 1945 sans signaler que le trafic "frontalier" est repris avec la France : quatre trains quotidiens entre Mouscron et Tourcoing, deux entre Quévy et Feignies, quatre entre Namur et Givet, trois entre Chimay et Anor. Et aussi avec le Limbourg hollandais : deux trains entre Visé et Maestricht.

 1946

Le supplément du 7 janvier 1946 à l’indicateur du 8 octobre 1945 annonce des nouveautés substantielles : plus besoin de loger à Luxembourg ou de passer la nuit dans un autorail peu confortable pour se rendre en Suisse car deux trains quotidiens sont mis en marche pour Bâle. L’un d’eux est tout simplement le « semi-direct » Bruxelles-Luxembourg de l’après-midi prolongé pendant la nuit ; l’autre part à 23h20 de Bruxelles Nord, comporte les trois classes et une voiture-lits et arrive à Bâle... à 16 heures !

Des correspondances sont prévues à Bâle pour Genève, Zurich, Lucerne, Milan et à Milan pour Venise et Rome... trois fois par semaine seulement. Le trajet Bruxelles-Rome exige 48 heures... quand tout va bien ! Mais qu’importe puisque les destinations transalpines retrouvent droit de cité dans les colonnes de l’indicateur.

Amélioration également pour les relations avec les Pays-Bas, il faut toujours faire le « grand tour » par Nimègue pour atteindre Amsterdam mais il y a désormais un train direct quittant Bruxelles Midi à 9h30 pour être à Amsterdam à 17h34. Ce train comporte les trois classes ainsi qu’un « couplage » de voitures Pullman 1re et 2e classes. C’est la toute première réapparition de ces voitures luxueuses qui circulaient avant-guerre en rames complètes (ancêtres des TEE) vers Paris, Amsterdam, Bâle et Cologne. On y trouve en 1re classe des fauteuils « clubs » avec table pour deux personnes, en 2e classe des banquettes fixes et tables alternées pour deux ou quatre personnes.

Une cuisine installée dans l’une des deux voitures permet de servir les voyageurs à leur place.

A l’indicateur du 6 mai 1946, le service « civil » est rétabli avec l’Allemagne et la Scandinavie et le « Nord Express » renaît de ses cendres. Oh ! ce n’est plus le train de luxe d’avant-guerre composé exclusivement de voitures-lits de la Compagnie internationale. On y trouve maintenant des voitures « places assises » Paris-Hanovre-Berlin et Paris-Copenhague mais il y a aussi des voitures-lits Paris-Copenhague-Stockholm et Bruxelles-Hanovre. Bien entendu tout cela ne va pas encore très vite : il faut deux nuits, près de 36 heures, pour aller de Bruxelles à Copenhague.

Vers l’Angleterre, le service via Ostende-Folkestone devient quotidien et une autre liaison Belgique-Angleterre est créée via Lille-Calais.

La relation Bruxelles-Paris comporte toujours un express toutes classes le matin (fusionné avec le Nord Express d Aulnoye à Paris) et un train de nuit mais l’autorail rapide de l’après-midi est remplacé par un train vapeur comportant des Pullman 1re et 2e classes Amsterdam-Paris, des voitures 1re, 2e, 3e classes Amsterdam-Bruxelles et 1re et 2e classes Bruxelles-Paris.

Dans les relations « frontalières » franco-belges on compte deux trains quotidiens Quiévrain-Valenciennes, trois Adinkerke-Dunkerque, un Charleroi-Jeumont, un Charleroi-Maubeuge et deux Charleroi-Treignes-Vireux-Molhain. Avec les Pays-Bas, est rouvert le point-frontière de Lanaken (deux trains quotidiens Hasselt-Maastricht). Sur la grande ligne de Luxembourg, on dénombre trois trains Bruxelles-Luxembourg ainsi que les deux pour Bâle. Les correspondances à Milan pour Rome et Venise sont désormais quotidiennes mais les trajets sont toujours aussi lents. A noter sur la ligne de l’Amblève un train direct Visé-Liège-Gouvy-Luxembourg.

Au service d’hiver (indicateur du 7 octobre 1946) le Nord-Express se voit attribuer une voiture-lits Ostende-Copenhague (deux nuits de voyage) et la relation avec l’Angleterre s’établit désormais via Douvres comme avant-guerre et plus par Folkestone.

Le premier train Bruxelles-Bâle comporte une voiture-lits pour Milan et une voiture places assises 1re et 2e classes pour Rome (le trajet Bruxelles-Rome ne prend plus que 38 heures au lieu de 48) ; le deuxième train est amorcé à Ostende et donne correspondance à Bâle vers Milan.

La relation Bruxelles-Paris passe à quatre trains quotidiens : un express toutes classes à 7h, deux rapides 1re et 2e classes et Pullman à 10h35 et 16h05, un train de nuit.

Le train le plus rapide fait Bruxelles-Paris en 4 heures (3 heures en 1939). A signaler que la liaison Bruxelles-Amsterdam se fait à nouveau par Rotterdam-La Haye, ce qui réduit le temps de parcours à 5 heures trois-quarts ou 6 heures. Le train Visé-Luxembourg est amorcé à Amsterdam. Enfin un tableau annonce la « résurrection » de la ligne maritime Anvers-Harwich (Londres). Ce service fonctionne deux fois par semaine et il est stipulé que « pour tous renseignements, il faut s’adresser aux gares de Bruxelles Nord et Anvers Central ».

 1947

Pour les relations avec l’Europe centrale, la grande nouveauté à l’indicateur du 4 mai 1947 est la mise en circulation d’une voiture-lits (trihebdomadaire) et d’une voiture places assises 1re et 2e classes (quotidienne) Ostende-Prague d’où l’on peut atteindre Varsovie. Pour Vienne, Budapest et Bucarest, l’indicateur renseigne une correspondance à Bâle avec l’Arlberg Express Paris-Bâle-Zurich-Vienne.

Sur l’axe Belgique-Suisse, on note la création d’un train de jour Bruxelles-Bâle (le trajet dure près de 12 heures !) et d’un train de nuit Amsterdam-Bâle via Liège-Gouvy avec voiture-lits, trihebdomadaire jusqu’au 28 juin, quotidien à partir du 1er juillet ; le tourisme vers la Suisse est en pleine expansion.

Le train de jour Amsterdam-Liège-Luxembourg est supprimé mais à sa place deux trains (matin et après-midi) Liège-Luxembourg sont proposés.

La relation maritime Douvres-Ostende devient biquotidienne et de ce fait les deux trains de nuit Bruxelles-Bâle sont amorcés à Ostende. Modification de la grille Bruxelles-Paris : départs le matin à 9h05 (toutes classes et Pullman) et à 10 h 45 (1re et 2e classes), création d’un train de soirée (départ à 19h00) qui ne circulera qu’en été. On note l’amélioration très nette de la relation liège-Paris par la mise en marche d’un autorail rapide 1re et 2e classes dénommé « Sambre-et-Meuse » et d’une relation de nuit provenant de Copenhague.

Pour les relations frontalières, citons la présence d’un autorail express 2e et 3e classes Anvers-Gand-Courtrai-Lille et la réouverture du point-frontière de Hamont avec trois trains quotidiens pour Weert.

Au service d’hiver (indicateur du 5 octobre 1947), la seule nouveauté intéressante est la circulation d’une voiture directe Ostende-Vienne (acheminée jusqu’à Nuremberg par le même train que les voitures Ostende-Prague) avec correspondance vers Budapest et Bucarest.


Source : Le Rail, août 1995