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Le transport ferroviaire des denrées périssables sous régime de la température contrôlée (III)

C. Lokker.

samedi 20 novembre 2021, par rixke

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Quelques réalisations en matière de construction de wagons spécialisés

 L’isolation

Dans notre premier article, nous avons défini les divers types de matériels utilisés dans le trafic sous température dirigée. Ils ont tous un point commun : la caisse isolée. L’isolation s’obtient en enfermant une matière poreuse entre les parois internes et externes du wagon. A l’origine, on utilisait le liège expansé. Actuellement, on s’oriente vers la laine de verre et des matières à base de résine synthétique, qui offrent l’avantage de conserver leur valeur isolante en n’absorbant pas l’humidité. En conséquence, pour les wagons modernes, la qualité de l’isolation est appréciée en fonction non plus de son épaisseur, mais des qualités du matériau mis en œuvre.

La valeur de l’isolation est déterminée par un coefficient, dit coefficient K. Ce coefficient K est égal à la quantité de chaleur (exprimée en calories) susceptible de traverser 1 m2 de paroi, en une heure, pour une différence de température entre l’air intérieur et l’air extérieur de 1° C.

Ceci dit, il est facile de comprendre que K varie entre 0 et 1. 0 = isolation parfaite ; 1 = absence complète d’isolation.

D’où on admet la classification des wagons en trois catégories en fonction de leur degré d’isolation :

  • Isolation forte : K < 0,3.
  • Isolation moyenne : 0,3 < K < 0,6.
  • Isolation faible : K > 0,6.

 La ventilation

Les wagons réfrigérants peuvent être aussi définis d’après le type de ventilation utilisé pour établir l’échange de température entre la glace d’eau et la marchandise. Il y a trois systèmes de ventilation : naturelle, éolienne et électrique.

La ventilation naturelle

On sait que l’air chaud « monte » et que l’air froid « descend ». Donc, naturellement, le cycle sera : l’air réchauffé par le chargement monte, il se refroidit au contact de la glace et s’écoule sous le chargement, et ainsi de suite.

La ventilation éolienne

Des ventilateurs commandés par des turbines placées sur le toit accélèrent le cycle décrit plus haut et répartissent plus uniformément la circulation de l’air dans la masse du chargement.

La ventilation électrique

Un générateur prenant son énergie durant la marche sur l’essieu alimente des électro-ventilateurs situés en haut des parois d’écran. Ceux-ci aspirent l’air chaud via les caillebotis vers les bacs à glace et rejettent l’air froid de haut en bas à travers le chargement.

A l’arrêt, l’installation électrique peut être alimentée par le courant du réseau local. Cette possibilité permet de « préréfrigérer » le chargement avant le départ du train.

 Aux Etats-Unis

Les caractéristiques moyennes des wagons réfrigérants des compagnies américaines sont :

  • Tare : 27,5 à 35 t. ;
  • Charge utile : 33 à 66 t. ;
  • Surface utile : 25,5 à 36,2 m2 ;
  • Volume utile : 50 à 70 m³ ;
  • Capacité des bacs à glace : 5,4 à 7,9 m³, soit 4,5 à 6 t. de glace d’eau ;
  • Coefficient d’isolation : K = 0,637.
  • La ventilation électrique se substitue progressivement à la ventilation éolienne.

Les caractéristiques utiles des wagons frigorifiques sont très proches de celles figurant ci-dessus, sauf que l’isolation est plus soignée : K = 0,425.

D’une manière générale, dans ce domaine spécialisé où ils ont joué le rôle de promoteur, les Etats-Unis n’ont plus rien à apprendre aux Européens, qui font actuellement beaucoup mieux !

 En Europe Occidentale

Les parcs sont encore en grande partie constitués de wagons de conception ancienne. Mais un grand progrès a été réalisé grâce à deux types unifiés de wagons réfrigérants (type I, isolation moyenne, et type II, isolation forte, définis par l’Office de Recherches et Essais fonctionnant dans le cadre de l’Union internationale des Chemins de fer).

Nous nous contenterons de décrire le type I à isolation moyenne, qui est construit actuellement en grande série par l’Interfrigo et la plupart des chemins de fer.

Wagon UIC-ORE type 1, à isolation moyenne

Les caractéristiques essentielles de ce matériel sont :

  • Tare : 16,5 t. ;
  • Charge utile : 19,5 t. ;
  • Surface utile : 22 m³ ;
  • Volume utile : 44 m³ (46 m³ quand les barres à crochets sont démontées) ;
  • Coefficient d’isolation : K = 0,4 ;
  • Capacité des bacs à glace : 6,4 m³, soit 3,5 à 4 t. de glace hydrique.

Une conception nouvelle de la caisse et le recours à des isolants de choix donnent à ce wagon une isolation proche de l’isolation forte et le rendent apte à transporter sur longues distances aussi bien des denrées congelées (glace carbonique) que des produits frais (glace d’eau).

Wagon « Interfrigo » construit en panneaux « sandwich ».

La caisse est constituée de deux enveloppes entièrement métalliques, dont l’écartement et la liaison sont assurés par de petites entretoises de bois lamelle, très mauvais conducteur de chaleur. La porte, d’un seul battant, parfaitement étanche, est réalisée suivant la même conception. L’isolation entre les deux enveloppes est obtenue, pour le plancher, à l’aide d’une couche d’onazote de 120 mm. et, pour les parois, à l’aide de panneaux de 120 mm. de laine de verre emprisonnée dans des feuilles d’aluminium.

Les trappes à glace en about sont obliques et permettent tant le glaçage mécanique que le glaçage manuel.

La surface de chargement est couverte par des caillebotis métalliques amovibles robustes. Les barres à viande, situées à 1 m. 90 au-dessus du plancher, possèdent 256 crochets.

La ventilation est assurée par une installation électrique composée de quatre électroventilateurs (deux à chaque paroi d’écran) alimentés soit par le courant du secteur à l’arrêt, soit par un générateur qui prend son énergie au roulement des essieux durant la marche.

Ce matériel est susceptible de bénéficier de nouveaux progrès. L’Interfrigo expérimente actuellement le comportement de caisses de wagon construites en « panneaux sandwich ». Les éléments en sont constitués par un panneau d’isolant rigide (Klégecel), emprisonné entre deux parois de tôle galvanisée. Le montage des éléments s’opère par soudure. Cette construction présente les avantages ci-après :

  • Disparition de la charpente métallique de la caisse et gain sur la tare ;
  • Etanchéité et isolation parfaites à l’aide de parois plus minces (90 mm. au lieu de 120 mm.) ;
  • Réduction des dépenses à l’achat et à l’entretien.

Par ailleurs, l’Interfrigo a équipé, à titre d’essai, deux wagons d’une installation de chauffage électrique prenant son énergie sur l’essieu.

 En U.R.S.S.

Trains frigorifiques de 23 véhicules

L’organisation de l’économie soviétique et l’importance du marché intérieur ont déterminé un recours accru à la solution du train frigorifique.

Le train, de 23 véhicules, comprend un wagon renfermant l’installation diesel électrique, un wagon producteur du froid, un wagon destiné au personnel d’accompagnement, vingt wagons destinés au chargement offrant une capacité de charge de 600 t. et 1.300 m³.

Ce matériel est conçu pour les transports suivants :

  • Produits congelés à une température de - 10° C par une température extérieure de + 30° C ;
  • Produits « préréfrigérés » à une température de + 2° C par une température de + 30° C ;
  • Produits « non préréfrigérés » qui doivent, après quatre jours, être refroidis de + 25° C à + 4° C par une température extérieure de + 30° C ;
  • Produits transportés en hiver à une température minimum de + 6° C par une température extérieure de - 40° C.

L’installation diesel électrique, d’une puissance totale de 150 kW. se compose de deux moteurs principaux procurant la force motrice et d’un moteur de secours destiné à la charge des batteries. Le courant produit alimente le wagon producteur de froid et le chauffage électrique du train. L’ensemble de l’installation ne fonctionne en moyenne que durant 35 % du trajet. Le wagon est équipé de trois citernes, placées dans les coins, d’une capacité de 5.700 litres. Dans la partie inférieure du wagon, il y a quatre citernes d’une contenance de 2.050 litres. Deux citernes de 300 litres occupent la partie supérieure. L’une d’elles étant réservée à l’huile de graissage, le wagon peut recevoir au total 8.050 litres de carburant. Ces réserves confèrent à la composition une autonomie de 160 heures. Un tableau de commande et de contrôle centralisés permet par télécommande d’assurer à chacun des wagons un régime thermique propre.

Détail d’un train frigorifique bulgare semblable aux compositions russes.

Le wagon producteur du froid est équipé de deux compresseurs à l’ammoniaque commandés par des électromoteurs et des pompes destinées à la circulation de la saumure dans les conduits alimentant les wagons.

Le wagon destiné au personnel d’accompagnement est conçu de manière à assurer le confort nécessaire durant le voyage à sept personnes (cuisine, dortoir, bibliothèque).

Dans les wagons destinés au chargement, les conduites de saumure aboutissent aux parois d’about pour rejoindre la conduite principale isolée, fixée au plafond. La conduite principale alimente quatre batteries de serpentins en série deux à deux. La circulation de la saumure dans ces serpentins est réglée par des clapets magnétiques télécommandés au départ du tableau placé dans le wagon diesel électrique. La température dans l’aire de chargement est uniformisée par des ventilateurs électriques. Des gouttières recueillent et évacuent les eaux de condensation, préservant ainsi le chargement. Lorsque les marchandises doivent voyager en régime ventilé (cas notamment pour les agrumes), un second système de ventilation établit un courant avec l’air extérieur. Le plancher est pourvu de caillebotis métalliques galvanisés amovibles. L’isolation est réalisée à l’aide de plaques « Mipora ».

Compositions plus petites

Les chemins de fer russes utilisent aussi des compositions plus petites pouvant s’intercaler dans les trains ordinaires. Ces compositions varient de cinq à douze wagons dotés d’une installation semi-automatique permettant d’atteindre des températures de -12° C par une température ambiante de + 35° C.

Les wagons peuvent être éventuellement dissociés des rames et possèdent une installation électrique autonome pouvant servir à la « préréfrigération » des marchandises au départ. La structure de ces compositions leur confère une grande souplesse d’exploitation.

Le coefficient d’isolation K du train de 23 wagons est de 0,32. Il est encore plus favorable pour les petites compositions.

Wagons réfrigérants

Les chemins de fer russes disposent en plus d’un parc important de wagons réfrigérants.

Le volume utile de chaque wagon est de 70 m³ ; les bacs à glace, suivant qu’ils sont placés aux parois d’about ou encastrés dans le toit, ont une contenance de 6,4 t ou de 5 t.

Les trois quarts de l’effectif possèdent les bacs à glace aux parois d’about, mais, pour les constructions nouvelles, seule la solution des bacs encastrés dans le toit est retenue.


Source : Le Rail, septembre 1961